C’est une formidable leçon d’espoir qu’a donnée Nurjahan Begum, en témoignant lors des Dialogues en Humanité, le « sommet des valeurs » humaines organisé pour la septième fois par le Grand Lyon sous les frondaisons du Parc de la Tête d’Or, à Lyon, depuis ce vendredi midi, jusqu’à dimanche.

Nurjahan Begum, fait partie du groupe qui a fondé en 1976, sous l’impulsion de Mohammed Yunus, économiste, prix Nobel de la Paix en 2006, une banque pour les pauvres qui a tiré de la misère des millions d’habitants.

La situation au Bangladesh il y a trente ans

Il y a trente deux ans, la mobilité des femmes n’existait pas. Elles restaient à la maison et les hommes seuls étaient responsables de la gestion. Les femmes dépendaient de leur père, de leur mari, puis de leur fils, n’avaient rien, pour elles, n’étaient pas libre, ne pouvaient pas souscrire un prêt dans une banque, sans la signature de leur mari, même dans des milieux aisés. Les hommes pouvaient divorcer quand ils le voulaient, les femmes devaient s’occuper des enfants. Les filles étaient mariées de force, à onze ans. La plupart des gens ‘étaient illettrés.

L’action de la Grameen Bank

C’est cette situation que Grameen Bank s’est confrontée. Nous avons décidé de lancer une banque qui accorde des prêts aussi bien à des femmes qu’à des hommes Nous avons formé des groupes de cinq personnes, eux-mêmes réunis en centre de 12 groupes. 0 Soixante les femmes pouvaient se retrouver, parler, mais nous n’avons pas voulu de créer de conflit avec la société. Nous avons travaillé localement, agi par l’exemple, montré comment les femmes pouvaient envoyer les enfants à l’école. Nous avons agi à deux niveaux : montré aux individus qu’ils pouvaient améliorer leur condition, et agi sur le plan collectif, en luttant contre l’ignorance, les superstitions, l’analphabétisme.

Les améliorations concrètes apportées par la Grameen Bank

Nous avons accordé des prêts pour permettre à des femmes d’acheter une vache, de les traire, de vendre le lait, d’acheter une deuxième vache. Nous avons aussi prêté de l’argent pour que des gens puissent construire une maison, acheter quatre poteaux, un toit, et surtout pour qu’ils construisent des toilettes. La construction de toilettes est obligatoire. Les gens allaient faire leurs besoins n’ ‘importe où dans la nature, souillaient l’eau, ne se lavaient pas les mains. Les hommes pouvaient faire leurs besoins n’importe où, le jour, mais les femmes devaient attendre la nuit. Nous avons fait construire des toilettes et nous avons appris aux gens à s’en servir, à se laver les mains.

Des résultats spectaculaires pour les clients de la banque

Des maladies comme la dysenterie ont reculé, des gens peuvent avoir trois repas par jour, une épargne de 50 takkas, des vêtements pour l’hiver. D’une manière générale le statut des femmes a complètement évolué. Elles peuvent emprunter en leur nom, nous leur avons appris à signer, cela les a valorisées. Auparavant, un homme demandait le divorce facilement, la femme était dépendante. Aujourd’hui, les couples de clients de la banque divorcent moins que les autres. Les femmes sont respectées. Avant, quand une femme était malade, l’homme n’allait même pas chercher des médicaments, aujourd’hui des hommes vont chercher des médicaments, et même le médecin.

Cent pour cent des enfants, dans les 10 millions de familles de Grameen Bank sont scolarisés. Nous accordons des prêts pour 25 000 enfants, certains vont à l’université, certains mêmes à l’étranger. Soixante quatre pour cent des personnes clientes de la banque sont sortis de la pauvreté.

Quel impact l’action de la banque a t-elle eu plus largement sur la société

Notre action a contribué à développer le civisme, et 3000 personnes formées par la banque ont été élus lors des récentes élections locales.

Le Bangladesh confronté au changement climatique

Nous souffrons beaucoup d’une action économique du gouvernement tout à fait irresponsable sur le plan de l’environnement. Beaucoup d’industries sont installées dans de mauvaises conditions, polluent des cours d’eau.

Nous souffrons parfois de sécheresse, car l’Inde a créé des barrages qui retiennent les eaux du Gange et du Brahmapoutre lorsque nous en aurions besoin. Les négociations sont difficiles et avancent peu. Nous souffrons aussi du fait que les eaux des forages percés depuis quelques décennies pour ne pas utiliser les eaux de surface, sont polluées par l’arsenic, qui empoisonne une grande partie de la population, provoque des troubles en particulier pulmonaires.

Nous sommes aussi victimes du changement climatique, d’inondations, et de phénomènes météorologiques comme le dernier cyclone.

Recueilli par Michel Deprost

Pour en savoir plus sur les Dialogues en Humanité : http://dialoguesenhmanite.free.fr

Pour en savoir plus sur Grameen Bank: http://www.grameen-info.org/