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Le juge administratif et le préjudice écologique au secours de la création d’un centre de stockage de déchets inertes

Le préjudice écologique peut surgir là où on ne l’attend pas, et encore moins pour venir au soutien à la création d’un centre de stockage de déchets inertes. Tel est le sens d’un arrêt du Conseil d’Etat dans un dossier concernant le traitement des déchets inertes à Marseille.

Sur le territoire de la Ville de Marseille, la société Commercialisation décharge et travaux publics demandait l’enregistrement d’une installation de stockage de déchets inertes sur le site d’une ancienne carrière. Le Préfet s’y opposait, et prononçait dans le même temps, l’arrêt définitif de cette exploitation avec remise en état du site. Le Tribunal administratif de Marseille saisi par la société d’un recours en référé suspension dirigé contre l’arrêté du Préfet, rejetait sa demande. La société saisissait le Conseil d’Etat qui a censuré la décision en référé du premier juge.

Pour justifier l’urgence à examiner l’arrêté de fermeture définitif du Préfet des Bouches du Rhône, le Conseil d’Etat jugeait que :

  • La fermeture du centre de stockage aurait un double impact négatif, et en termes financiers pour l’entreprise, et en termes d’emploi, compte tenu de l’arrêt de l’unité et des licenciements en résultant.
  • La fermeture serait, en outre, susceptible de créer un préjudice écologique compte tenu du report de la clientèle de l’unité de stockage vers d’autres unités plus éloignées (Emission de CO2, augmentation de la densité du trafic de poids lourds, pollution atmosphérique, …).
  • Cette situation constitue, enfin, un intérêt public lié à l’insuffisance dans la région de sites de stockage de déchets inertes.

Pour apprécier l’urgence à examiner l’arrêté de fermeture, premier critère à remplir en matière de recevabilité d’un référé suspension, le Conseil d’Etat prend en compte les conséquences de celle-ci en termes économique et d’emploi pour la société directement concernée, ce qui est très rare dans ses décisions (art. L. 521-1 du Code de justice administrative).

Le Conseil juge que le fait que la région de Marseille manque (cruellement !) de sites de stockage de déchets inertes constitue, en tant que tel, un intérêt public qui vient aussi au soutien de l’urgence à examiner cette situation. On voit que le Conseil examine plus largement une situation et les conflits pouvant en résulter, s’agissant des différents intérêts publics à prendre en considération soit, d’une part, le respect de la législation sur les installations classées et celle du PLU de la ville, et, d’autre part, le manque de centres de stockage de déchets, en vue d’apporter une réponse concrète à celle-ci.

Un préjudice écologique

Enfin, le Conseil d’Etat, ce qui constitue une avancée, considère que le fait de prononcer la fermeture d’un centre de stockage, va se traduire par de nouveaux flux de poids lourds sur les routes à la recherche d’autres centres plus éloignés de l’agglomération marseillaise, trafic générant des émissions de CO2 et aggravant la pollution de l’air, autant de facteurs susceptibles de constituer un préjudice écologique, et on pourrait ajouter une atteinte pour les riverains concernés.

Si le préjudice écologique est aujourd’hui inséré dans le Code civil, force est de constater que le juge administratif s’intéresse tout autant à celui-ci (art. 1386-19 et suivants). En d’autres termes, il ne s’abstrait pas des réalités, mais tente bien de prendre en compte tous les intérêts en cause. Il prend en compte la nécessité de disposer à l’échelle de l’agglomération marseillaise de centres de stockage de déchets inertes pour répondre aux besoins d’un bassin de population dans un contexte particulièrement tendu. Il prend en compte la légalité de la création d’un tel centre dans un secteur classé en zone NT au PLU (zone naturelle), laquelle interdirait selon le Préfet la création d’une telle unité de stockage. Mais, le Conseil d’Etat a jugé que la création d’une telle unité pouvait constituer au sens de ces mêmes dispositions, des installations nécessaires aux services publics ou d’intérêt collectif, lesquelles sont autorisées en zone naturelle.

En d’autres termes, la création d’une unité de stockage en zone NT du PLU de Marseille n’est pas en contradiction avec celles-ci, car une telle unité constitue bien une installation d’intérêt collectif et nécessaire aux services publics. Le Conseil d’Etat démontre que le préjudice écologique peut prendre racine devant le juge administratif, trouver sa place dans les intérêts à prendre en compte pour apprécier la réalité d’une situation, au même titre que celui de l’emploi ou de la nécessité de disposer d’installations pour répondre à des besoins collectifs comme le stockage de déchets (décision[1]).

Lionel ROCHE, Avocat associé, Environnement & Energies renouvelables et Défis climatiques

lroche@aklea.fr  www.aklea.fr

Conseil d’Etat Conseil d’État, 7ème chambre, 31/03/2017, 403297, Inédit au recueil Lebon : https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do?oldAction=rechJuriAdmin&idTexte=CETATEXT000034330388&fastReqId=1336744825&fastPos=1

[1] Conseil d’Etat Conseil d’État, 7ème chambre, 31/03/2017, 403297, Inédit au recueil Lebon

https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do?oldAction=rechJuriAdmin&idTexte=CETATEXT000034330388&fastReqId=1336744825&fastPos=1

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