En 1935, le sismologue américain Richter présentait une échelle permettant de décrire la puissance d’un tremblement de terre à son épicentre par l’énergie mise en jeu, et non seulement par son intensité qui prend en compte les effets destructeurs constatés à la surface du globe. La magnitude d’un tremblement de terre mesure l’énergie libérée lors du séisme. Plus la magnitude est élevée, plus le séisme a libéré d’énergie. L’échelle de Richter est une échelle logarithmique. Un accroissement de magnitude de 1 degré correspond à une multiplication par 30 de l’énergie et par 10 de l’amplitude du mouvement.
Richter estimait « les plus petites secousses ressenties par des êtres humains sont voisines de la magnitude 2 ». Sur son sismographe le sismologie mesurait en micromètres (10-6 mètre), l’amplitude maximale que présentait le sismogramme. Il décidait d’en prendre le logarithme décimal, et d’appliquer une correction de distance : correction négative s’il se trouvait à moins de 100 kilomètres du séisme, positive au-delà.
Comme il lui était difficile de mesurer sur ses enregistrements des amplitudes inférieures au millimètre (soit 1000 micromètres), Richter observait rarement des séismes de magnitude inférieure au logarithme décimal de 1000, c’est-à-dire 3. Et pour ces valeurs de magnitude, Richter avait effectivement dû remarquer que ces séismes étaient généralement ressentis.
Des séismes peu ressentis
La recherche d’informations sur les petits séismes ressentis est malaisée, rappelle le texte du Laboratoire grenoblois transmis par François Thouvenot, texte dont les informations sont reprises dans notre article. Il est rare qu’une personne ressentant isolément ce type de phénomène, prenne la peine de transmettre son témoignage. Les effets d’un petit séisme sont en fait souvent décrits comme une explosion très proche plus que par des effets vibratoires. Lorsqu’elle cherche à le faire, c’est souvent par l’intermédiaire des observatoires sismologiques. Ceux-ci ne détectent et ne localisent de façon exhaustive que les séismes dont la magnitude dépasse une valeur seuil. De tout petits séismes peuvent échapper à l’observation sismologique. Faute de localisation, l’observatoire dénie toute activité sismique, et l’information fournie par la personne qui a ressenti la secousse est alors irrémédiablement perdue.
Des exceptions existent .Dans la région de Melbourne (Australie), un séisme de magnitude 1,3 a été attesté comme ayant été ressenti. Il semble aussi que, dans les Pyrénées et dans des conditions très favorables, certains séismes de magnitude 1 ou même inférieure à cette valeur puissent être ressentis. Le séisme de magnitude 3,5 qui s’est produit le 11 janvier 2006 sur le flanc sud-ouest du Jura français est venu bousculer l’assertion faite par Richter. Cet événement rappelle que le Sud-Est de la France est une région de sismicité modérée qui connait chaque année trois séismes de magnitude supérieure à 3.
Epicentre à Conand, dans les Monts du Bugey
L’épicentre était situé à Conand, dans le massif du Molard de Don, au sud des Monts du Bugey. Dans ce village de moins d’une centaine d’habitants les quelques dégâts produits par le séisme (chute d’une cheminée et de tuiles, fissuration du dallage de l’église) n’ont eu que très peu d’écho, même dans la presse locale. Pourtant, dans les jours qui ont suivi, de nombreux bruits de détonation alertèrent les habitants, sans que les sismologues ni la Sécurité civile puissent fournir d’explications.
Il s’agissait pourtant bel et bien de répliques, comme on a pu s’en assurer en installant une station sismologique temporaire dans la mairie de Conand. Les enregistrements montrèrent sans ambiguïté que les foyers se trouvaient exactement sous le village, à une profondeur (profondeur focale) estimée à 900 mètres.
Ce résultat est intéressant par les scientifiques car les foyers sismiques sont classiquement localisés à des profondeurs de plusieurs kilomètres dans la croûte terrestre. Une autre observation est beaucoup plus surprenante. Parmi toutes les répliques enregistrées au cours des mois de février et mars 2006 se produisirent le 28 mars au matin deux secousses ressenties par la totalité de la population. Ces secousses ont été décrites comme deux explosions séparées de 10 secondes. La station locale a permis de déterminer la magnitude des deux événements de ce « double bang » : – 0,2 et – 0,7.
Le fait que des magnitudes puissent être négatives surprend toujours. François Thouvenot rappelle que sur l’échelle de Richter, quand on descend un degré de l’échelle de magnitude, l’amplitude du sismogramme est divisée par 10. Et comme on peut à volonté diviser une amplitude par 10, on peut à volonté descendre l’échelle de magnitude. Dans notre cas, puisque le « double bang » a été perçu, c’est bien que le second séisme de magnitude – 0,7 l’a été aussi. C’est la très faible profondeur focale calculée pour le séisme de Conand explique que des répliques d’aussi faible magnitude soient perceptibles. Si elles s’étaient produites à 10 kilomètres de profondeur, cela n’aurait pas été le cas. michel.deprost@enviscope.com à partir du texte transmis par le LGIT.
FranceThouvenot & Bouchon (2008) In : Historical Seismology: Interdisciplinary Studies of Past and Recent Earthquakes (éd. Fréchet, Meghraoui & Stucchi), Springer, Dordrecht, 313–326.