Bioéconomie

Maternité et engraissement : l’élevage Allabouvette concilie productivité et confort pour les porcs

Seize heures, je quitte la Ferme Allabouvette à Pusignan, dans l’Est lyonnais, que survolent les avions qui arrivent à l’aéroport de Saint Exupéry ou viennent d’en décoller.  J’ai passé six heures avec Pascal Allabouvette, qui développe l’entreprise familiale en alliant croissance externe et croissance interne. Pour ce descendant de négociants en porcs, petit-fils et fils d’éleveurs, l’agriculture ne peut rester un secteur d’entreprises de petite taille incapables de faire vivre décemment une famille de fermiers.

Pascal Allabouvette a décidé il y a de donner une extension à l’élevage familial. Avec la coopérative CIRHYO (1) il a développé sur le site d’un élevage dans l’AIN, à FOISSIAT, une maternité qui fournit des jeunes porcs à plusieurs élevages d’engraissement.

Pascal Allabouvette qui a présenté son installation au printemps, m’a fait visiter la maternité de porcs de FOISSIAT, au nord ouest de BOURG EN BRESSE (AIN) et son élevage dans l’Est lyonnais.

Des progrès en organisation

L’agriculture étant un des enjeux sociaux et environnementaux de demain, elle doit continuer à faire des progrès en matière d’organisation, tout en respectant mieux l’environnement, en favorisant l’approvisionnement  local, la traçabilité, sans oublier le bien-être des animaux.

En plusieurs heures sur les deux sites, je ne suis pas revenu en sentant le cochon. La maternité et le site d’engraissement ne sont pas des laboratoires aseptisés couverts de carrelages blancs , cloisonnés de sas ou robotisés !  Ce sont des porcheries réaménagées, modernisées, avec d’important moyens, mais un grand sens de l’économie et de l’ingéniosité.

Des mesures d’hygiène draconiennes

Avant de visiter les différents ” services”  de la maternité, la douche est obligatoire! Je troque mes vêtements de ville pour l’équipement complet des salariés qui font tourner le site. Pas question d’importer des microbes dans un lieu sensible.  Il y a deux ans l’élevage a été touché par des cas de grippe porcine, qui ont affecté les naissances, la prise de poids.  Les vaccins et les antibiotiques, l’élevage les administre avec pragmatisme, sous le contrôle d’un vétérinaire, des services de l’Etat et des services techniques de la coopérative porcine à laquelle adhère l’élevage.

Des animaux enfermés dans des conditions confortables

Le bien-être des animaux est aussi une priorité. ” Nous les aimons nos animaux”  rappelle l’éleveur en caressant le groin d’un pensionnaire.  Truies et verrats ne paissent pas dans les bois à la recherche de glands. Le porcs ne sont « fermiers ».  La maternité comme l’élevage sont bien des lieux de production intensive. Les animaux ne sortent pas, mais bénéficient de conditions de confort supérieures aux conditions de vie dans des élevages traditionnels. C’est sûr, les adorables porcelets roses, deviendront des adultes, seront ” cabossés” dans un abattoir. Ces bébés aux yeux noirs qui s’agitent autour des mamelles de leur mère, dans un bruit de cour de récréation finiront saucisson, côtelettes, jambons, tripes, rôtis !

En attendant leur dernier voyage, les animaux vivent dans des conditions de propreté satisfaisantes. Ils évoluent sur des caillebotis qui permettent d’évacuer en permanence les déjections dans des fosses à purin.

Des bandes en fonction du cycle de la truie

Les porcs sont élevés en « bandes » calées sur le cycle menstruel de 21 jours  des  truies gestantes pendant 142 jours. Les truies sont toutes des Large White, race choisie pour sa capacité à donner de la chair. Ces mères à la robe claire, sont inséminées avec la semence de 9 verrats piétrain (1) rose tachetés de noir. De temps à autre, la tache paternelle noire, caractère récessif, décore un porcelet.

Les femelles mises en condition par la parade de verrats, sont inséminées dès qu’elle entrent en chaleur. Une fois réalisée une échographie pour vérifier l’implantation de l’oeuf, les truies gestantes sont placées par demi-douzaines dans des espaces de liberté d’une vingtaine de mètres carrés. «  La règlementation  oblige à mettre les animaux dans ces espaces alors que les truies étaient autrefois parquées dans des espaces individuels » explique Pascal Allebouvette. Cette mesure imposée par l’Europe a entrainé des travaux et réduit la rentabilité.

Une fois terminé le séjour dans le local approprié, le lisier des fosses de chaque « promotion », est évacué vers un stockage central. Les animaux n’ont pas de paille. «  Nos porcs n’ont pas besoin de se rouler dans la paille. Le porc est un animal qui ne transpire pas,  quand il a chaud, il a besoin de s’humidifier dans un mélange de paille humide” . La température des locaux, scrupuleusement contrôlée et indiquée sur un panneau à l’entrée de chaque secteur, est sensiblement inférieure à la température extérieure.

Confort sur le site d’engraissement

Le confort thermique est aussi assuré sur le site d’engraissement qui bénéficie d’un système de rafraîchissement. Un conduit chargé d’air humide qui traverse l’un des bâtiments déverse une atmosphère brumisée dans les locaux d l’élevage. L’air rafraichit les animaux. L’air chaud est aspiré par des hottes qui emportant des poussières et l’ammoniac qui se dégage du lisier. Cet air vicié est  aspiré dans une chambre où il condense  et retombe dans un bassin où poussières et ammoniac sont concentrés. L’air épuré repart dans l’élevage. Au passage, une pompe à chaleur extrait les calories qui permettent de chauffer les locaux où se trouvent les animaux les plus jeunes.

Ces investissements, Pascal Allabouvet les a réalisés avec la participation de la coopérative porcine CIRHYO, engagée dans le soutien au développement d’élevages porcins au niveau de plusieurs régions. Pascal Allabouvet, avec le soutien de CIRHYO a repris  l’EARL de La Martine, à Saint Martin en Bresse ( Saône et Loire) dont le chef d’exploitation était décédé ( 180 hectares de cultures, 600 porcelets en sevrage, 1200 porcs en engraissement). Il est engagé dans la reprise d’une exploitation dans le nord Isère.

michel.deprost@enviscope.com

La Coopérative Porcine CIRHYO, présidée par Francis Le Bas, éleveur à Meaulne dans l’Allier, réunit  601 adhérents des régions Centre, Auvergne, Rhône Alpes, Franche-Comté, Bourgogne,  Champagne-Ardennes et d’autres départements proches. Son siège est à Montluçon et elle emploie 56 salariés.

La coopérative est issue du rapprochement ou de la fusion de coopératives . Sa taille, lui permet de répondre à plusieurs défis auxquels est confrontée l’agriculture. Entre la dimension très locale qui ne permet pas d’être compétitif et une dimension trop large, qui accroit des coûts logistiques mais s’éloigne des productions locales, CIRHYO,  trouve un équilibre qui semble être la bonne taille pour les éleveurs mais aussi pour le marché.

La coopérative qui réalise u chiffre d’affaires de  184 millions d’euros,   regroupe des élevages qui réunissent  55 800 truies, pour une production annuelle de plus d’un million de porcs, abattus dans deux abattoirs, à Lapalisse et à Orléans. Les adhérents de la coopérative appartiennent à des filières agricoles diverses, conventionnelle et biologique.

La coopérative met en avant l’autosuffisance alimentaire des élevages ou l’approvisionnement local et la valorisation de sous produits.  Soixante dix pour cent des porcs sont nourris grâce à des Fabriques d’Aliments à la ferme (FAF) grâce ç la transformation de céréales elles-mêmes cultivées par l’enrichissement des sols avec le lisier produits par les élevages. Un quart des porcs consomment des co produits des industries agroalimentaires : pain  pâtes, lactosérum, transformation de céréales.

2 ) Le piétrain est une race d’origine belge apparue vers 1920 dans la commune de Piétrain . Elle  est devenue très populaire  en Belgique à partir des années 1950, et s’exporte ailleurs vers l’Allemagne et la France pays où elle reste assez présente aujourd’hui.

Le piétrain, blanc à taches noires voire rousses est notamment réputé pour ses exceptionnels rendements de carcasse et taux de viande maigre, qui en font une race privilégiée pour obtenir des verrats terminaux de race pure ou croisée. Les croisements avec des races indemnes du gènede la sensibilité au stress ont l’avantage de supprimer ce défaut qui diminue fortement la qualité de la viande.

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