Ce jeudi 1er novembre, une des premières pêches d’étang de la saison se déroule dans un étang de Villette sur Ain, près du rebord oriental de la Dombes, dans le département de l’Ain. La saison de la pêche dans les étangs de la Dombes durera jusqu’au 31 mars. Ce matin, sur la chaussée qui barre l’aval du plan d’eau se sont retrouvés les exploitants réunis par Jean-Yves Noël, l’un des propriétaires, mais aussi des dizaines de curieux. La pêche est aussi depuis des années, un rendez-vous touristique (1) que ne manqueraient pas, malgré le brouillard et la fraîcheur des habitants du secteur.
La pêche est traditionnelle et spectaculaire. Les techniques n’ont pas changé, semble-t-il depuis que les moines de Cluny ont au douzième siècle façonné ce qui n’était qu’une pénéplaine laissée par les glaciers à la fin de la dernière glaciation il y a 20 000 ans. En dehors des vallées de quelques cours d’eau, la Dombes était une étendue de marécages qui furent drainés pour concentrer les eaux dans les points bas, derrières des chaussées simplement ouvertes si nécessaire par une vanne pour laisser passer l’eau vers l’étang aval.
Depuis plusieurs semaines, l’étang a été vidé lentement, au rythme de dix centimètres pas jour, explique Jean-Paul Mas, de l’association Nos Etangs, mais aussi président de l’Office de Tourisme de Villars les Dombes localité au cœur du pays. Les poissons de toutes tailles ont pu se concentrer dans le thou, le secteur surcreusé de l’étang qui aboutit à l’émissaire. Les pêcheurs en cuissarde, mains nues, sont prêts. Ils emportent en marchant sur quelques centimètres de vase, le filet à maille très fine qui déployé à quelques dizaines de mètres de la chaussée pour éviter la fuite des plus petits poissons. Ils préparent un second filet, à mailles plus grosses qu’ils tirent en diagonale. Les plus petits poissons s’échappent et seront récupérés lors d’un prochain passage. Pour le moment le but est d’approcher au bas du thou, les plus gros spécimens, carpes et brochets, qui commencent à faire bouillonner les eaux couleur de ciel. Le ventre rose d’une carpe en sursis sort de temps à autre. Les hommes tirent le filet sous l’oeil du pêcheur qui dirige la manoeuvre. Le filet lesté d’une corde plombé ne doit pas être porté trop haut pour éviter la fuite des captures. Ni trop bas pour éviter de râcler le fond vaseux.
Une fois près du bord, le pêcheur qui a coordonné l’opération peut venir avec sa large épuisette recueillir les poissons qui se débattent. En retrait, des baquets ont été préparés. Un à un les poissons sont triés. Les brochets apportés dans des cuves, les carpes dans une barque emplie d’eau où elles sont reprises pour la vente.
Ce matin, l’étang a donné des carpes et des brochets, immédiatement proposés aux acheteurs. Les clients sont nombreux, avec leur sacs de toile de jute ou de plastique. On choisit, on fait peser, on paie tandis que plus loin, on déguste vin chaud ou goujonnettes de carpes frites.
Ce premier jour de novembre, la pêche n’est pas miraculeuse. Jean-Yves Noël attendait peut-être mieux. Peut-être à l’image de la pisciculture dombiste, qui pèse lourd en France, mais demeure marginale dans une région où les grandes cultures progressent, où la pression urbaine est intense, faisant chuter dramatiquement la biodiversité.
1) Office de tourisme de Villars les Dombes téléphone 04 74 98 06 29
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Dombes: 21% de la production française
de poissons d’étangs
La Dombes est parsemée de quelque 1000 étangs. La pisciculture est pratiquée par environ trois cents exploitants, dont beaucoup y trouvent une activité de complément.
Certes, la pisciculture de Dombes représente 18% surfaces d’étangs exploités, mais 21% de la production française, avec 1600 tonnes. La Dombes produit 21% des carpes et 27 % des brochets élevés en France.
Mais la pisciculture est comme coincée dans une économie locale plus globale qui ne lui laisse qu’une place peut-être trop réduite par rapport à son potentiel.
L’économie de la Dombes est une économie agricole, dominée par les grandes cultures, en particulier celle du maïs qui rogne chaque année des terres. Les terres non agricoles sont des terrains de chasse très prisés, en proximité des étangs, en raison d’une avifaune très variée, dont la diversité décroît pourtant régulièrement, les populations de canards augmentant régulièrement au détriment d’autres espèces comme l’indique la récente étude d’Alain Bernard et de Philippe Lebreton (1). La chasse procure d’excellents revenus, mais c’est une pratique en diminution.
Les Oiseaux de la Dombes : une mise à jour, Alain Bernard et Philippe Lebreton, Revue Dombes, numéro 27, Académie de la Dombes et Fondation Pierre Vérots, avec le soutien de la Région Rhône-Alpes, la participation du CORA, et du contrat de développement Rhône-Alpes Val de Saône-Sud.