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David Lisnard : « l’Etat bureaucratique: le nouveau nœud gordien », par David Lisnard, président de l’Association des Maires de France

       «Nos impôts et nos déficits permanents financent un système qui ne fonctionne plus pour alimenter un État devenu obèse et impotent», estime le président de l’Association des maires de France, David Lisnard. Pour le président (LR) de l’AMF répondre aux défis actuels – tant sécuritaires qu’économiques – implique de renouer avec le culte de la performance publique. Cela passe par une décentralisation accrue et par une débureaucratisation de l’État.

Dans Le Nœud gordien, Georges Pompidou décrivait ce qui devait selon lui permettre aux politiques de gouverner avec justesse dans une société moderne : « La République doit être celle des politiques, au sens vrai du terme, de ceux pour qui les
problèmes humains l’emportent sur tous les autres, ceux qui ont de ces problèmes une connaissance concrète, née du contact avec les Hommes, non d’une analyse abstraite ou pseudo-scientifique de l’Homme. C’est en fréquentant les Hommes, en
mesurant leurs difficultés, leurs souffrances, leurs désirs et leurs besoins immédiats tels qu’ils les ressentent ou tels parfois qu’il faut leur apprendre à les discerner, qu’on se rend capable de gouverner.»
En ce début de mandat, le chef de l’État devrait avoir pour priorité de retrouver les moyens de gouverner avec efficacité pour œuvrer au redressement du pays. Car le quinquennat qui s’achève est à ce titre un contre-exemple. Après avoir
prétendu vouloir opérer une «révolution», Emmanuel Macron, une fois élu, ne s’est en effet jamais attaqué à la matrice de l’État qui est aujourd’hui la cause majeure du «malheur français» que Marcel Gauchet décrit avec finesse.
En l’espace de vingt ans, le nombre d’articles législatifs et réglementaires en vigueur a augmenté de 50%, et contribue ainsi à cette complication juridico-administrative que rencontre tout citoyen usager des services publics confronté aux affres d’une
bureaucratie qui enfle à mesure que l’État s’affaiblit dans ses fonctions essentielles. Le coût de cette suradministration est estimé à plusieurs milliards d’euros pour les collectivités territoriales ces dernières années par le Conseil national d’évaluation
des normes. Il ressort d’une étude du cabinet de conseil Plum que les tâches administratives dans les entreprises françaises représentaient 7,7% du temps de travail par personne et par an contre 3,7% en Allemagne, ce qui induit un coût
équivalent à un point de PIB.

Echec de notre système social

Plus encore, c’est l’échec de notre système social qui est à déplorer malgré les efforts consentis dans ce domaine et le
« pognon de dingue » qui y est consacré Pour couronner et financer le tout, alors que nous détenons des records en termes de
dépenses publiques et de prélèvements obligatoires, respectivement 60% (56% en 2019 avant la crise sanitaire) et 44% du PIB, alors aussi que nous n’avons jamais eu autant d’agents de la fonction publique (5,7 millions, soit 129.000 de plus qu’en 2017),
nous observons une désaffection croissante, une efficacité moindre et une déshumanisation des services publics.

Cet apparent paradoxe a une cause : un taux d’emplois délégués aux tâches administratives de 33% en France dans la fonction publique contre 25% dans un pays comme l’Allemagne et de 24% en moyenne européenne, soit un différentiel de 450.000 agents supplémentaires en France.
Sans les surcharges administratives qu’ils occupent, cette masse salariale pourrait être répartie en trois tiers, respectivement pour remettre des agents sur le terrain au contact du public, y compris en zones rurales, réduire la dépense publique, augmenter les salaires des fonctionnaires. Avec une masse salariale qui a augmenté de plus de 10 milliards en cinq ans, une dépense sociale qui représente un tiers du PIB, une dette qui frôle les 115% du PIB, un déficit de l’État qui avait recommencé à croître dès 2018, donc avant la crise sanitaire, un chômage certes qui s’améliore mais qui demeure l’un des plus élevés de la zone euro et qui diminue moins vite que dans la plupart des grands pays occidentaux, une croissance inférieure à nos partenaires depuis 2017, y compris en intégrant les 7% de 2021, la situation économique de la France est à l’image de la
réalité sécuritaire et éducative: très négative. Plus encore, c’est l’échec de notre système social qui est à déplorer malgré les efforts consentis dans ce domaine et le «pognon de dingue» qui y est consacré.

En plus de spolier les contribuables, il crée en effet des trappes à pauvreté qui touchent toujours les mêmes populations sans jamais parvenir à mieux les intégrer dans le monde du travail, à leur permettre de devenir propriétaires de leur logement, à offrir des perspectives d’études et de réussite méritocratique à leurs enfants.

Rompre avec l’étatisme

Nos impôts et nos déficits permanents financent un système qui ne fonctionne plus pour alimenter un État devenu obèse et impotent, un État qui n’assume plus ses missions régaliennes (3,1% du PIB en 2019, contre 6,5% en 1960), un État qui
n’est pas assez au service de la société et des citoyens, un État qui trop souvent entrave les libertés locales, entrepreneuriales et individuelles, tout en cédant devant les revendications idéologiques de minorités actives, voire en les favorisant.
L’efficacité collective et la dignité humaine passent par une rupture avec l’étatisme qui caractérise nos politiques publiques depuis une quarantaine d’années, par la décentralisation et la subsidiarité, par la recherche de la responsabilité individuelle.
Le nœud gordien qu’il nous faut aujourd’hui trancher est celui de l’organisation des pouvoirs publics. Il devrait être au cœur du débat politique car seule la performance publique nous permettra de restaurer l’autorité régalienne, de redresser les comptes publics, de retrouver une société prospère, donc du pouvoir d’achat, et une nation unie. Cela ne sera possible qu’en modernisant et professionnalisant notre administration, en alignant progressivement le statut des fonctionnaires sur les contrats de droit privé pour les missions non régaliennes, en diversifiant le recru‐ tement dans la haute fonction publique. Pour cela, nous devons à tout prix débureaucratiser notre société et simplifier les rouages administratifs, soulager les contribuables, veiller à la qualité du service public et motiver les fonctionnaires méritants dans le cadre d’un management qui permettra de mieux rémunérer les agents, de les investir davantage dans leurs missions et de gagner en productivité.

Un nouvel acte de décentralisation

Ceci ne sera possible qu’en modernisant et professionnalisant notre administration, en alignant progressivement le statut des fonctionnaires sur les contrats de droit privé pour les missions non régaliennes, en diversifiant le recrutement dans la haute
fonction publique dont le conformisme paralyse aujourd’hui toute volonté de changement, en externalisant certains services, en en internalisant d’autres, et en réduisant les dépenses de fonctionnement au profit de dépenses d’investissements
par et pour des gains de productivité.
Il faudra, outre un nouvel acte de décentralisation, permettre aux collectivités locales d’exercer pleinement leurs compétences en vertu du principe de subsidiarité et leur garantir enfin une vraie autonomie financière. Il sera nécessaire aussi de réduire considérablement le poids de la haute administration dans la décision publique comme de revenir sur la régionalisation des services de l’État et de nombreux opérateurs et agences dont la multitude, le chevauchement et parfois les doublons nuisent à l’efficacité comme à la lisibilité de l’action publique, ce qui alimente la crise civique.
Il s’agit d’apprendre à chacun à se passer de l’État là où il est superflu, et de renforcer l’État là où il est nécessaire
Il ne s’agit pas de prôner l’effacement de l’État, bien au contraire. Il s’agit d’apprendre à chacun à se passer de l’État là où il est superflu, et de renforcer l’État là où il est nécessaire, pour lui permettre d’assurer sa mission de base, à savoir notre sécurité et
la justice, indispensables à la liberté. Il s’agit de responsabiliser les individus et de retrouver leur confiance pour mener à bien les politiques indispensables à notre redressement tant sur le plan économique et social qu’éducatif, culturel, sécuritaire,
migratoire, énergétique ou encore international.
Il s’agit enfin de redonner du sens à l’action publique, en sortant de l’impasse dans laquelle nous a menés la stratégie du «en même temps», et de retrouver une vie démocratique saine qui sorte de l’opposition stérile entre un parti de gouvernement
sans constance hormis celle de vouloir rester au pouvoir et des alternatives démagogiques qui se fondent sur le culte d’un passé mythifié ou la haine de la société entrepreneuriale et des valeurs françaises.
C’est ainsi que nous serons en mesure de faire face aux enjeux du siècle et de refaire de la France une nation qui compte, en Europe et dans le monde. Cette refondation est l’enjeu de la construction d’une alternative politique claire et crédible au pouvoir en place portée par les candidats de droite. Elle commence aux législatives et doit nous mobiliser dans les cinq ans qui viennent.

David Lisnard

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