Les 14 réacteurs nucléaires de Rhône-Alpes vivent au rythme des visites décennales (VD). Après une inspection quatre solutions sont possibles :
- L’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) donne un feu vert pour une nouvelle période de dix ans : en clair les installations sont en assez bonne santé pour supporter à priori dix ans de plus. Avec des inspections permanentes de l’ASN pour vérifier que tout se passe bien, l’ASN étant capable à tout moment de demander l’arrêt.
- Deuxième solution, l’ASN donne un feu vert sous conditions. Elle conditionne la poursuite de l’exploitation au respect des prescriptions de la décision de son collège encadrant la poursuite d’exploitation du réacteur (ex : réalisation de travaux avant une certaine date) sans quoi l’ASN peut imposer l’arrêt ;
- L’ASN peut dire « oui » pour une durée plus réduite (ex : 5 ans).
- Enfin, l’ASN peut décider la fermeture d’un site nucléaire en cours d’exploitation, comme cela a été le cas pour l’atelier de traitement du plutonium de Cadarache (Bouches du Rhône). « L’Autorité de sûreté nucléaire a le dernier mot, mais évidemment sa décision s’appuie sur différentes expertises menées par exemple par l’IRSN, les groupes permanents ou les CLI. » explique un responsable de l’ASN.
La sécurité s’améliore
Le principe des visites décennales a laissé penser que les centrales étaient prolongées abusivement de dix ans dans le cadre d’une sorte de sursis. « Ce n’est pas parce qu’un centrale a 30 ans qu’elle ne peut être exploitée dans des conditions de sûreté satisfaisantes. L’exploitation de plus de la moitié des réacteurs américains a été prolongée jusqu’à 60 ans. En France, le niveau de sûreté de chaque réacteur est amélioré en continu. Néanmoins certains composants vieillissent et ne pourront vraisemblablement à terme être remplacés » rappelle Grégoire Deyirmendjian, directeur de l’ASN pour Rhône-Alpes et Auvergne.
Deux écoles se sont développées dans les deux principaux pays équipés de nucléaire civil. Aux Etats-Unis, l’Autorité de sûreté a estimé que par conception les réacteurs pouvaient fonctionner quarante ans puis a d’ores et déjà prolongé la durée d’exploitation de plus de la moitié d’entre eux jusqu’à soixante ans. Des visites sont organisées pour vérifier la conformité des installations à la conception d’origine.
La conception française qui n’impose pas d’âge limite à l’exploitation d’un réacteur nucléaire mais qui prescrit une visite décennale permet de faire le point tous les 10 ans sur le respect des règles applicables, d’améliorer le niveau de sûreté de l’installation avant d’estimer si le réacteur est apte à poursuivre son exploitation pour une durée de 10 années supplémentaires, sachant qu’entre temps des contrôles seront effectués en continu.
Trois décisions d’arrêt
Il y a trois types de décisions d’arrêt définitif d’un réacteur nucléaire.
- L’exploitant décide de lui-même de l’arrêter. Il doit alors faire la demande au Gouvernement d’autorisation de mise à l’arrêt définitif et de démantèlement. L’ASN impose alors des objectifs d’assainissement du site qui devront être atteints à l’issue du démantèlement. L’ASN donne son accord sur les méthodes employées lors du démantèlement, peut fixer des points d’arrêt et réalise des inspections jusqu’à ce que l’installation soit déclassée (démantèlement terminé et objectifs d’assainissement atteints).
- Le gouvernement peut décider l’arrêt définitif « pour quelque motif que ce soit », sans avoir à justifier. Les ministres de l’Environnement, le ministre de l’Industrie et le premier ministre peuvent en particulier prendre une telle décision par décret pour un motif politique.
- L’ASN peut imposer l’arrêt pour des raisons de sûreté, de radioprotection ou de protection de l’environnement.
Démantèlement obligatoire en cas d’arrêt définitif
« En France, lorsque la décision est prise d’arrêter définitivement un réacteur, les ministres en charge de la sûreté nucléaire doivent signer un décret de mise à l’arrêt définitif et de démantèlement. Immédiatement après l’arrêt définitif, l’exploitant engage le processus de démantèlement, sans attendre » explique Grégoire DEYIRMENDJIAN. D’autres pays ont d’autres pratiques, en mettant en place un confinement qui permet la décroissance de la radioactivité sur place, après extraction du combustible, ou en attendant dix ans avant d’entamer les opérations de démantèlement.
Le démantèlement est une opération délicate. Pour Superphénix, à Creys Malville, il a fallu construire un atelier de traitement du sodium, qui présente lui-même des risques.
En France, l’arrêt définitif d’un des 58 réacteurs à eau pressurisée exploités aujourd’hui n’a jamais été réalisé.Ce processus prendra du temps, surtout pour le premier réacteur qui servira de pilote. Il faudra en particulier démanteler la partie nucléaire des installations, comprenant le circuit primaire et la cuve du réacteur. L’ensemble des filières d’élimination des déchets devra avoir été mis en œuvre, en particulier pour les déchets radioactifs de haute activité à vie longue. Le stockage souterrain ne sera pas prêt avant 2025.