filière

SOUTIEN REGIONAL A LA FILIERE FORET-BOIS
Intervention de Corinne MOREL-DARLEUX,
Groupe Front de Gauche : Communistes, Parti de Gauche, Gauche
Unitaire et partenaires
L’enjeu est de taille. Nos forêts, bien commun, véritable puits de carbone
essentiel à la préservation de l’écosystème, reculent à l’échelle mondiale.
Selon la FAO, environ 13 millions d’hectares de forêts disparaissent chaque
année sur Terre. C’est l’équivalent de la surface de l’Angleterre qui disparaît
annuellement, soit 1 terrain de football chaque seconde.
Le 7 décembre, des scientifiques australiens et américains ont tiré la
sonnette d’alarme dans la revue Science sur la disparition inquiétante de
grands arbres, vieux de 100 à 300 ans, sous toutes les latitudes. Les sorbiers
d’Australie, les pins des États-Unis, les séquoias de Californie ou les baobabs
de Tanzanie constituent les principales espèces menacées par le
réchauffement climatique, l’abattage et le besoin en terres agricoles.
C’est le poumon de la planète qui menace de disparaître. C’est d’ailleurs une
des raisons pour lesquelles la région Rhône Alpes soutient l’initiative Yasuni
ITT en Équateur, qui consiste à ne pas exploiter les réserves pétrolières et
ainsi éviter la déforestation de 200.000 hectares de jungle.
Parce que nous n’avons qu’une planète. Parce que l’urgence écologique ne
connaît pas de frontières, et que le carbone piégé en Amazonie contribue à
respirer un air pur en Rhône Alpes.
En France aussi, la forêt est menacée. Étalement urbain, artificialisation ds
sols, projet commercial de centre de loisirs dans les Chambarans, d’aéroport
dans le bois de Rohanne, dérèglement climatique et pollution…
Mais elles sont elles aussi victimes des logiques à court terme du système
économique actuel : recherche de profits et politiques d’austérité induisent
tout à la fois sa surexploitation commerciale et son abandon par les pouvoirs
publics.
Gérées de longue date par le code forestier, diversifiées, accueillantes, fortes
de leurs ressources en essences locales, faune et flore, nos forêts rendent
pourtant des services écosystémiques inestimables qui vont bien au-delà de
leur fonction économique.
Las, elles connaissent depuis plusieurs années de violentes transformations
qui menacent tout à la fois les équilibres de l’écosystème, la biodiversité et
les emplois. L’environnement et les hommes et femmes qui y vivent. Qui en
vivent.
En plus de tous les aspects de la filière pointés dans cette délibération et avec
lesquels nous sommes pleinement en accord, je souhaite donc axer mon
intervention sur le rôle de l’ONF. Ce service public est un des facteurs
essentiels de préservation de la forêt. Cet aspect n’est pas, selon nous,
suffisamment valorisé dans la délibération qui nous est soumise.
Dans la Drôme par exemple, l’ONF gère 40% des forêts, ce qui représente
60% de l’offre. Or depuis plusieurs années le malaise du personnel forestier
est croissant et sa situation de plus en plus critique. Il suffit d’observer le
nombre de suppressions de postes et de suicides pour s’en rendre compte.
Le mode de financement de l’ONF lui-même est aléatoire puisqu’il dépend du
cours du bois, fixé par les marchands lors des adjudications ou des vente aux
enchères. Ainsi, le financement du service public de l’ONF est dépendant du
cours commercial du bois. Il remplit pourtant une mission d’intérêt général
qui ne devrait pas dépendre d’aléas mercantiles. Une action sur le long terme
qui ne devrait pas dépendre des sursauts économiques de court terme.
Imaginez que le financement de l’école publique soit indexés sur le prix de la
pâte à papier ? Ou le financement de l’hôpital alignés sur celui des
médicaments ?
Les biens communs, les services publics ne sont pas des marchandises
comme les autres que l’on peut laisser aux aléas du marché. Et cela concerne
au premier chef la forêt.
Pour nous, il s’agit donc globalement d’inverser la logique de l’offre et de
repartir des besoins réels et de la gestion durable de la ressource.
La gestion des forêts est une affaire de long terme et non de rentabilité
immédiate. La filière bois-énergie locale se retrouve déstabilisée par l’ampleur
de certaines demandes et nos forêts sont entraînées vers la surproduction.
C’est le cas de certaines essences comme le Douglas qui sont très demandées
et connaissent un rythme d’abattage trop intense qui ne permet pas son
renouvellement. C’est le cas de la mégacentrale de cogénération biomasse de
Pierrelatte qui consomme annuellement 150 000 t de bois. Les
consommations de bois cumulées de ces centrales ne tiennent aucun compte
des potentialités de nos forêts, elles viennent en concurrence avec les
chaufferies communales et bénéficient pourtant de mesures incitatives
importantes et de financements publics qui créent une opportunité financière
pour les groupes privés. Il est urgent que nous valorisions une meilleure
gestion du patrimoine forestier.
C’est pourquoi pour le FDG, alors que les crédits affectés à la forêt vont
encore baisser de plus de 12 % par rapport à 2012 au niveau national, il faut
au contraire redonner les moyens à l’ONF de pouvoir assurer correctement
ses missions de régulation et de planification. Elles vont de pair avec une
politique ambitieuse de préservation de la biodiversité et des paysages
forestiers, avec la trame verte et bleue et le développement des corridors
écologiques.
J’ai par ailleurs plusieurs remarques sur le contenu de la délibération qui
nous est présentée. Nous souhaitons notamment insister sur l’importance du
volet communication et attractivité des métiers du bois qui pâtissent de
nombre d’idées reçues. Il y a un travail énorme à fournir pour valoriser la
filière auprès des professionnels – maîtres d’oeuvre, architectes – et auprès du
grand public en particulier des jeunes, avec trois grands axes : connaissance
de la filière et de ses métiers ; offre de formation ; activité économique locale.
Nous avons là-dessus un très gros retard par rapport à d’autres pays de
l’Union Européenne.
Par ailleurs la Région doit oeuvrer au développement de la filière bois en
favorisant l’offre d’ingénierie. Il n’y a en effet que 60 bureaux d’études sur le
bois en Rhône-Alpes et il est impossible de faire face à l’offre des autres
bureaux béton ou charpente métallique par exemple, qui sont pléthoriques.
Enfin, nous souhaitons que la Région soutienne les ASLGF (associations
syndicales libres de gestion forestière) afin de favoriser le regroupement des
propriétaires privés au sein de ses structures. Cela permettrait de réduire les
dégâts du morcellement et d’encourager la mise en oeuvre de plans de gestion
durable.
Je ne développe pas plus ; nous présenterons 2 amendements et 1 voeu sur
les communes forestières et sur l’ONF.
Reste un point majeur. Nous voterons cette délibération à l’exception du point
2.b sur lequel nous avons un sérieux désaccord. Il s’agit en fait par ce point
de créer des plantations, les itinéraires sylvicoles, permettant de fixer le CO2.
D’évaluer le coût de ces plantations, puis pour les financer de faire appel à du
mécénat d’agglomérations ou d’entreprises privées, comme c’est le cas déjà
avec une banque dans la forêt des Chambarans. Cela serait fait sur la base
du volontariat et avec contrepartie d’image pour les collectivités ou
entreprises participantes.
Première remarque : cela ne fonctionne dans le principe que s’il s’agit
d’itinéraires destinés dans leur exploitation finale à du bois d’oeuvre
permettant de fixer le CO2 durablement.
Ensuite, nous entendons bien qu’il s’agit là d’un souci de valoriser les
fonctions non économiques de la forêt : paysages, captation de gaz à effet de
serre, et qu’on échappe au pire de la marchandisation puisque ce qui est
monétarisé n’est pas le bénéfice attendu en termes de captation de CO2 mais
bien le coût de réalisation de l’itinéraire sylvicole.
Mais ce mécanisme, destiné à pallier la disparition du Fonds forestier
national, propose en réalité une logique toute autre et qui ne peut que se
révéler perverse. Je m’explique. Le fond forestier était alimenté par des taxes
et permettait une péréquation sur la base d’enjeux de long terme, avec une
vision nationale. Avec ce financement à la carte, ouvert au privé, il n’est pas
nécessaire d’avoir beaucoup d’imagination pour voir que les agglomérations
ou entreprises privées iront là où la forêt est plus attractive, plus visible, bien
verte et, pardon, pour tout dire « sexy », et qu’au rythme où va l’austérité et la
compression des budgets publics, seules les collectivités les plus riches
pourront se permettre d’investir dans du mécénat forestier ! Au final ce sont
bien les multinationales qui vont pouvoir se payer un bon coup de
« greenwashing », autrement dit quelques pots de peinture verte à pas cher.
Et la gestion planifiée et durable des forêts n’aura rien gagné.
Quant à nous, au FDG, nous préférons renforcer le service public qu’inventer
de la dite « innovation financière » qui nous conduit droit dans la privatisation
accrue de la forêt.
En conclusion… Dans son discours d’Urmatt en mai 2009, Nicolas Sarkozy,
relayant l’appétit de puissants lobbies, avait décrété une augmentation de la
production de 40% des forêts françaises d’ici 2020, notamment pour
alimenter des projets pharaoniques de bois-énergie, tout en accélérant le
démantèlement de l’ONF, service public de la Forêt.
Nous espérons en ce domaine comme en tant d’autres voir enfin très vite le
changement. Et nous ne sommes pas les seuls. Lundi ont lieu les
« Rencontres de la forêt et de la société ». Nous y serons aux côtés du
collectif SOS Forêts sous le slogan « Aux arbres, citoyens ! ».
*Le collectif SOS Forêts rassemble à ce jour au niveau national la CGT, Solidaires, FSU-SNE, le WWF,Ferus les fédérations
régionales Alsace Nature, Franche Comté Nature Environnement, FRAPNA Savoie, Picardie Nature, Lorraine Nature
Environnement MIRABEL, Autun Morvan Ecologie ; en Lorraine ATTAC 57, les Amis de la Terre 54, la CFDT- Sedre ; la
LPO, le Front de Gauche, EELV et Cap 21 ainsi que 18 associations de protection de l’environnement régionales,
départementales ou locales

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