Une chaleur écrasante pèse surles tentes où les invités attendent la cérémonie des discours. Des femmes en boubous colorés dansent au rythme de la musique déversée à tue tête depuis le podium où les animateurs se succèdent. Un musicien prend le relais. Des représentants des villages voisins demandent à être installés à l’ombre, sur des sièges. Habitants du secteur, chefs, maires, ils ont été conviés, mais un peu oubliés pour le le confort. Ici et là des militaires paisibles mais armés circulent, veillent à la sécurité, inspectent les fauteuils où prendront place les personnalités.
Des centaines de personnes se sont massées autour des tentes officielles, alignées derrière des barrières, pour une fête bien orchestrée. Certains habitants portent des pancartes de fortune où sont les inscrits les mots: ” hommage au Président Alpha Condé, des emplois pour les jeunes.”
Première pierre
La pose de la première pierre du barrage de Kaleta est un événement national. en Guinée C’est une fête locale, pour des villages enclavés, à une centaine de kilomètres de Conakry, capitale en bord de mer de la Guinée. La piste de latérite qui serpente au milieu de la savane a été refaite il y a quelques mois, moins pour la circonstance que pour faciliter le prochain chantier.
Le site sur la rivière, est exceptionnel, reperé depuis longtemps, une belle chute de 49 mètres sur une rivière qui peut délivrer un débit de 3000 mètres cubes seconde au maximum, mais en moyenne un débit de plus de 350 mètres carrés. Le barrage haut de 22 mètres qui détournera une partie du courant permettra de développer, au fil de l’eau, avec une retenue de 23 millions de mètres cubes, une puissance de 240,5 mégawatts avec trois groupes d’une puissance unitaire de 80 MW. Chaque année, Kaleta produira 942 Gigawatt Heure qui seront transportés par une ligne de 146 kilomètres vers la capitale, une agglomération de près de trois millions d’habitants.
Longtemps imaginé, suspendu à des accords avec les voisins de la Guinée pour la mise en valeur du fleuve Gambie, le barrage de Kaleta sera finalement réalisé par les Guinéens seuls. Du moins à leur seule initiative.
Mais pas par les Guinéens tout seuls sur les plans financier et technique. Prenant leur distance pour l’opération de leurs voisins Sénégalais et Gambiens, les Guinéens se sont tournés vers les Chinois. D’ailleurs le directeur général de la compagnie chinoise World Construction and Energy, est là, assis sur un confortable fauteuil, aux côtés de l’ambassadeur de la République Populaire de Chine à Conakry. Au premier rang, près des officiels Guinéens , d’autres responsables chinois, comme d’ailleurs sous d’autres tentes. Des expatriés chinois veillent avec des Guinéens à la logistique de la fête.
La pose de la première pierre du barrage de Kaleta, qui sera construit à trente kilomètres de là, au delà de la rivière proche sur laquelle sera construit un pont pour une route d’accès plus commode, symbolise une nouvelle étape de l’intérêt de la Chine pour la Guinée en particulier, pour l’Afrique en général. Ce projet de 526 millions de dollars qui devrait être achevé en 2016 est le dernier d’une série de réalisations chinoises dans le pays.
La Chine de Mao édifié ici le Palais du Peuple de Conakry dans les années soixante, puis le palais présidentiel. La Chine de 2012 vient de donner 100 bus pour amorcer des transports en commun dans la capitale. Elle va apporter au pays une centrale capable de déposer du béton à une portée de deux cents mètres.
Autrefois point stratégique de la carte politique mondiale, la Guinée est devenue un coffre fort minéral ( bauxite) avant peut d’être un grenier ou une réserve alimentaire. La Chine ne fait que marcher sur les pas de l’Occident ou dans le sillage des Soviétiques plutôt oubliés.
La Chine est puissante, organisée, ambitieuse. Elle a appris à construire des barrages: l’entreprise qui construira Kaleta a édifié le barrage des Trois Gorges, avec des groupes occidentaux, mais elle construira seule quatre barrages en amont de ce barrage gigantesque. La Chine possède aujourd’hui, par des firmes nationales, ou par des firmes étrangères implantées sur son sol, la capacité de réaliser n’importe quel projet. La qualité et la fiabilité dans le temps ne sont pas encore assurés, mais la Chine déterminée avance.
En Guinée la Chine a déjà édifié d’autres centrales hydrauliques. Elle bénéficie d’une solide expérience, même si elle s’appuie sur la filiale française du bureau Tractebel Ingénierie pour étudier et préparer le chantier.
Le futur barrage de Kaleta apportera à la Guinée, à des conditions financières que les entreprises européennes sont incapables d’offrir, de quoi résoudre une partie de ses immenses problèmes énergétiques. Le pays dispose d’un potentiel hydrauliue de 6000 Mégawatt dont seulement 150 environ sont effectivement exploités. Pour le Président Alpha Condé, la négociation avec les Chinois est une réussite. Le Professeur président élu à la fin de 2010 peut légitimement mettre ce contrat au crédit de son action qui redonne espoir aux Guinéens, après une demi-siècle de dictatures diverses.
Kaleta, c’est l’espoir d’une énergie dans les villages et dans la capitale, ce sont des emplois dans les mines et dans l’industrie, c’est davantage de confort. Le Ministre de l’Energie et de l’Environnement, Papa Coly Kourouma, et le premier Ministre, Mohamed Saïd Fofana l’ont répété à l’envie. En anglais. « Guinée is back ».
