L’observation de la biodiversité à grande échelle demande des moyens que les scientifiques ne peuvent déployer. Ils ne sont pas assez nombreux et ne disposent pas assez de temps pour aller sur le terrain. Le programme Vigie-Nature du Département scientifique « Écologie et Gestion de la biodiversité » du Muséum national d’Histoire naturelle supplée ce manque de connaissances.Lancé il y a vingt ans, Vigie Nature fédère des réseaux associatifs, qui eux-mêmes réunissent des observateurs naturalistes volontaires.
Encore récemment, le seul indicateur direct d’état de la biodiversité disponible en France était l’indicateur STOC, basé sur le Suivi Temporel des Oiseaux Communs. Les oiseaux seuls ne pouvant pas informer sur l’évolution de l’ensemble de la biodiversité Vigie- Nature a été créé en 1989. Aujourd’hui, Vigie-Nature compte deux observatoires pour les oiseaux, deux pour les papillons, un pour les chauves-souris, et depuis 2009, un pour les escargots et un pour les plantes. Trois projets sont à l’étude, pour les pollinisateurs, la biodiversité des zones humides et celle des milieux marins.
Mille ornithologues
Depuis 20 ans, 1 000 ornithologues, déployés sur l’ensemble de la France, mesurent l’abondance des populations d’oiseaux. Deux indicateurs principaux ont été mis en place. L’indicateur « spécialisation des communautés » est très sensible aux perturbations du paysage, par exemple fragmentation des habitats, l’intensité des pratiques agricoles, la disparition des haies. L’indicateur a permis de montrer un déclin de 30 % en 20 ans dans les espaces agricoles. Les oiseaux les plus spécifiques, liés aux caractéristiques d’un milieu sont ceux qui ont le plus reculé, comme l’alouette, la linotte,
L’indicateur « température des communautés » compare lui la réponse au réchauffement climatique par rapport aux résultats attendus. Il prend en compte la proportion d’oiseaux méridionaux et d’oiseaux de secteurs plus froids. Plus la proportion d’oiseaux méridionaux s’accroit, plus l’impact du réchauffement est donc sensible. Les résultats sont sans appel. Les observations à grande échelle ont montré une avancée des populations de 100 km vers le Nord suite au réchauffement climatique au lieu des 200 km attendus.
Vigie-Nature se propose de généraliser le recours à des réseaux d’observateurs pour les papillons, les chauves-souris et les oiseaux. Les données de l’Observatoire des Papillons des Jardins permettent par exemple de mesurer la réponse de chaque espèce à l’urbanisation : la composition en espèces de papillons pourrait être ainsi un bon indicateur de l’efficacité de la trame verte en ville.
Ce sont 50 000 personnes qui fournissent chaque année 150 000 journées d’observations. Cette participation est estimée à 3 millions d’euros, contre 13 millions si le travail était fourni par des professionnels. « La motivation première, explique Romain Julliard, chercheur au Muséum d’Histoire, c’est de nommer par exemple les papillons qu’on a dans son jardin. Avant, on voit un papillon, après on a vu une Belle Dame. Puis l’observateur s’intéresse à d’autres milieux, compare. Et il est amené à comparer ce qu’il voit d’une année à l’autre »
L’intérêt peut s’élargir mais il n’est pas facile à maintenir. L’Observatoire des Papillons de Jardins n’arrive à impliquer que 35 00 observateurs. L’intérêt pour les sciences naturelles, pour l’écologie, pour la flore et la faune, reste moindre en France que dans d’autres pays. Romain Julliard rappelle que les Britanniques se mobilisent par centaines de milliers, que les Hollandais sont aussi très intéressés par les activités naturalistes.
Pour en savoir plus sur le Muséum National d’Histoire Naturelle: www.mnhn.fr/presse
L’ensemble des associations est listée sur le site: www.mnhn.fr/vigie-nature
