Les forêts tropicales représentent près des deux tiers de la biodiversité terrestre. Elles stockent plus de la moitié du carbone de la biosphère. Des études récentes prédisent que dans un environnement enrichi en dioxyde de carbone ( CO2 émis par la combustion de combustibles fossiles) des modifications physiologiques s’opéreraient chez les plantes tropicales. Les hypothèses estiment que le fonctionnement des espèces serait modifié, leur biomasse augmentant et avec elle la séquestration de carbone. Bonne nouvelle espérée : les espèces d’arbres à croissance rapide seraient favorisées par rapport aux espèces à croissance lente et les puits de carbone constitués par les forêts tropicales contribueraient à limiter les effets des émissions atmosphériques de carbone fossile. Un puits de carbone est un système naturel qui permet d’absorber du carbone.
Deux millions d’arbres suivis
Un groupe de recherche international dirigé par le Smithsonian Tropical Research Institute et coordonné par Jérôme Chave, du LaboratoireEvolution et diversité biologique (CNRS/Université Toulouse 3/Ecole nationale de formation agronomique) a testé pour la première fois ces hypothèses. Trente huit chercheurs de quinze pays se sont appuyés sur des inventaires forestiers mis en place depuis le début des années 1980. Les données concernaient plus de 2 millions d’arbres de plus de 1 cm de diamètre appartenant à près de 5000 espèces. Les chercheurs ont défini deux groupes d’espèces : les espèces à croissance rapide et les espèces à croissance lente. Dans chaque parcelle étudiée, ils ont réalisé des bilans de carbone à l’échelle de l’écosystème et pour chacun des groupes d’espèces.
Davantage de carbone séquestré depuis vingt ans
Les conclusions ont été les suivantes. Les chercheurs ont confirmé que la capacité de stockage en carbone avait bien augmenté au cours des deux dernières décennies. Les forêts tropicales anciennes sont donc des puits importants de carbone.
En revanche un second constat est moins positif. Dans tous les sites à l’exception d’un seul, les espèces à croissance lente ont augmenté en biomasse, mais pas les espèces à croissance rapide. Il n’est donc pas clairement évident que les forêts tropicales ont modifié leur fonctionnement sous l’effet du réchauffement climatique des deux dernières décennies, en particulier sous l’effet de l’augmentation de la teneur en carbone de l’atmosphère.
Les forêts tropicales ne pourront pas limiter la concentration en carbone
Les résultats suggèrent plutôt , selon le communiqué du CNRS, que ces forêts sont en train de se
reconstituer après des perturbations passées. La conclusion est la suivante : les forêts tropicales ne pourront pas limiter l’augmentation rapide du dioxyde de carbone atmosphérique pendant encore très longtemps.
L’origine des perturbations des forêts reste un mystère. Une hypothèse parfois avancée est que les hommes ont altéré ces forêts depuis plus longtemps qu’on ne le croit habituellement. Des événements climatiques ou des processus intrinsèques à l’écosystème (par exemple des attaques par des agents pathogènes) auraient pu avoir le même effet.
“ L’observation des variations de long terme dans les sites d’études suggère, note le communiqué du CNRS, notamment que ces forêts sont particulièrement sensibles aux épisodes de sécheresse. Or certains modèles de prévision climatique prédisent une diminution des précipitations sur les forêts tropicales dans les prochaines décennies. Ainsi, même si l’effet des changements climatiques sur le fonctionnement de ces forêts n’est pas démontré dans l’étude, il est probable que cet effet joue un rôle de plus en plus important dans les années futures… Il est donc primordial de poursuivre ces études à grande échelle et de lutter pour la conservation des forêts tropicales“
micheldeprost@free.fr à partir d’un communiqué du CNRS