Grâce à une stratégie de petits pas, Vincent Rozé, créateur de l’association de producteurs agricoles « Mangez Bio Isère », a réussi à introduire des produits bio et locaux à la table des collèges et écoles. En neuf ans le groupement de producteurs, avec l’aide du Département et des autres collectivités, s’est structuré au point de fournir un service de qualité à ses clients et d’apporter un complément de revenu non négligeable à ses adhérents.
Christophe Ferrari, nouveau président de La Métro (à droite sur la photo) est venu conforter avec Françoise Audinos, vice-présidente en charge de l’agriculture, la démarche de Vincent Rozé, créateur de ” Mangez Bio Isère “. [Photo Enviscope]
« Maintenant, quand je me promène en ville je suis fier du travail que nous réalisons. J’ai banni le mot cantine de mon vocabulaire, je parle de restauration collective » déclare enthousiaste Alain Baret, chef de la cuisine centrale de la commune de Pont-de-Claix. Chaque jour il prépare avec une équipe d’une douzaine de personnes (dont une diététicienne) 800 repas pour les écoles et établissements de la commune. Tous les jours ou presque, il arrive à utiliser un ou plusieurs produits bio et de saison, un légume, un yaourt ou un fromage provenant d’une exploitation iséroise adhérente de l’association. C’est un patient travail avec Tanguy Le Maitre, son interlocuteur salarié de Mangez Bio Isère, qui a permis d’ajuster l’offre des agriculteurs avec ses besoins et les normes contraignantes qui s’imposent aux cuisines collectives.
Vincent Rozé, lui-même producteur de fromages et de pain à Sainte-Luce, explique « qu’ils ont fait se rapprocher deux univers, celui des producteurs et celui des cuisiniers. Chacun comprend mieux l’autre, pour le bénéfice de la collectivité ». Celui des enfants d’abord, même si au départ ce n’est pas évident de leur faire accepter des fruits avec quelques taches, ou le dépôt qui se crée à la surface des crèmes desserts. Mais au bout du compte tout le monde y gagne, en goût, au plan sanitaire. Et sur les prix alors ?
Le prix n’est pas la vraie question
Vincent Rozé recommande de faire les choses progressivement, pour que l’offre s’ajuste à la demande. « Quand les clients s’engagent sur des quantités régulières, on peut prévoir et on a moins de pertes » commente Pierre Jamet, maraicher installé en bio sur 3 hectares depuis 2 ans à Noyarey. Effectivement savoir qu’il va écouler chaque semaine 150 kg de salades le sécurise, de même que l’anticipation sur des cultures qu’il faut planter très longtemps en avance. Du coup les prix peuvent baisser.
Pour les fromages blancs, les compotes de fruits, l’association développe les gros conditionnements de 5 et 7 kg, limitant ainsi la gabegie des emballages individuels. De même, lorsque l’association a créé sa plateforme logistique au Fontanil, pour faire du ramassage, du re-colisage et compléter les livraisons assurées par les producteurs directement, les coûts de livraison ont enflé jusqu’à 30%. Avec la pratique et l’augmentation des volumes, ils sont maintenant redescendus à 12%.
Même si les prix sont plus élevés, on finit par s’y retrouver, ajoute Alain Baret. Là où il lui fallait 120 kg de pommes de terre, avec quantité de déchets, il ne commande plus que 70 kg à AB Pluche, prestataire de Mangez Bio Isère, qui livre un produit prêt à l’emploi [1]. Et puis au final, à la fin du repas les assiettes sont vides. Plus rien ne part à la poubelle. De quoi satisfaire le cuisinier, l’économe, mais aussi les parents.
Conforter la démarche
S’adressant aux élus, qui sont venus voir comment développer dans leur commune les produits bio et locaux, Karine Berthaud, chargée de mission au Pays Voironnais et à La Métro, propose un accompagnement dans leur parcours d’intégration. La formulation des appels d’offre doit notamment être détaillée, respecter le cadre légal et spécifier toutes les caractéristiques ciblant des productions bio et de proximité. Avec le sourire, elle incite l’assistance à passer à l’acte et «à signer le bon de commande ».
Quant à Vincent Rozé, une nouvelle fois il insiste sur le caractère progressif et patient de la démarche. Les 4 salariés que compte l’association font en amont un gros travail tant avec les producteurs qu’avec les cuisiniers des collectivités. Cela sécurise les agriculteurs. Ils sont maintenant une soixantaine pour qui Mangez Bio Isère apporte en moyenne 10% de revenus complémentaires soit 20 000 € par an [2]. « Au-delà de la qualité des produits, de la baisse des émissions de CO2 grâce aux circuits courts, il est très important de soutenir l’activité économique et locale » conclut-il.
[1] La société AB Pluche, qui a obtenu la concession de la future légumerie en construction à Moirans, a déjà démarré son activité et fournit par exemple des légumes dits de 4e gamme, épluchés, lavés et conditionnés, prêts à l’emploi.
[2] L’association a réalisé 1,2 M€ de chiffre d’affaires en 2013.