Financement de la transition et fiscalité écologique
Constats et objectifs
– La fiscalité environnementale doit permettre d’inciter ou de dissuader des comportements
vertueux ou néfastes en termes de consommation de ressources, d’émissions de gaz à effet de
serre et de pollutions. Pour chacune de ces catégories, des instruments fiscaux existent dans
notre pays mais demeurent incomplets ou perfectibles. De fait, la mise en place d’une fiscalité
environnementale reste largement inaboutie en France : notre pays était en 2010 à l’avantdernière
place des pays de l’Union européenne, juste devant l’Espagne, pour ce qui concerne
la place de la fiscalité environnementale dans le PIB, soit 1,86 % pour une moyenne de l’UE à
27 à 2,37 %. L’Allemagne, dont les entreprises sont souvent considérées comme plus
compétitives que celles de la France, est à 2,21 %. La fiscalité environnementale représente
4,16 % des prélèvements obligatoires en France, contre 6,19 % en moyenne européenne.
L’objectif du Gouvernement est de faire converger notre pays vers la moyenne de l’Union
européenne.
– La fiscalité environnementale ne doit pas être vue d’abord comme une source de rendement
pour les finances publiques. Par le signal-prix qu’elle véhicule, elle a vocation à changer, dans
la durée, les comportements en contribuant à l’amélioration des conditions de vie présentes et
futures.
– Il n’est pas de mesure fiscale environnementale efficace et pérenne qui ne prenne en compte
les enjeux de compétitivité des entreprises et de pouvoir d’achat des ménages. Ce constat est
particulièrement vrai dans le contexte de crise que traverse notre pays. L’introduction
d’éléments de fiscalité écologique dans notre système de prélèvements obligatoires doit donc
être vue comme une incitation positive de ces agents à adapter leurs comportements à la
raréfaction des ressources ou aux perturbations des écosystèmes, phénomènes générateur de
coûts importants pour la société dans son ensemble.
– Les dispositifs proposés ne doivent placer aucune catégorie d’acteurs dans la situation de
subir une hausse de fiscalité sans avoir les moyens d’y faire face financièrement ou de
modifier son comportement pour l’atténuer. Le changement de comportement auquel les
agents sont incités (recours à des technologies plus propres, réorientation des
investissements, recours à des modes alternatifs de déplacement…) doit donc être favorisé
par des actions d’accompagnement de la puissance publique (soutien à la R&D, structuration
de marchés en devenir…).
En outre, lorsque la situation de concurrence internationale (entreprises) ou de vulnérabilité
(ménages) le nécessite, les recettes dégagées par la fiscalité environnementale peuvent être
redistribuées, par exemple sous forme d’un bonus écologique en faveur des comportements
vertueux. Cette redistribution doit être préférée à de dérogations ou exonérations, sous peine
de rendre le signal-prix inefficace et d’amoindrir notre compétitivité sur le moyen-long terme.
Ces compensations doivent en outre être réalisées sur une autre assiette.
17
– Le signal-prix, destiné à faire évoluer les comportements, doit être clair, lisible sur le
moyen terme, compréhensible par tous, progressif, et accompagné du développement et de la
mise à disposition des solutions techniques qui permettent aux acteurs de faire évoluer leurs
pratiques. C’est pourquoi des trajectoires pluriannuelles d’évolution des taxes doivent être
privilégiées, assorties de mécanismes clairs d’ajustement en fonction de la trajectoire
d’atteinte de l’objectif.
– L’institution de nouveaux prélèvements ne doit pas être un facteur de complexification de la
norme fiscale et doit prendre place dans le cadre d’une stratégie globale de réforme de nos
prélèvements obligatoires.
– D’autres instruments, parmi lesquels les financements innovants, peuvent enfin compléter la
fiscalité environnementale pour mobiliser des capitaux privés vers les actions qui répondent
aux enjeux de la transition écologique.
Chantiers prioritaires, méthode et calendrier
Mesures immédiates
1. Le malus automobile sera durci pour les véhicules les plus émetteurs de CO2.
2. La TGAP sur les polluants atmosphériques sera étendue et renforcée dans la loi de finances
pour 2013.
3. Dès 2014 l’avantage fiscal en faveur des biocarburants de première génération sera réduit.
Il supprimé d’ici fin 2015. Les agréments seront renouvelés d’ici la fin de l’année 2012, pour
trois ans mais pour des volumes de production en diminution et avec des taux révisés.
4. Instituer, d’ici la fin de l’année 2012, un dispositif permanent de consultation avec les
parties prenantes de la gouvernance à 5+1 (services de l’Etat, syndicats de salariés,
représentants des entreprises, associations, collectivités, parlementaires nationaux et
européens), auxquelles seront spécifiquement associés les acteurs économiques les plus
directement concernés ; ce dispositif sera chargé de donner un avis sur les mesures fiscales
écologiques proposées par le gouvernement et de faire des propositions en la matière.
5. Inscrire dans les missions de la BPI le soutien public à l’innovation et aux investissements
dans les secteurs de la transition écologique et énergétique (rénovation thermique, énergies
renouvelables, écotechnologies).
Programme de travail
6. La fiscalité écologique sera réformée pour accompagner la transition écologique et
énergétique. La bonne méthode pour mettre en place une fiscalité écologique efficace est
d’emprunter un chemin de décision garantissant à chacun des acteurs que les mesures
adoptées sont soutenables et que les mesures d’accompagnement adéquates ont été prévues.
Partant, l’évolution de la fiscalité environnementale que le Gouvernement veut engager obéira
à la méthodologie suivante :
18
· Identifier, à l’intérieur de chacun des grands objectifs de la politique économique liés
à l’environnement (changement climatique, ressources, pollutions), les domaines dans
lesquels la fiscalité peut jouer un rôle dans la modification des comportements – le cas
échéant en complément de l’outil réglementaire – en privilégiant, chaque fois que cela
est pertinent, l’initiative des collectivités territoriales.
· Passer en revue l’ensemble des acteurs économiques concernés (types de ménages,
d’entreprises, d’administrations) et mener ou compléter les études sur l’impact de la
fiscalité proposée sur ces acteurs et l’évolution prévisible de leurs comportements. Une
attention particulière sera portée à leur vulnérabilité, vis-à-vis de la concurrence
internationale (entreprises) ou de leur pouvoir d’achat (ménages). Les mécanismes
éventuels de retour de la recette aux acteurs sur une autre assiette seront également
étudiés.
7. En matière de lutte contre le changement climatique, le Gouvernement :
· réexaminera les dépenses fiscales relatives à l’usage des énergies fossiles afin
d’orienter progressivement la fiscalité vers des usages sobres en émissions de gaz à
effet de serre (GES) et en particules. Si ce réexamen aboutit à la décision de réviser
certains dispositifs dérogatoires, cette révision sera assortie de mécanismes
d’accompagnement et de compensation destinés à préserver le pouvoir d’achat des
ménages modestes et la compétitivité des secteurs les plus exposés à la concurrence
internationale (agriculture, transport, pêche… ).
· mènera des travaux d’expertise sur l’opportunité de mettre en place une taxe sur les
GES fluorés utilisés comme fluides frigorigènes et une fiscalité spécifique sur les
engrais minéraux azotés, afin de limiter l’usage des GES fluorés et de l’azote minéral,
précurseur de protoxyde d’azote.
· s’engage à promouvoir, dans le cadre de la révision de la directive sur la fiscalité de
l’énergie, une fiscalité carbone européenne sur les secteurs hors quotas d’émission,
ainsi qu’un mécanisme d’ajustement aux frontières de l’Union européenne dont la mise
en oeuvre expérimentale pourrait être proposée pour certains secteurs d’activité. En
effet, les émissions de CO2 liées à la consommation d’énergies fossiles sont aujourd’hui
insuffisamment prises en compte par les règles fiscales communautaires. Il travaillera
également avec ses partenaires européens à l’amélioration de la régulation du marché
européen des quotas et soutiendra les initiatives de la Commission européenne en ce
sens, afin de garantir un prix incitatif du carbone.
8. L’objectif d’amélioration de la qualité de l’air doit être mieux pris en compte dans la fiscalité
des véhicules (taxe sur les véhicules de sociétés, malus automobile, barème kilométrique), des
carburants et de l’énergie (gaz, fioul, biomasse). L’impact environnemental global de la
fiscalité des véhicules sera examiné en passant en revue chacune de ses composantes au
regard de sa capacité à faire évoluer les comportements.
9. En matière de prévention des pollutions et des risques, la fiscalité doit permettre de réduire
la pollution des eaux douces et marines, afin d’atténuer les coûts de dépollution, les coûts
pour la biodiversité et les coûts pour la santé.
19
Pour renforcer le caractère incitatif de la fiscalité sur les polluants de l’eau, seront notamment
étudiées l’augmentation progressive de la redevance « pollutions diffuses » de manière à
réduire de moitié l’usage des produits phytosanitaires d’ici 2018 et l’évolution de la TGAP sur
les détergents pour réduire les rejets de phosphates et composés du phosphore dans les
milieux aquatiques.
10. La prévention et la valorisation des déchets doivent être améliorées. Le comportement des
ménages ne pouvant évoluer de manière satisfaisante tant que l’usager n’est pas informé du
prix réel de la collecte, une concertation sera menée afin de promouvoir la production d’un
budget annexe dédié au financement du service public des déchets ou d’étendre son
financement par la redevance d’enlèvement des déchets ménagers (REOM). Des adaptations
seront proposées aux TGAP sur le stockage et l’incinération des déchets ménagers, afin de
prolonger et d’accélérer la trajectoire d’augmentation des taux et de limiter les modulations
aux équipements les plus performants. La généralisation de la tarification incitative sera
poursuivie et les mécanismes de responsabilité élargie du producteur seront étendus, en lien
avec une rationalisation du paysage des éco-organismes.
11. En lien avec l’élaboration de la loi-cadre sur la biodiversité et de la loi sur le logement,
l’urbanisme et la ville prévue pour le début 2013, les travaux suivants seront donc conduits :
· Le rôle que la fiscalité relative à l’aménagement peut jouer dans la prévention de
l’étalement urbain (et, par cette voie, dans la lutte contre l’artificialisation des sols)
sera étudié, en lien avec les outils réglementaires de l’urbanisme.
· L’ensemble des usages commerciaux et d’exploitation de la biodiversité et des milieux
terrestres et marins sera répertorié et leur fiscalisation à hauteur des dommages
causés sera mise à l’étude. Dans ce cadre, la révision du niveau des redevances du
domaine public maritime fera l’objet d’une mission conjointe de l’IGF et du CGEDD,
dans la perspective d’une réforme ayant vocation à intervenir en 2014.
12. La redevance pour prélèvements sur la ressource en eau sera aménagée afin de mieux
corréler ses taux à la pression sur la ressource au niveau local et de rééquilibrer la
contribution des différents usagers. En accompagnement de ces réformes, sera en outre
examinée l’opportunité d’instituer une aide à l’accès aux biens essentiels attribués en fonction
des revenus des foyers.
13. Afin d’encourager le recyclage des matériaux et réduire la pression sur la ressource,
l’adaptation du régime de la TGAP sur les matériaux d’extraction sera proposée. Les mêmes
principes guideront la réforme de la redevance domaniale pour les granulats marins. Enfin,
l’instauration d’une TGAP sur le stockage des déchets inertes sera mise à l’étude, afin de
limiter la pression sur les ressources minérales.
14. D’autres instruments peuvent compléter la fiscalité environnementale pour mobiliser des
capitaux privés vers les actions qui répondent aux enjeux de la transition écologique. La
France a entamé une réflexion à ce sujet, qui sera traduite d’ici décembre 2012 dans un Livre
blanc pour le financement de la transition écologique, qui viendra nourrir le débat national
sur la transition énergétique et pourra se traduire par des propositions à la Commission
européenne. Ces propositions seront précédées d’une évaluation objective et partagée des
besoins financiers associés à la transition écologique, prenant en compte les instruments
existants.
20
15. Les dispositifs en faveur des économies d’énergie (certificats d’économie d’énergie, tiers
investisseur) seront développés. Le choix des investisseurs vers des fonds porteurs de
responsabilité environnementale et sociale sera mieux guidé grâce au développement d’une
information fiable, opérationnelle et traçable. Un label ISR sera élaboré.
16. Aux niveaux européen, national et régional, les aides et la commande publiques doivent
soutenir des projets conformes aux objectifs de politique environnementale, notamment ceux
énoncés ci-dessus. A cet effet, les orientations stratégiques des établissements publics de
financements (BPI, Banque des collectivités locales, AFD, Caisse des Dépôts…) comprendront
un volet lié à la transition écologique de l’économie. La BPI sera concentrée, sur une bonne
part de ses activités, sur la conversion écologique du système productif. La France formulera
également des propositions auprès des financeurs européens (Commission, Conseil, Banque
européenne d’investissement…), y compris en termes de marchés publics (réciprocité) et
dans le cadre de la négociation de la directive sur les marchés publics. Elle perfectionnera et
diffusera les outils qui existent déjà à ce sujet au niveau local, notamment pour l’instruction
des fonds FEDER, voire pour les dépenses d’intervention de certaines collectivités.
L’Etat et les régions se mobiliseront pour saisir les opportunités du pacte de croissance
européen et obtenir que les fonds structurels – qui ne sont pas entièrement consommés –
puissent être affectés à des projets énergétiques ou des projets écologiques.
17. La mobilisation de la société passe par la reconnaissance de l’engagement des bénévoles et
du rôle essentiel des associations qui oeuvrent en matière d’environnement. Les dispositions
fiscales en faveur du mécénat seront modifiées pour soutenir l’action des associations en
faveur de la défense de l’environnement naturel à l’étranger, comme c’est déjà le cas pour les
actions à caractère humanitaire.
18. La taxe sur les transactions financières (TTF) et l’affectation des recettes d’enchères de
quotas d’émission constituent une autre voie. Le Président de la République a indiqué à la
conférence Rio+20 son engagement pour la création d’une taxe sur les transactions
financières, et pour que les recettes de cette taxe soient, pour partie, reversées aux objectifs
de développement et au climat. Le produit de la mise aux enchères des quotas d’émissions de
CO2 renforcera les aides aux propriétaires les plus modestes.
21
Fermeture des bars et crues dévastatrices
Pour les médias, la fermeture des bars à Paris et les crues dans les Alpes Maritimes sont les deux catastrophes de la semaine. Si elles traduisent toutes deux la force indomptable de la nature, elles appellent un traitement plus différencié....