Amiante : déboutés par les prud’hommes, les anciens verriers de Givors feront appel

Le Conseil des Prud’hommes de Lyon a rendu le 28 avril son jugement en départage sur le dossier qui oppose soixante anciens salariés d’une verrerie de Givors à la société  O.I.-Manufacturing . Les anciens salariés ont été déboutés de leurs demandes de délivrances d’attestations d’expositions à l’amiante et aux produits toxiques utilisés dans la fabrication du verre et d’indemnisation de préjudices d’anxiété. Les raisons de faire appel de ce jugement par les verriers ne manquent pas.

Pour l’association des anciens verriers, ”  à la lecture des attendus du jugement il apparaît évident que seule la voix de la multinationale O.I.-Manufacturing a été entendue. Aucun des éléments factuels de l’exposition à l’amiante et aux produits chimiques n’ont été pris en compte, il est même affirmé qu’ils n’ont pas été fournis, contrairement aux dossiers déposés et à la plaidoirie de Me François Lafforgue, avocat des verriers.

Certes le site de Givors n’est pas classé ACCATA  ( risque amiante) mais une  procédure est en cours devant le Tribunal administratif de Lyon à ce sujet dont les verriers attendent la fixation de la date d’audience depuis bientôt deux ans.

Les anciens salariés réclamaient la délivrance d’une attestation reconnaissant leur exposition à l’amiante et à diverses substance toxiques dangereuses pour la santé. Cette attestation ne leur avait pas été remise par l’entreprise et le tribunal a estimé qu’en l’absence de cette attestation, la Sécurité sociale pouvait quand même demander une enquête sur l’exposition aux risques. Pour l’association, des anciens verriers, l’attestation devait bien être remise car l’exposition aux risques était indubitable.

Exposition à l’amiante

L’association rappelle l’existence de quinze fiches « exposition à l’amiante » établies par la direction de la verrerie début 2003 pour la fusion, la fabrication, le département 12, les balayeurs et approvisionneurs, les électriciens, les chaudronniers, ajusteurs, mécaniciens, la mise à l’arche, le traitement de surface (secteur « froid »), le feeder, la moulerie, l’entretien département 11, usinage et stockage inserts, les soudeurs, administratifs (achats, magasin général, environnement). L’association rappelle l’existence des fiches de stocks pour la fabrication, la fusion, le feeder et les départements 10, 11 et 12 : Néfalit, Céroboard 100, cordon K45, fibres vrac K45, nappe Zirlane, Asbestex 3 C, composés d’amiante (25%) et ciment (75%), fibres silico alumineuses, fibres céramique réfractaires (FCR), établies en décembre 1995 avec identification des risques (IARC 2A et 2B). Un certain nombres de requérants aux Prud’hommes ont fourni des attestations individuelles d’expositions à l’amiante. Enfin  l’association rappelle qu’un marché de désamiantage de 32.000 m² a été attribué en août 2004

Des produits chimiques nombreux

L’association rappelle qu’une note du service médical du 12 mars 1998 établit la  « liste des produits chimiques utilisés en fabrication à partir des fiches de données de sécurité [FdS] transmises au service », de fabrication, au chef du personnel et au médecin du travail : 46 produits identifiés avec leur nom commercial, avec l’étiquetage de leur nocivité et des observations spécifiques pour chacun d’eux.Sans oublier la fiche de stock de graisses, huiles, laques, colles, diluant, peinture, perchloréthylène, solvants, aérosols, acide chlorhydrique, soude caustique, etc. 126 produits répertoriés du n°0901001 au n° 6103009, avec indication de la consommation et les lieux de stockage dans l’entreprise.

Des postes exposés

Pusieurs requérants ont remis avec leur dossier des « historiques d’affectations » établis par l’entreprise avec le solde de tout compte, identifiant précisément les postes où ils ont pu être exposés à l’amiante et aux produits toxiques au cours de leur longue carrière à la verrerie.

La médecine du travail de l’entreprise qui rappelle les matériaux entrant dans la composition du verre d’emballage : silice, oxyde de sodium, oxyde de calcium, magnésium et aluminium, décolorants (cobalt, sélénium), colorants (oxyde de fer, chrome, manganèse, cobalt), oxydants et réducteurs (sulfates, charbon, sulfure). Les traitements à chaud sont des oxydes de titane ou d’étain déposés sur le verre à partir de tétrachlorure de titane et d’étain. Les traitements à froid sont des acides gras ou des émulsions de polyéthylène et de polyoxyéthylène appliqués par pulvérisation à l’aide d’un pistolet qui circule entre rangées ou sous le tapis d’arche. La fabrication expose aussi au hydrocarbures aromatique polycycliques, brais de houille et suies de combustion du charbon, arsenic, chromates, amines aromatiques.

En novembre 2002 la filiale de BSN Glasspack à Wingles établissait des fiches de risques pour les fibres céramiques réfractaires  à partir des fiches de données de sécurité (FdS), indiquant la nature de l’exposition, les salariés concernés avec les degrés d’exposition, la durée d’exposition, les quantités utilisées. On y trouve, entre autre, le Ceraboard 100 aussi utilisé à Givors, mais dans cette unité on néglige ; pourtant cette fiche montre que le groupe n’ignorait pas ses obligations. Et loin d’ignorer les risques de ses insuffisances en matière de sécurité liés à l’amiante, le groupe provisionna 530 millions de dollars sur l’exercice 2003 à cet effet (cf. les Échos, communication boursière avril 2004).

Les attendus du jugement des Prud’hommes évacueront l’exposition aux CMR (cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques), sans tenir compte non plus des trois études de fumées à Veauche et Puy-Guillaume (unités de fabrication semblables à celle de Givors, appartenant au même groupe) qui montrent que les deux tiers des postes de travail, en « situation stabilisée » (moitié de la journée) sont au-delà de la norme admise !

Ils évacuent l’étude de la CARSAT Rhône-Alpes sur quatre verreries semblables à celle de Givors. Cette étude souligne que le « risque chimique est très présent » dans ces entreprises de fabrication de verre d’emballage. Comme les attendus ignorent les quatre reconnaissances en maladies professionnelle pour l’exposition à l’amiante (tableaux 30 et 30 bis), la reconnaissance au tableau 25 pour l’exposition à la silice, la reconnaissance au tableau 20 pour l’exposition à l’arsenic (que les attendus ne considèrent que dans le sol). Ils ignorent les deux reconnaissances en maladie professionnelle (hors tableau) pour deux cancers des voies aérodigestives supérieures par le Tribunal des affaires de sécurité sociale de Lyon « nonobstant les avis négatifs » des CRRMP de Lyon et Dijon. L’une de ces deux reconnaissance soumise à la Cour d’appel, s’est vue confirmée et fait aujourd’hui l’objet d’un pourvoi en Cassation de la part d’O.I.-Manufacturing. On n’oubliera pas non plus qu’O.I.-Manufacturing a été condamnée pour faute inexcusable après la reconnaissance de l’un des cancers du poumon.

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