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Jean-Marie Albertini : la croissance n’est pas synonyme de consommation de ressources naturelles

Nous sommes actuellement dans une grande période d’instabilité monétaire, la monnaie est un outil ancien encore mal maîtrisé ?


Il y a deux théories sur l’origine de la monnaie. La première veut que la monnaie ait été créée pour être un instrument d’échange dans le cadre de ce qu’on appelait la division de travail, pour permettre d’échanger des ressources aux meilleures conditions. La deuxième veut que la monnaie soit née de dons faits aux dieux, de dons réalisés pour payer des dots, pour s’attacher la bienveillance de divinités. La monnaie est une manière d’acheter de la puissance, elle donne un pouvoir. Quelle que soit la valeur de ces deux hypothèses, peut être plus complémentaires que contradictoires, les hommes ont aussi voulu et veulent acquérir la monnaie pour ce qu’elle permet de détenir comme pouvoir.


Mais lorsque la monnaie permet de s’approprier de nouvelles richesses et incite à créer de nouvelles richesses, elle augmente aussi la rareté. L’économie est une lutte sans fin contre la rareté, un ensemble de techniques qui permet de voir comment on peut se procurer ce qui est rare et parallèlement elle augmente la rareté.



A quoi peut donc servir la science économique ?


La science économique a érigé les connaissances venues de la pratique au service de l’Etat, quand ce dernier, confronté au besoin de financement, pour les guerres menées avec l’artillerie, a eu des besoins financiers de plus en plus importants.


L’Etat a dû répondre à la question : comment collecter plus d’argent sans ruiner la société créatrice de richesses. Il a fallu remplacer la concentration des richesses par le prince, selon son bon vouloir, comme le permettait la coutume, par des règles plus précises.
La science économique s’est en quelque sorte laïcisée, a pris ses distances par rapport à l’absolutisme qui même éclairé, avait ses limites. La science économique a reconnu l’importance de l’homo economicus comme acteur de l’économie, au même moment que la société voyait se développer le libertinage.


La place de l’écologie et de la nature dans tout cela ?


L’écologie en tant qu’étude du rapport la nature, de défense du rapport à la nature, a longtemps été contradictoire avec l’économie. Beaucoup d’économistes ont laissé de côté ces aspects de l’analyse, même si certains y ont été attentifs. Au dix-huitième siècle, Malthus a mis en garde contre l’épuisement des richesses en soulignant le fait que la population croit géométriquement alors que la quantité de nourriture ne croit qu’arithmétiquement. Un autre économiste Ricardo, a mis en garde contre la rente foncière, contre le fait que la détention des terres par un petit nombre pouvait élever le prix du blé, donc être un obstacle au développement économique. Ce qui ne l’a pas empêché lui-même d’être un gros propriétaire foncier.


Mais le libéralisme a pu se développer comme un moyen efficace d’abaisser les prix et de permettre l’accession du plus grand nombre aux biens. Le libéralisme comme libération des capacités des acteurs de l’économie a été conçu comme un agent de progrès. Il ne faut pas le confondre avec le libéralisme de tribune qu’on a vu se propager depuis quelques années. Le plus grand des théoriciens libéraux, Léon Walras, a compris que certains investissements certaines fonctions ne pouvaient être abandonnés ou pris en charge par le marché mais devait l’être par la collectivité


Mais le système a des limites car il y a des limites physiques aux ressources ?


L’économie reste la manière de gérer la rareté, en fonction de l’offre et de la demande. C’est vrai pour l’énergie. Les schistes bitumineux du Canada dont l’exploitation était trop onéreuse, redeviennent intéressants.


La croissance ne peut être infinie ?



Il y a eu il y a quarante ans, des oppositions à la croissance, des mises en garde, avec un livre, qu’avait cosigné Jacques Delors « Halte à la croissance ». Il est vrai qu’une certaine croissance nous faire frôler la catastrophe.


Mais il ne faut pas confondre économie, croissance et consommation de matières premières. L’économiste Stuart Mill été le dernier économiste à décrire l’inexorable marche à l’état stationnaire de l’activité économique, mais en compensation l’arrêt de la croissance matérielle devait pour lui permettre le développement de la religion, de la culture et des loisirs. L’économiste Jean Baptiste Say, un Lyonnais, qui ne croyait pas à la surproduction industrielle, est le premier à envisager un développement général des services et à les considérer comme une production.


L’économie est capable de créer des richesses, des produits, des services, sans consommer davantage des matières premières sur lesquelles certaines économies asiatiques exercent une demande sans précédent.


En France, la part de l’énergie dans un euro de PNB a diminué de 40% en trente ans. On a vraiment dépassé des obstacles en matière de démographie, en problème de technique et on peut imaginer une économie qui consomme moins de matières premières. La croissance durable n’est pas une croissance faible mais c’est une croissance différente qu’on ne peut mesurer seulement par le produit national brut.


Ce qui laisse entière la question de la répartition, entre les nations, et à l’intérieur des nations, la question de la démographie qui dépend elle beaucoup de la place des femmes dans la société et dans l’économie.


C’est aujourd’hui ce déchaînement qui est à partir des déséquilibres entre l’offre et la demande, qui amplifie démesurément la hausse des prix du pétrole et des denrées alimentaires.


L’économie est-elle capable d’intégrer cette vision de la société ?


L’économie est devenue quelque part le langage dominant, mis à toutes les sauces, alors qu’il ne faut pas mélanger les sciences, ni les approches. Il faut dominer le langage dominant. L’intéressant dans l’économie c’est l’approche systémique, c’est la vision d’un système où l’on comprend mieux les circuits.


Recueilli par Michel Deprost



Les Nouveaux Rouages de l’économie, Jean Marie Albertini, Editions de l’Atelier, 334 pages, 24, 90 euros.










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