La phénologie étudie les variations, en fonction du climat, des phénomènes périodiques de la vie végétale. Les chercheurs de plusieurs équipes, dont un chercheur du Laboratoire Glacioloie et Géophysique de l’Environnement ( Université Joseph Fourier, Grenoble) se sont particulièrement intéressés à la date d’apparition des feuilles des forêts boréales, les forêts des hautes latitudes où la feuillaison dépend surtout de la température. La feuillaisonrythme aussi les échanges de carbone entre la végétation et l’atmosphère qui ont à leur tour un impact sur le climat.
Depuis 1982 les chercheurs peuvent s’appuyer sur des observations spatiales de télédétection bien plus fiables que les méthodes antérieures. Les chercheurs ont affiné leur interprétation des données satellites en prenant en compte l’effet de la neige sur le signal radiométrique. Ils ont étalonné leur modèle d’apparition des feuilles basé sur la température, permettant aux observations spatiales et à la modélisation d’être en excellent accord.
Les conclusions montrent une avancée générale de la feuillaison de 1982 jusqu’à aujourd’hui, en moyenne de l’ordre de cinq jours sur la forêt boréale eurasienne. Les variations de la date d’apparition des feuilles depuis 1982 ne sont pas linéaires dans le temps et pas identiques sur l’ensemble de l’Eurasie boréale. L’avancée de la date de feuillaison est accentuée entre 1987 et 1990 et elle est plus marquée en Sibérie Centrale.
Variations régionales de courtes durées
L’étude a aussi englobé l’évolution de la feuillaison sur l’ensemble du 20e siècle, en comparant ces nouveaux résultats à ceux de la période située avant 1982. La forte avancée observée en Sibérie Centrale a été reliée à deux événements. Les chercheurs ont noté une température printanière anormalement élevée dans les années 1990. Cette année là, l’apparition des feuilles en Sibérie Centrale a été la plus précoce depuis 1921. Ils ont aussi relevé une température printanière particulièrement basse en 1983 et 1984, l’apparition des feuilles durant ces deux années ayant été la plus tardive depuis 1921. Ces résultats confirment que les tendances observées par télédétection doivent être analysées avec précision.
Plus tôt dans le siècle l’Eurasie boréale a connu d’autres périodes de réchauffement. Cela a été le cas par exemple entre 1936 et 1944 en Sibérie Centrale et à plusieurs reprises en Russie de l’Ouest. Il y a eu aussi des périodes de refroidissement se traduisant par un retard progressif de l’apparition des feuilles, notamment entre 1945 et 1960 en Sibérie centrale et orientale. Mais les phénomènes se produisaient toujours à une échelle locale ou régionale.
L’avancée récente de la feuillaison est remarquable dans la mesure où elle a simultanément affecté la majeure partie de l’Eurasie boréale et où elle a conduit à des dates d’apparition des feuilles qui sont les plus précoces sur presque un siècle.
1) Centre d’études spatiales de la biosphère (CESBIO/OMP, CNRS, Université Toulouse 3, IRD, CNES), Laboratoire de glaciologie et géophysique de l’environnement (LGGE/OSUG, CNRS et Université Grenoble 1), JAMSTEC-Frontier research center for global change (Yokohama, Japon), Centre for terrestrial carbon dynamics (Sheffield, GB), University of Sheffield (Sheffield, GB) et Komarov institute of botany (Saint-Pétersbourg, Russie
