La CRIIRAD ( Commission de recherche et d’information indépendante sur la radioactivité) a réagi à l’incident de contamination survenu le 23 juillet à la centrale de Tricastin en mettant en cause, une fois de plus la communication d’EDF, la position de l’Autorité du Sûreté ( autorité indépendante) et pour demander des précisions sur les mesures de la radioactivité.
Pour l’association, les doses admissibles de la réglementation actuelle, ne sont pas des doses en deçà desquelles les risques sont nuls. « Les limites réglementaires de dose – de 20 milliSieverts par an (mSv/an) pour les travailleurs de catégorie A et de 6 mSv/an pour les travailleurs de catégorie B – ne correspondent pas à une limite de non risque mais à un niveau de risque maximal admissible»
L’association livre ensuite un calcul: « Sur la base du facteur de risque cancérigène officiel de 4 x 10-2 x Sv-1 pour les travailleurs exposés, la limite de dose efficace de 20 mSv/an correspond à un risque annuel de décès par cancer de l’ordre de 8 x 10-4. Cela correspond pour 274 000 travailleurs qui seraient exposés à 20 mSv/an à 219 décès par cancers radio-induits. Ces cancers apparaîtraient avec un temps de latence de quelques années pour les leucémies à plusieurs décennies pour les tumeurs solides. C’est bien un risque maximal et non pas un risque nul. D’où l’obligation de réduire les expositions au maximum en dessous des limites réglementaires. La limite n’est pas un niveau à partir duquel le risque commence mais un niveau de risque maximum»
Le niveau le plus faible raisonnablement possible
L’association rappelle que l’article R 4451-10 du code du travail précise : « Les expositions professionnelles individuelles et collectives aux rayonnements ionisants sont maintenues en deçà des limites prescrites par les dispositions du présent titre au niveau le plus faible qu’il est raisonnablement possible d’atteindre.»
Par ailleurs rappelle l’association, la limite de dose correspond au cumul des expositions sur 12 mois consécutifs. Pour comparer l’exposition à la limite réglementaire, il faut ajouter à la dose reçue lors de la contamination accidentelle, les doses reçues au cours des 364 jours précédents. Ce point est précisé par l’article R 4451-12 du code du travail. La question, rappelle l’association, n’est donc pas de savoir « si la contamination a aujourd’hui des conséquences sur la santé des travailleurs concernés (la réponse est clairement non) mais si elle en aura à terme. Certes les niveaux de dose déclarés par EDF sont faibles et la probabilité de développer un cancer induit par cette exposition est également faible »
La CRII RAD signale d’ailleurs que la Commission Internationale de Protection Radiologique (CIPR) qui édicte des recommandations qui servent de base à l’élaboration de la réglementation européenne a insisté sur le fait que la limite maximale de dose était considérée « très souvent, mais de façon erronée, (…) comme une ligne de démarcation entre ce qui est sans danger et ce qui est dangereux» expliquant qu’elle constituait en fait une frontière entre l’inacceptable et le tolérable.
Déclaration comme accident du travailleur
Mais l’absence de troubles immédiats ne signifie pas une absence de troubles futurs, comte tenu des effets différés d’une irradiation. La CRII RAD estime donc que les contaminations ne soient pas en quelques sortes effacées, non prises en compte dans le dossier médical des travailleurs, mais au contraire, qu’elles soient déclarées comme accident du travail.
« Le formulaire officiel à utiliser est référencé CERFA 61-2256, sous le titre « Enquête du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail [CHSCT] relative à un accident du travail grave ». Une contamination radioactive implique des lésions susceptibles de provoquer une maladie grave. Au moment où la contamination se produit, personne ne peut affirmer que l’irradiation subie par les cellules des organes de dépôt – et qui va se prolonger dans le temps – n’aura aucune conséquence sanitaire. On ne peut qu’évaluer la probabilité de survenue des ces conséquences. Il est donc logique et nécessaire d’établir une déclaration en tant qu’accident du travail concernant un risque grave» L’association rappelle que cette procédure mobilise le Comitié d’Hygiène et de Sécurité et des Conditions de Travail ( CHSCT). Elle rappelle aussi que les salariés peuvent eux-mêmes réaliser une déclaration auprès de l’assurance maladie.
Raccourcissement des arrêts de tranches
La CRIIRAD déclare recevoir « de plus en plus d’appels de travailleurs du nucléaire, qu’il s’agisse des salariés des grandes entreprises du nucléaire, de salariés et d’intérimaires des entreprises de sous-traitance dénonçant la dégradation de leurs conditions de travail. Ils disent leur désarroi et soulignent les conséquences potentielles de ces difficultés pour la sûreté des installations. Sont particulièrement dénoncées les périodes pendant lesquelles les réacteurs nucléaires sont arrêtés pour le remplacement du combustible et les opérations de maintenance-réparations (périodes dites « arrêts de tranche ».
Il faut dire que les durées ont été considérablement raccourcies. L’association cite un article d’Alexandra Colineau, publié par AJAS (association des journalistes de l’information sociale) qui rappelle que pour des raisons d’économies, la durée des arrêts de tranches est passée de 2 à 3 mois à un mois et demi, ce qui génère un million d’euros d’économie pour l’entreprise productrice d’électricité pour chacun des 58 réacteurs en service.
Pour aller sur le site de la CRII RAD: www.criirad.org