Les internautes ignorent souvent comment fonctionnent l’économie d’internet et d’où les sociétés qui exploitent des robots de recherche, tirent leurs recettes. Une grande partie des recettes du moteur de recherche Google ( pour ne parler que de lui) repose sur la vente de mots clefs, qui permettent à de sites internet se mieux se positionner vis-à-vis des moteurs de recherche de la société Google.
Or, Google avait décidé, sans motivation, de retirer de ses moteurs, la société Navx, confrontée depuis à une baisse importante de son chiffre d’affaire. Navx a décidé de porter l’affaire devant l’Autorité de la Concurrence qui a rendu mercredi, une décision importante.
Position dominante
Navx, qui commercialise par internet des données indiquant la position des radars routiers (fixes et mobiles) ainsi que la localisation des stations services et le prix des carburants, a saisi l‘Autorité de la Concurrence. Elle a mis en cause les pratiques de Google sur le marché de la publicité en ligne. Navx a demandé également le prononcé de mesures conservatoires.
Le communiqué de l’Autorité a considéré qu’en l’état de l’instruction, ” Google doit être regardé comme détenant une position dominante sur le marché de la publicité liée aux recherches. Son moteur jouit en effet d’une forte notoriété et totalise aujourd’hui environ 90 % des recherches effectuées en France. » Il existe, par ailleurs, souligne lAutorité, de fortes barrières à l’entrée dans cette activité (développement d’un algorithme aussi performant, indexation exhaustive des contenus, etc.). Le service de publicité en ligne AdWords, qui est lié au moteur de recherche répond à une demande spécifique des annonceurs.
L’Autorité n’a pas encore rendu de décision sur le fond. Mais elle a prononcé des mesures d’urgence, « estimant que la politique de contenus du service AdWords avait été mise en œuvre par Google dans des conditions qui manquaient d’objectivité et de transparence et qui conduisaient à traiter de façon discriminatoire les fournisseurs de base de données radars »
Une activité légale
Navx commercialise des bases de données de points d’intérêts pour navigateurs GPS et smartphones, principalement dans un package (« pack trio ») incluant les données sur les positions des radars routiers (fixes et mobiles) et des données sur les prix du carburant dans les stations services. Elle vend directement ses produits aux particuliers (les deux tiers de son CA) mais également aux fabricants de GPS comme Tom Tom ou Garmin afin qu’ils les intègrent à leurs produits (un tiers de son activité). Pour la vente des bases de données radar, elle est en concurrence avec les fabricants de GPS et d’autres sociétés indépendantes.
Ses dépenses en communication se concentrent à hauteur de 85 % sur la publicité en ligne, via AdWords, qui est le service de vente d’espace publicitaire du moteur de recherche Google. AdWords est basé sur un système d’enchères pour l’achat des mots-clés. Le système est ignoré des internautes qui ne savent pas comment fonctionnent les recherches sur internet. En pratique, les annonceurs enchérissent sur des mots-clés (par exemple dans le cas présent « base de données radar », « avertisseur radars », etc), afin qu’apparaisse leur lien commercial à côté ou au-dessus des résultats naturels du moteur Google ( colonne de droite de la page Google ou premiers sites mentionnés avec la mention « liens commerciaux », lorsque les mots clés sont présents dans la requête de l’internaute. L’annonceur paie alors pour chaque « clic » effectué sur les liens commerciaux.
Navx commercialisant des fichiers numériques, la publicité en ligne est un canal de commercialisation privilégié pour elle car il existe une forte continuité entre la navigation sur internet et l’acte d’achat : les liens commerciaux apparaissent à l’occasion de la recherche et le consommateur peut ensuite directement accéder au site commercial et acheter le produit en quelques minutes.
Navx dénonce en particulier la rupture brutale de son contrat et un traitement discriminatoire de la part de Google à son encontre.
En 2008, Google a décidé de modifier sa politique de contenus en matière de dispositifs de contournement des contrôles routiers1. La rédaction de son règlement manque cependant de clarté en ce qui concerne la possibilité ou non pour les fabricants d’avertisseurs et de bases de données radar de continuer à faire de la publicité. Alors que, jusqu’à début novembre 2009, des annonces ayant fait l’objet de suspensions automatiques avaient été rétablies sur simple demande de Navx au chargé de compte AdWords, Google a décidé de suspendre unilatéralement le compte de Navx. Ce n’est que quatre jours après la suspension du compte qu’elle a indiqué, par écrit, le 17 novembre 2009, que la publicité pour les avertisseurs et les bases de données était contraire à sa politique de contenus.
L’Autorité de la Concurrence reconnait que Google reste libre de définir sa politique en ce qui concerne les contenus admis sur Adwords. Mais elle affirme qu’il est important que la mise en œuvre de celle-ci se fasse dans des conditions objectives et transparentes et qu’elle ne conduise pas à des pratiques discriminatoires au détriment de certains acteurs du marché. Or, les éléments portés à la connaissance de l’Autorité révèlent, à ce stade de l’instruction, un manque d’objectivité et de transparence de la part de Google qui porte sur :
• les produits concernés par l’interdiction relative aux dispositifs de contournement des contrôles routiers : la règle ne vise clairement ni les bases de données ni les avertisseurs radar ;
• la portée de l’interdiction : les annonceurs ne savent pas avec certitude si l’interdiction porte uniquement sur l’utilisation de mots-clés et la promotion des produits dans le texte de l’annonce ou sur la page de destination du lien commercial ou encore si elle concerne également les pages de renvoi accessibles depuis cette dernière ;
• la procédure de notification des modifications des règles : les annonceurs ne sont pas informés en amont des modifications des règles ni de leur date d’entrée en vigueur ; par ailleurs Google se réserve la possibilité d’affiner l’interprétation des règles dans le cadre d’échanges bilatéraux sans modifier la règle générale ;
• la procédure qui mène à la suspension : elle peut se faire sans préavis réel puisque les messages d’alerte pour refus d’annonce ne peuvent être considérés comme des avertissements.
La discrimination estime l’Autorité de la Concurrence est mise en évidence par les différences de traitement pratiquées entre fournisseurs de bases de données radar . IL y a plusieurs différences de traitement : entre les fabricants de GPS (TomTom et Garmin), qui peuvent promouvoir la fourniture de ces bases de données sur leur site sans être exclus du service AdWords, et les fabricants d’avertisseurs et de bases de données radar (SCDB, Coyote, Navx, AlerteGPS), qui ne le peuvent pas ;
L’Autorité constate des différences dans le niveau d’information mis à disposition des annonceurs. Certains sont informés, par écrit et à temps pour ne pas être suspendus, de la portée exacte de la règle ou de l’interprétation que Google en fait (c’est le cas d’Affili-action) . D’autres ne sont informés par écrit qu’après la suspension du compte (c’est le cas de Navx). Les pratiques discriminatoires peuvent être restrictives de concurrence lorsqu’elles ont pour objet ou pour effet d’évincer un concurrent du marché mais aussi lorsque des clients de l’entreprise en position dominante se voient désavantagés dans la concurrence sur leur propre marché.
” Les pratiques de Google , explique le communiqué de l’Autorité de la Concurrence, ont brutalement et profondément affecté les revenus mais aussi et surtout le potentiel de croissance de Navx, rendant très difficile une deuxième levée de fonds et donc très improbable la continuation de l’activité de l’entreprise à destination des particuliers (B2C), qui représente environ les deux tiers de son chiffre d’affaires.”
Au vu de ces éléments, l’Autorité de la concurrence a prononcé les injonctions suivantes :
1) Il est enjoint aux sociétés Google Ireland et Google Inc. de clarifier, dans les quatre mois suivant la notification de la présente décision, la portée du règlement AdWords applicable aux dispositifs de contournement des contrôles routiers :
• en ce qui concerne les comportements interdits aux annonceurs (mots-clés, texte de l’annonce, page de destination, pages de renvois, etc.).
• en ce qui concerne les dispositifs autorisés ou interdits, notamment les avertisseurs et les bases de données radars.
Ces informations devront être mises à la disposition des annonceurs dans des conditions objectives, transparentes et non discriminatoires, et devront préciser le délai dans lequel les règles ainsi modifiées s’appliqueront aux annonceurs, de manière à leur laisser un préavis suffisant.
2) Il est enjoint aux sociétés Google Ireland et Google Inc. de clarifier, dans les quatre mois suivant la notification de la présente décision, les procédures AdWords pouvant conduire à la suspension du compte d’un annonceur, incluant au moins un avertissement formel de format clairement distinct des alertes de refus d’annonces et un préavis suffisant. Ces informations devront être mises à la disposition des annonceurs dans des conditions objectives, transparentes et non discriminatoires, et devront préciser le délai dans lequel les règles ainsi modifiées s’appliqueront aux annonceurs, de manière à leur laisser un préavis suffisant.
3) Il est enjoint aux sociétés Google Ireland et Google Inc de rétablir, dans les cinq jours suivant la notification de la présente décision, le compte AdWords de la société Navx, afin de lui permettre de diffuser des annonces publicitaires sans préjudice de la faculté pour les sociétés Google Ireland et Google Inc. d’appliquer de manière non discriminatoire à Navx le règlement AdWords et ses procédures tels qu’ils auront été précisés dans le respect des injonctions imposées.