Solvay et AREVA ont conclu un accord destiné à valoriser le thorium, élément abondant dans la croûte terrestre en association avec des terres rares ou de l’uranium.
L’accord entre le groupe spécialisé dans l’énergie, en particulier nucléaire, et le groupe chimique vise à définir les conditions pour assurer une “gestion responsable” du thorium. L’accord inclut le déploiement d’un programme de recherche et développement pour étudier, entre autres, son exploitation comme combustible potentiel de centrales nucléaires, en complément des combustibles utilisant l’uranium et le plutonium.
Solvay et AREVA possèdent des stocks de thorium en France au travers de l’extraction des terres rares pour Solvay et de l’extraction de l’uranium pour AREVA, au Niger.
Pour Olivier Wantz, Directeur Général Adjoint d’AREVA, en charge du business group Mines, le partenariat permettra à terme de proposer des options complémentaires dans le domaine du cycle nucléaire.
« Cet accord souligne notre engagement visant à assurer une gestion durable des ressources naturelles. Il devrait permettre de mieux valoriser cet élément et mener à de nouvelles opportunités de collaboration », a déclaré Xavier Houzard, Directeur de la Réhabilitation Environnementale de Solvay, en charge du développement du Thorium.
Un métal aussi abondant que le plomb
Le thorium est un élément chimique, un métal de la famille des actinides. Il entre dans les alliages de magnésium utilisés pour les moteurs d’avions.
Le thorium se trouve en petites quantités dans la plupart des roches et sols. Il est quatre fois plus abondant que l’uranium, à peu près aussi fréquent que le plomb. Un terrain normal en contient en moyenne environ 12 parties par million (ppm). Le thorium se rencontre dans plusieurs minéraux. Il en existe de grands gisements en France (Bretagne), en Australie, en Inde et en Turquie.
Plusieurs voies pour des réacteurs au thorium
Différentes voies ont été proposées pour exploiter l’énergie du thorium qui peut être transformé en matériau fissile, susceptible de produire de l’énergie dans le cadre d’une réaction en chaine dans laquelle des neutrons circulent dans le combustible.
Au début des années 1990, au CERN, le physicien Carlo Rubbia, a proposé d’utiliser une source externe de neutrons pour créer de l’Uranium 233 (réacteur hybride ou Réacteur nucléaire piloté par accélérateur, en anglais ADS « Accelerator driven system », ou encore « Rubbiatron »). Cette voie, intéressante en raison de sa sûreté intrinsèque et de son grand potentiel pour “incinérer” les déchets nucléaires, comporte cependant encore un certain nombre de difficultés de mise au point, et impose des coûts importants.
Des réacteurs à sels fondus
Une autre voie consiste à mettre en œuvre des réacteurs où des sels fondus jouent le rôle de combustible et de fluide caloporteur. Il s’agit principalement d’un mélange de sels fluorures, en général une proportion majoritaire de fluorures d’éléments stables tels le lithium et le béryllium, le reste étant constitué de fluorures de thorium fertile et d’autres éléments fissiles tels que l’uranium 233 ou l’uranium 235. La température de fonctionnement supérieure à 600 degrés permet au mélange de sels de se présenter sous forme liquide, et élimine le besoin de fabriquer des barreaux de combustibles. Des essais ont été menés aux Etats-Unis, avec succès, mais n’ont pas été poursuivis faute de crédits.
Les réacteurs nucléaires à sels fondus paraissent être la voie la plus prometteuse. Les États-Unis, la Chine, l’Inde et le Japon ont engagé des efforts industriels dans cette direction.
En France, des scénarios théoriques prometteurs ont été étudiés par le CNRS depuis le début des années 2000. Le Laboratoire de Physique Subatomique et de Cosmologie de Grenoble (LPSC) a développé un concept de réacteur à sels fondus « non modéré », dit MSFR (pour Molten Salt Fast Reactor, un type de réacteur à neutrons rapides), susceptible d’offrir des caractéristiques de fonctionnement très favorables remplissant les critères des réacteurs de quatrième génération.
michel.deprost@enviscope.com