Des chercheurs de l’INRA, avec des équipes de Suède et de Singapour, ont montré dans des conditions naturelles, l’impact de la disparition d’espèces dans un milieu donné. Si les effets d’une disparition peuvent s’estomper avec le temps, le diversité reste la meilleure situation pour favoriser une occupation optimale des sols.
Grâce à l’analyse de 20 ans de données recueillies sur un site d’expérimentation unique au monde, une équipe de l’Inra, en collaboration avec la Suède et Singapour, a étudié les effets de la perte de biodiversité sur la biomasse des plantes dans des environnements contrastés. Ces effets dépendent non seulement des espèces supprimées, mais aussi des écosystèmes dans lesquels elles ont été arrachées. L’ampleur de ces effets diminue au cours du temps grâce à des mécanismes compensatoires mis en place par les espèces restantes. Leurs résultats sont publiés dans Nature le 23 mai 2018.
Depuis 1996, une expérimentation unique au monde est menée par les écologues au nord de la Suède dans un archipel de 30 îles forestières. Sur ces îles, des feux naturels ont détruits à différentes époques la végétation en transformant chaque île en un écosystème indépendant qui diffère des autres notamment en terme de productivité et de fertilité des sols. Ces îles représentent une « chronoséquence » d’îles de plus de 5 000 ans.
Depuis plus de 20 ans sur ces milieux qui créent en quelque sorte des conditions expérimentales naturelles, les scientifiques ont régulièrement supprimé différentes espèces et groupes fonctionnels de plantes. La manipulation visait à simuler une perte de biodiversité dans chacune de ces îles pour en comprendre les effets sur le fonctionnement des écosystèmes dans des contextes environnementaux différents.
Une équipe de l’Inra, en collaboration avec des universités suédoise et singapourienne, a analysé 20 ans de données obtenues sur la biomasse de trois buissons : la myrtille (Vaccinium myrtillus), l’airelle rouge (Vaccinium vitis-idaea) et la camarine hermaphrodite (Empetrum hermaphroditum). Ces trois espèces représentent plus de 95 % de la biomasse de ce groupe de plantes.
Les chercheurs ont simulé des pertes d’espèces identiques dans des environnements naturels contrastés. En effet, les feux se produisant plus souvent dans les grandes îles, les forêts de ces iles sont donc les plus jeunes, plus productives, et présentent un sol plus fertile que les petites îles.
Les manipulations permettent de répondre à plusieurs questions sur le long terme. Comment se comporte la biomasse de la végétation si on arrache l’une ou l’autre de ces trois espèces ? Quels sont les effets dans les grandes îles par rapport aux petites ? Qu’en est-il de la stabilité de de la végétation au cours du temps
Premier constat : la biomasse des buissons est très affectée par l’arrachage des espèces (jusqu’à 70 % de réduction). Ces effets varient en fonction des combinaisons d’espèces arrachées et en fonction de la taille des îles. Les espèces à stratégie acquisitive (croissance rapide, riche en nutriments) ont un effet prédominant dans les écosystèmes productifs (grandes îles) . D’autre part les espèces à stratégie conservative (croissance lente, riches en composés de défense) ont un effet prédominant dans les écosystèmes plus anciens (petites îles).
Mais l’effet de la perte de biodiversité sur la production de biomasse diminue avec le temps. Les chercheurs attribuent ce constat à une augmentation progressive des effets compensatoires mis en œuvre par les espèces restantes, permettant ainsi une meilleure utilisation des ressources et une optimisation de l’espace laissé vacant par l’espèce perdue. Les variations temporelles dans la production de biomasse étaient plus importantes pour les espèces seules ce qui renforce l’idée admise que la biodiversité augmente la stabilité des communautés végétales face aux fluctuations climatiques.
Ces résultats suggèrent que pour comprendre et prévoir les conséquences de la perte de biodiversité, il faut tenir compte du contexte environnemental. Cela souligne également la nécessité de la mise en place de politiques publiques de conservation visant à encourager la préservation la biodiversité afin de maintenir une productivité élevée au sein d’une large gamme d’écosystèmes parfois très contrastés.
1 En savoir plus : « Un dispositif expérimental inédit pour scruter les effets de la biodiversité sur le fonctionnement des écosystèmes ». http://presse.inra.fr/Communiques-de-presse/effets-de-la-biodiversite-sur-le-fonctionnement-des-ecosystemes