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Repensons notre société pour plus d’efficience, de bien être et de cohésion sociale, par Emmanuel François

Emmanuel François est président de l’association Smart Building Association, SBA, partenaire du prochain salon BE Positive. Le texte ci-dessous reprends son intervention lors des universités d’été Smart Building for Smart Cities qui se sont déroulées sur Lyon les 14 & 15 Septembre.
 

Emmanuel François, président de SBA Smart Building Alliance ( photo Enviscope.com)
Emmanuel François, président de SBA Smart Building Alliance (photo Enviscope.com)

Notre société au bord de ses limites :  En cette rentrée 2016, il est de plus en plus manifeste qu’à l’échelle planétaire notre société touche à ses limites avec des  enjeux aussi bien sociaux, économiques qu’environnementaux.
Quelques exemples issus du contexte du Bâtiment et de la Ville  illustrent bien à eux seuls ces limites :
Energie :
– Les Villes représentent 78% de la consommation énergétique mondiale dont 45 % pour le bâtiment et cette proportion devrait croître puisque d’ici à 2050 plus de 6 Mds d’habitants devraient être citadins
– Durant les 10 dernières années la consommation mondiale énergétique a cru de 25%
Santé & Bien être :
– La qualité de l’air tue avec 48.000 décès / an rien qu’en France
– 30 % de la population est devenue allergique surtout en raison de la pollution et la tendance serait 50 % à horizon 2050 (source OMS)
– Près de 10 % de la population est identifiée électro hypersensible avec des annonces allant jusqu’à 50% en 2050, ce qui en ferai le mal du siècle
Economique :
– 25 % de la population Française est en précarité avec des problèmes réels de fin de mois
– Les franciliens dépensent 35% de leur budget pour leur logement alors qu’ils passent 1h30 par jour dans les transports tandis que 12 Millions de Français  sont en situation de fragilité par rapport au logement (Source Abbé Pierre)
– Le taux d’absentéisme en France avoisine les 4,5 %, soit un coût de 45 Mds € dans le privé et près de 9% dans les collectivités territoriales
Environnement :
– 50 % de la superficie d’une ville est dédiée à la voiture
– Le réchauffement climatique s’accélère avec une prospective entre + 2,6 °C et + 5,3 °C pour la France d’ici fin 2100 (source Météo France) avec les conséquences que l’on connait

La croissance est elle encore le bon moteur?
Dans ce contexte, il convient de s’interroger si la croissance à tout prix doit rester l’unique moteur de  développement de nos sociétés. En effet, alors que la croissance de la consommation est pour l’ensemble de nos sociétés le principal indicateur économique, il convient sans doute aujourd’hui de s’interroger en prônant des comportements plus durables, tels que consommer moins et consommer mieux.

En effet, de manière macro économique, il apparaît qu’aujourd’hui notre société, structurellement centralisée,  génère par son mode de fonctionnement beaucoup d’inefficience se traduisant par beaucoup de gaspillage (dont énergétique) et du mal être, pouvant aller jusqu’à ébranler notre cohésion sociale. Il suffit de prendre l’exemple du lait où il semble que seuls des circuits courts permettent encore d’assurer un revenu décent aux exploitants pour illustrer ce problème majeur qui touche tous les secteurs de notre économie. Or dans une économie où la croissance commence à faiblir durablement  malgré de nombreuses incitations, souvent perverses car basées sur de l’endettement et où le niveau des taux d’intérêt durablement bas remet en cause des modèles entiers de notre économie qui reposaient très souvent sur des systèmes centralisés, il devient presque urgent de remettre en cause certains fondamentaux de notre société.

Refonder notre société avec le numérique et les nouvelles technologies

En effet, alors que notre société est fondée depuis des siècles sur des organisations pyramidales très centralisées, le numérique qui par essence relie tous les acteurs entre eux, permet de passer à une organisation en réseau, décentralisée, de type neuronal. Il permet ainsi un décloisonnement de notre société, souvent structurée en silos pour une appréhension des sujets beaucoup plus globale avec une démarche transverse, associant ainsi tous les acteurs de la chaîne de valeur. L’individu souvent laissé pour compte des grandes organisations pyramidales se retrouvant à nouveau placé au centre du système en devenant à la fois consommateur et acteur. Cette mutation est fondamentale. Elle représente une formidable opportunité pour refonder notre société et nos modèles pour plus d’efficience, de bien être et de cohésion sociale.
Dans ce contexte nous devons :
– Passer du consommer plus au consommer mieux
– Privilégier l’usage à la propriété
– Développer l’économie  collaborative (travail, mobilité, espaces, énergie, santé, culture,…)
– Revoir les modèles économiques en intégrant la notion de coût global pour la société (en intégrant tous les acteurs)
– Passer d’organisation pyramidales (modèles centralisés)  à des organisations en réseau (décentralisées)
– Promouvoir l’économie circulaire et les circuits courts pour une croissance durable
– Passer de l’égo à l’intérêt collectif

Commençons par le travail et développons des tiers lieux

L’impact du travail sur l’organisation de notre société est fondamental. Alors que le chômage et l’inactivité sont un mal structurel de notre société mettant en danger notre cohésion sociale, il convient aujourd’hui de repenser notre mode de travail en s’appuyant sur les nouveaux outils numériques. Cela comprend notamment :
Privilégier le télétravail pour réduire de manière conséquente les flux quotidiens de personnes, dégager plus de temps libre, réduire le stress des individus et les rapprocher. Si aujourd’hui la France est à la traîne avec 2 à 3 % de télétravailleurs, certains pays d’Europe du Nord ont pris de l’avance avec un taux  de 30% voire près de 40% dans certaines villes de Finlande. Avec le numérique certains prédisent le passage du travail sédentaire au travail nomade. Un juste milieu doit être trouvé mais dans tous les cas un taux de 30% à l’échelle  d’une collectivité aurait déjà un impact considérable sur son environnement.
Privilégier le partage du temps ou “Work Sharing” pour permettre à la fois l’intégration d’un plus grand nombre et la mutualisation de la connaissance ou des savoirs faire. Il s’agit ici d’une démarche vertueuse. En effet, en partageant son travail, l’individu réduit son risque de précarisation tout en bénéficiant d’apports multiculturels qui contribueront à son évolution professionnelle et personnelle. Là encore la France est en retard, alors qu’aux Etats-Unis ce mode travail représente plus de 20% de la population active.
Nous devons ainsi évoluer vers un nouveau mode de travailleur, plus itinérant, plus responsable, voire plus indépendant, pour lequel l’environnement de travail primera sur le lieu et le résultat sur les moyens. Bien entendu cette évolution doit être accompagnée d’un cadre juridique afin de prévenir toute dérive et assurer la protection des travailleurs mais elle devra également favoriser cette flexibilité et modularité nécessaire à libérer durablement le marché du travail.
Cette mutation inéluctable doit être accompagnée par le développement sur tout le territoire de tiers lieux qui rapprocheront l’individu de son travail et de tous les services liés à celui ci. Ces endroits existent pour la plupart (ZAC, ZI, ZUP,…) mais ils n’ont pas été conçues pour cela à l’origine.

Alors qu’aujourd’hui en France, plus des deux tiers des salariés (source INSEE30/06/2016 – 16,7 M de personnes)  sont des navetteurs (c’est à dire travaillant sur une autre commune que leur lieu de résidence) on peut aisément imaginer l’efficience dégagée si ne serait ce que 50 % de ceux ci se rapprochaient de leur lieu de résidence en optant pour le télétravail pour au moins 20 % de leur temps de travail.  Cela déboucherait naturellement sur une réduction de près de 10% des flux de transport avec à la clé une réduction conséquente des émissions de CO² sans compter le gain de temps dégagé pour chaque individu qu’il pourra consacrer par exemple à sa famille et à l’éducation des ses enfants, à de la culture, à de l’activité physique, à des activités sociales, etc… pour son bien être et celui de la société.

Pour cela il faut bien entendu aménager les espaces de bureaux actuels en développant des centres de Coworking en repensant les espaces de travail pour plus de flexibilité et de modularité. L’individu devra en effet y trouver tous les services dont il bénéficie sur son propre lieu de travail. Les nouvelles technologies  permettent aisément cette mutation pour un investissement raisonnable et rapidement rentabilisé quand on sait qu’aujourd’hui seulement 50 % des espaces de travail sont occupés. Passer rapidement d’un taux d’occupation de 50 à 70% voire 80 % est tout à fait concevable et souhaitable. C’est une tendance de fonds qui s’amorce et doit être encouragée par une libéralisation du travail. C’est un exemple parfait du consommer mieux et moins avec à la clé beaucoup d’efficience. L’enjeu actuel étant plus d’aménager les espaces existants plutôt que d’en construire de nouveaux…
Bien entendu, ces tiers lieux ne doivent pas se limiter à des espaces de télétravail ou co-working mais être des vrais centres de vie rapprochant l’individu des services essentiels. L’évolution du travail doit permettre d’initier cette mutation en entraînant dans la foulée un grand nombre d’autres services tels que la Santé avec des espaces pour le télé-diagnostique ou la télé-médecine, la culture et l’éducation avec le développement des espaces pour suivre des MOOC, le commerce avec des espaces pour la distribution de biens issus de l’e-commerce ou des espaces éphémères de commerce, la mobilité avec des centres de partage et de mise à disposition de divers mode de transport, les loisirs, la restauration, l’administration,   etc…  Le développement de ces tiers lieux doit s’appuyer sur deux fondamentaux consécutifs à l’essor du numérique qui sont le partage et la mutualisation avec à la clé la mise à disposition d’espaces “pluriels”, multi-usages. Ceci n’est bien entendu possible si les infrastructures et systèmes ont été pensés dès la base pour permettre cette flexibilité et évolutivité (voir référentiel Ready2Services de la SBA). Dans la même optique, ces Tiers Lieux  doivent également être durables en privilégiant des solutions locales pour la production et le stockage de l’énergie, le traitement de certains déchets, la collecte et le traitement des eaux pluviales, etc… En mettant ainsi à disposition  des infrastructures modulaires et flexibles, nous pourrons ainsi développer un réseau vertueux autour de l’économie collaborative. Dans cette démarche les collectivités et les pouvoirs publiques ont un rôle prépondérant à jouer en encourageant ces initiatives et en les intégrant dans des plans de développement à long terme.

L’économie collaborative une opportunité pour notre société

C’est juste une évidence. Nous ne pouvons pas avoir le même comportement sur la planète à 7,5 milliards d’individus aujourd’hui et sans doute 9 milliards à l’horizon 2050 qu’à 1,5 milliard  il y a 100 ans et 3 milliards il y a 50 ans. Il nous faut impérativement revoir notre mode de fonctionnement en société sous peine de mettre à l’écart un pan entier de l’humanité qui va croissant, avec à la clé les risques sociaux que l’on connait et dont on voit poindre déjà les premiers signes.
Seule une économie basée sur le partage nous permettra de gérer cette transition. Il ne s’agit pas ici de retourner à une société autoritaire de collectivisme mais plutôt d’utiliser les outils numériques pour donner à un plus grand nombre l’accès à des services en privilégiant l’usage à la propriété.
Cela sous entend de penser à de nouveaux modèles économiques pour accompagner la mutation de notre économie vers des services autour de l’usage. L’émergence de nouveaux modes d’intermédiation tels que les plateformes de mises en relation telles que Uber, Airbnb, Blablacar ou de transaction tels que la Blockchain illustre parfaitement cette mutation profonde dans laquelle est entrée notre économie.
Il s’agit là d’une mutation rapide et nécessaire. Dans ce contexte, la mobilité devrait être un des moteurs de cette transition avec l’arrivée de la voiture autonome ou “robomobile” à l’horizon de 5 ans. Quand on sait que la  calèche a mis 10 ans à New York pour disparaître, on peut imaginer l’impact que pourrait avoir le développement de la voiture autonome dans notre société.  Mais alors que certains pourraient craindre un écroulement de l’industrie automobile, d’autres vous répondront que tandis que le parc automobile dans les pays occidentaux pourrait être réduit de 50 % à terme, le déploiement à l’échelle planétaire de ce nouveau type de mobilité devrait  largement compenser cette perte de chiffre d’affaires en représentant un enjeu colossal. Il s’agit bel et  bien d’un déplacement de la valeur du produit vers le service. Des acteurs comme Ford misent désormais tout leur stratégie sur cette mutation.

Le partage des espaces doit être le 2ème moteur de cette mutation, d‘où la nécessité de repenser les bâtiments et à l’instar de l’industrie automobile qui ne parle plus que de la mobilité, il faut désormais parler de services autour d’espaces pluriels multi usages. Cela commence avec les espaces de travail avec de nouveaux  acteurs comme Wework qui proposent ce type de services. Le logement devrait suivre avec une modification progressive de notre relation aux espaces telle que nous l’aurons avec la mobilité. Ne parlons plus alors d’espaces dédiés mais d’espaces mixtes multi-usages. De nouveaux services générateurs d’emplois tels que la conciergerie émergeront pour accompagner cette mutation et la viabiliser.
L’énergie doit également emboiter le pas à cette mutation. Produire localement l’énergie que nous consommerons devient une nécessité voire une urgence. Là encore il s’agit d’un enjeu colossal surtout pour des pays comme la France où le réseau de  production et  de distribution est très centralisé…
Avec les nouveaux modes de transaction comme la blockchain, un individu ou groupe d’individu pourra ainsi partager de l’énergie produite ou stockée localement.
D’une manière générale, avec le concours du numérique il devient désormais possible pour notre société d’évoluer vers une organisation en réseau, décentralisée, où l’individu prend une place centrale, à la fois consommateur et acteur. Informé en temps réel sur son environnement et sur les conséquences de ses actes il passe de l’état de citoyen “assisté” à celui de “citoyen responsable “ou coresponsable. Il prend le temps d’aller vers les autres et avec les tiers lieux il renoue des liens sociaux avec son entourage tout en disposant d’un accès élargi à des services de proximité.

Le politique et le législatif doivent comprendre la mutation et l’accompagner
Ainsi, en développant l’économie collaborative, en s’appuyant sur une évolution du travail et le développement de tiers lieux nous pouvons amorcer une mutation profonde de notre société pour plus d’efficience, de bien être et une meilleure cohésion sociale. Bien entendu cette mutation doit être accompagnée et cadrée juridiquement. Le rôle des politiques est donc primordial. Il est désormais nécessaire que ceux ci s’imprègnent de cette vision. Nous ne pouvons plus traiter les sujets individuellement, en silo. Il faut une vision globale et une approche globale. Comme nous le voyons, l’impact d’une mesure telle que l’encouragement du  télétravail ou du work sharing a des retombées majeures sur l’ensemble de notre société et son économie. C’est en ayant cette approche globale et en portant cette vision que nous éviterons l’Ubérisation progressive de notre économie. La Smart Buildings Alliance for Smart Cities (SBA) a engagé une réflexion allant dans ce sens concrétisée entre autre par la  finalisation de référentiels permettant d’assurer, aux investisseurs, une garantie de pérennité tout en mutualisant leurs investissements sur des services multiples, existants ou en devenir.
Une telle initiative peut être étendue à tous les secteurs de l’économie. Il est temps d’initier ce cercle vertueux.  La rupture se situe là !

Lyon, le 27 septembre 2016
Emmanuel FRANCOIS @EM_Francois

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