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Taxation des géants du numérique : Bruno Le Maire refuse que des entreprises deviennent des « états privés »

Bruno Le Maire, Ministre de l’Economie et des Finances a expliqué jeudi devant le Sénat, le sens de la taxation des « géants du numérique ». Le Sénat et l’Assemblée Nationale ont adopté un texte identique. Médias pour un Futur durable, entreprise numérique et éditeur d’Enviscope, est totalement concerné par la nécessaire transition vers un modèle économique plus juste pour le secteur dont les données sont la richesse essentielle. Nous publions ici l’essentiel du discours de Bruno Le Maire sur cette loi, les intertitres étant de la rédaction.

Bruno Le Maire. ©Jacques Pasquier (CC BY-SA 2.0)

« Je veux  rappeler que cette taxation n’est le fruit ni du hasard ni d’une quelconque lubie de certains États européens. Elle repose d’abord sur un diagnostic : nous sommes confrontés à nouveau modèle économique. Aujourd’hui la valeur est créée par les données, par leur accumulation, leur concentration et leur commercialisation qu’elles soient privées ou pour certaines publiques. C’est ce qui permet de faire de la publicité ciblée, c’est ce qui permet aux plateformes de développer leur activité économique. La donnée fait la valeur. Et pourtant la taxation de la donnée qui crée de la valeur n’est pas la même que celle des autres biens, notamment les biens de service ou les biens manufacturés. C’est à la fois totalement injuste et totalement inefficace.

La responsabilité des pouvoirs publics est de tenir compte de cette nouvelle réalité économique et d’arriver à avoir une taxation qui soit juste entre ceux qui continuent de produire des biens manufacturiers, ceux qui continuent de produire des services et toutes ces nouvelles entreprises qui créent de la valeur à partir des données.

Or la situation actuelle – la Commission européenne le détaille clairement – est injuste : la taxation des données est 14 points inférieure à celle des autres activités économiques. Nous ne faisons donc que rétablir de la justice fiscale. Nous voulons donc imposer à ce nouveau modèle économique les mêmes règles fiscales que celles qui s’appliquent à toutes les autres activités économiques. C’est une question de justice et une question d’efficacité. Comment est-ce que demain nous pourrons financer nos biens publics, nos investissements environnementaux, nos écoles, nos crèches, nos hôpitaux, nos collèges si nous continuons en ne taxant pas les activités qui créent le plus de valeur.

Un principe de justice fiscale

C’est donc un principe de justice et un principe d’efficacité qui nous a guidés dans ce combat que je mène depuis deux ans avec le président de la République. Nous sommes allés convaincre les Etats européens, un à un, de se joindre à nous.

La taxe que nous vous proposons est une taxe à 3 %. Elle porte sur le chiffre d’affaires qui est aujourd’hui la seule donnée disponible et crédible qui nous permette de mettre en place cette taxe. Elle ne porte que sur les entreprises qui ont un chiffre d’affaires numérique supérieur à 750 millions d’euros au niveau international et 25 millions d’euros au niveau national. Enfin, cette taxe est temporaire et je le redis à cette tribune : dès que l’OCDE aura adopté une solution crédible de taxation des activités du numérique, la France retirera sa taxe nationale.

Quelles sont les conclusions que nous pouvons tirer du débat que nous avons eu et des différentes réactions que cette taxe nationale sur le numérique suscite ?

D’abord une conclusion nationale : la sécurité juridique de cette taxe est confirmée. Au niveau national, par le Conseil d’Etat, et au niveau européen par la Commission européenne puisque le dispositif que nous prenons est le dispositif qui avait été proposé par la Commission européenne. Je pense qu’il est de bonne politique, et je veux en remercier les sénateurs, d’avoir prévu un rapport sur l’évaluation et l’évolution des négociations internationales. Il est légitime et sage de prévoir un rapport sur l’évolution de ces négociations internationales.

Dix-neuf, puis 24 états européens

Il y a des conclusions à tirer aussi au niveau européen. Je me suis battu depuis 2 ans pour convaincre nos partenaires européens. Au début nous étions 2, puis 5, à partir d’octobre 2017 : l’Espagne, l’Italie, la Grande-Bretagne, l’Allemagne et la France. A la fin du mois d’octobre 2018, un an plus tard, nous étions 19 Etats. Il y a eu une proposition de la Commission européenne, elle a été débattue au long de réunions de ministres des finances. Nous avions 24 États en toute dernière étape qui étaient prêts à adopter cette solution de taxation du chiffre d’affaires des géants du numérique par souci de justice et d’efficacité. Quatre États européens ont pu bloquer l’accord qui a été trouvé avec les 23 autres : la Suède, la Finlande, le Danemark, et l’Irlande.

Je ne me résigne pas à ce qu’en Europe une minorité puisse bloquer la majorité. Je considère que s’il y a une conclusion à tirer de ces débats européens, c’est la nécessité de passer de l’unanimité à la majorité qualifiée sur les décisions portant sur certaines dispositions fiscales.

Enfin, nous avons eu une réaction américaine. Le représentant américain au commerce, Robert Lighthizer, m’a écrit pour me signaler que l’administration américaine allait ouvrir une procédure au titre de la section 301 en raison de l’adoption de cette taxe sur les géants du numérique. J’ai eu hier une longue conversation avec le secrétaire américain au Trésor, Steven Mnuchin, qui m’a aussi averti de l’ouverture de cette procédure au titre de la section 301 par l’administration américaine.

Je voudrais rappeler que c’est la première fois dans l’histoire des relations entre les États-Unis et la France que l’administration américaine décide d’ouvrir une procédure au titre de la section 301. Je crois profondément qu’entre alliés, nous pouvons et nous devons régler nos différends autrement que par la menace. La France est un État souverain, elle décide souverainement de ses dispositions fiscales et elle continuera de décider souverainement de ses décisions fiscales.

Enfin, je veux redire à nos partenaires américains que cette taxe nationale doit être une incitation à accélérer encore plus les travaux pour atteindre une solution internationale à l’OCDE. Nous aurons, d’ici 10 jours, le G7 des ministres des Finances, qui se tiendra à Chantilly. Le secrétaire américain au Trésor sera présent. Accélérons les travaux au niveau international, trouvons une solution commune, trouvons une solution au niveau de l’OCDE et passons par des accords plutôt que par des menaces. Cela me semble de meilleures politiques pour traiter cette question fondamentale de la taxation des géants du numérique.

Des entreprises ne seront pas des états privés

De manière plus générale, chacun voit bien que nous sommes confrontés aujourd’hui à l’émergence de géants économiques, qui ont un caractère monopolistique. Ils veulent non seulement contrôler le maximum de données mais aller encore plus loin que cela en échappant, faute de décision, à l’impôt. Ils mettent en place des instruments d’échange qui pourraient, demain, prendre la forme d’une monnaie souveraine. Je crois que c’est notre responsabilité, à nous élus, pouvoirs publics, d’éviter l’émergence d’entreprises qui deviendraient des États privés, qui auraient tous les privilèges des États sans les contraintes et les contrôles qui vont avec.

Ma détermination à mettre en place une juste taxation du numérique est donc totale, par souci de justice et par souci d’efficacité. Ma détermination avec l’ensemble de nos partenaires européens à mettre en place un cadre de régulation des données qui protège la vie privée de nos concitoyens est totale également. Et ma détermination à faire en sorte que le projet d’instrument d’échange mis en place par Facebook – Libra – ne devienne pas une monnaie souveraine qui pourrait concurrencer la monnaie des États. Je n’accepterai jamais que demain, des entreprises deviennent des États privés. »

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