Au moment où le débat sur la liaison transalpine européenne, en particulier sur le maillon Lyon-Turin, s’embourbe, il est intéressant de porter son regard sur un autre projet qui lui est bien sur les rails, le canal à Grand Gabarit Seine Nord.
Le président de la République est né à Amiens, Somme, Hauts de France. On n’ose pas croire que cela explique un tropisme, une proximité avec la France du Nord, la France des plaines, au bord du bassin parisien. On n’ose pas croire que la vision élyséenne de notre Etat centralisé, a pu influencer favorablement le dossier du Canal Seine-Nord Europe, 107 kilomètres de voies navigables, une largeur de 54 mètres pour rejoindre Compiègne, dans l’Oise, à Aubencheul-au-Bac dans le Nord.
Evidemment le futur canal qui se trouve sur les rails, présente l’avantage aux yeux des pouvoirs publics de connecter l’Ile de France et la région de Paris, au reste de l’Europe. La liaison permettra de transporter les marchandises sur l’eau plutôt que par la route. Ce qui assurera, a rappelé Xavier Bertrand, président des Hauts de France, une connexion optimale du Nord de la France et du bassin de la Seine aux réseaux fluviaux de la Belgique et des Pays-Bas, et plus largement aux 20 000 kilomètres de voies fluviales à grand gabarit d’Europe.
Ce projet, est-il rappelé dans les discours officiels, qualifié de “chantier du siècle”, montre une importante dimension européenne. » Au-delà de l’intérêt qu’elle représente pour la France et la région, la réalisation viendra significativement faciliter les échanges entre pays de l’UE. » a souligné Xavier Bertrand.
On peut noter que la réalisation du Canal Seine nord , ne prend pas en compte la question de l’évolution des cours d’eau, dont le débit devrait être considérablement réduits. Le réchauffement climatique pourrait augmenter le nombre des périodes de chômage, propres à la voie d’eau, sans parler de la question du partage d’une ressource devenue rare, dans la région urbaine la plus peuplée d’Europe, avec plus de 12 millions d’habitants. On n’avance plus aucun des obstacles qui avaient, et font renoncer à la liaison Rhin-Rhône, ou à la liaison Saône-Moselle, tout aussi hypothétique.
En phase avec le pacte vert
Le Canal Seine-Nord Europe est présenté comme étant en phase avec les objectifs du Pacte vert européen, feuille de route de l’Union Européenne pour parvenir à la neutralité carbone à l’horizon 2050. Le canal est cohérent avec l’objectif d’un report d’au moins 50 % du fret routier sur voies ferrées et navigables… … mais les voies navigables seront loin de pouvoir absorber une part considérable du trafic poids lourds.
“Sans l’Europe, il n’y aurait pas de projet”, a souligné Xavier Bertrand à Amiens. Car l’Union européenne est en effet la première source de financement du Canal Seine-Nord Europe, à hauteur de 2,1 milliards d’euros soit plus de 40 % du coût total de l’ouvrage (5,1 milliards d’euros). Les autres ressources viennent des Régions Hauts-de-France et Ile-de-France ainsi que des Départements du Nord, de l’Oise, du Pas-de-Calais et de la Somme (1,1 milliard d’euros), de l’Etat (1,1 milliard d’euros) et de l’emprunt (0,8 milliard d’euros.).
Toute ressemblance, ou plutôt toute différence avec la liaison transalpine dont Lyon-Turin est un maillon, est évidemment édifiante. Les Régions Hauts de France et Ile-de-France, avec les départements du Nord, de l’Oise, du Pas-de-Calais et de la Somme apporteront ensemble , milliards d’euros. Sans que cette dépense soit intégrée à leurs compétences. Sans que le Canal ait un moindre effet sur le transport des personnes, sur les TER. L’Etat apporte aussi sans difficultés, près d’un quart du financement, à hauteur de 1,1 milliard.
La comparaison entre Seine Nord et Lyon-Turin, peut inviter à des commentaires. Jamais, les trois régions du sud-est n’ont su se faire entendre. Trop loin de Paris…Trop repliées sur elles-mêmes, sans être en mesure d’établir des priorités interrégionales, des stratégies. Cette absence de dialogue interrégional, à l’inverse de ce qui se passe en Suisse avec des coopérations fortes entre cantons de Suisse occidentale, aboutit à des démarches désespérées qui amènent à faire le siège de l’Elysée…
