Le secteur de la construction est l’une des clés du problème climatique, car d’importantes économies de CO2 pourraient y être réalisées. On estime que la moitié de l’énergie consommée dans le monde est consacrée à la construction, à l’utilisation et au recyclage des bâtiments. Dans les Alpes comme dans le reste de l’Europe, les ménages consomment autant d’énergie que le secteur des transports. La majeure partie de cette consommation concerne le chauffage des bâtiments, suivi par la fourniture d’eau chaude. Le mazout et le gaz naturel sont dans ce domaine les deux sources d’énergie les plus importantes.
La maison, véritable centrale électrique
De nos jours, il est facile de réduire les besoins énergétiques d’une maison, ainsi que ses émissions de CO2. Une enveloppe de bâtiment correctement isolée réduit les déperditions de chaleur et assure l’isolation thermique requise. Le chauffage est assuré par l’énergie solaire. Pour que le rayonnement solaire puisse pénétrer par les larges surfaces vitrées et réchauffer l’air intérieur, l’habitation doit être le plus possible orientée vers le soleil.
Il est possible depuis longtemps de construire des maisons qui produisent plus d’énergie qu’elles n’en consomment. Ces habitations deviennent alors de véritables petites centrales électriques. Leur consommation énergétique très faible combinée à l’utilisation d’énergies naturelles renouvelables comme le soleil ou le vent leur permet de produire de l’énergie. De plus, les innovations techniques, par exemple au niveau des systèmes de commande ou des échangeurs thermiques, transforment des installations consommatrices d’énergie en productrices d’énergie (ventilation, chauffage, …).
La rénovation – un potentiel laissé largement en friche
Les constructions qui gaspillent le plus d’énergie sont les bâtiments anciens et mal isolés. Ils constituent la majeure partie du parc existant dans les Alpes. Dans les années 60 et 70, l’Europe a connu un boom immobilier qui a entraîné la construction de bâtiments pour la plupart de mauvaise qualité au plan énergétique.
Dans le Tyrol du Sud par exemple, environ 60 % du parc immobilier existant, soit 150 000 unités d’habitation, ont été construits durant ces années. On essaie aujourd’hui de corriger le mauvais bilan énergétique de ces constructions : l’agence CasaClima de Bolzano en Italie conseille les maîtres d’ouvrage en amont de la décision de rénovation. Par ailleurs, les caisses mutuelles agricoles Raiffeisenkassen du Tyrol du Sud proposent depuis juillet 2009 sous le titre « Economiser l’énergie » un conseil complet sur toutes les questions liées au financement de la réhabilitation des bâtiments. Ces deux mesures facilitent aux maîtres d’ouvrage les rénovations de bâtiments anciens, et contribuent ainsi de manière essentielle à la lutte contre le changement climatique.
Rénover porte ses fruits
La rénovation énergétique d’un vieux bâtiment, si elle est planifiée correctement et exécutée soigneusement, contribue à la lutte contre le changement climatique, mais est aussi intéressante pour les propriétaires. L’ancien bâtiment de la poste de Bozen en est la preuve : les coûts élevés d’investissement ont été amortis en cinq ans seulement, grâce à une économie annuelle d’environ 85 000 euros réalisée sur les frais de chauffage. Par ailleurs, le bâtiment a vu sa valeur s’accroître, et ses occupants sont satisfaits. Le nombre énorme de bâtiments en mauvais état et très énergivores constitue, pour les prochaines années, un gigantesque terrain d’action.
Dans certaines régions des Alpes, élus et représentants de l’administration ont décidé de construire leurs bâtiments dans le respect de la norme Maison passive. Ces réalisations constituent des modèles pour les autres communes et pour les particuliers : elles contribuent à combattre les préjugés existants, et incitent les maîtres d’ouvrage à suivre leur exemple.
La commune de Mäder dans le Vorarlberg en Autriche est une commune modèle en matière d’environnement. Des économies d’énergie y sont réalisées partout où cela est possible. La rénovation de bâtiments communaux comme l’école primaire et l’école maternelle a fait appel aux techniques les moins gourmandes en énergie et les moins polluantes. Le centre scolaire et culturel est ainsi chauffé à plus de 90 % grâce à la biomasse. A Mäder, les nouveaux bâtiments communaux doivent obligatoirement être construits selon la norme Maison passive. Quiconque achète un terrain pour y construire un bâtiment énergétiquement efficient bénéficie d’une remise sur le prix au mètre carré.
Mäder n’est pas la seule commune du Vorarlberg à suivre ce chemin. Un grand nombre de centres communaux ont déjà été construits en bois régional et rayonnent au-delà des frontières régionales. Ces bâtiments reçoivent régulièrement la visite d’architectes, d’élus et d’autres personnes intéressées originaires d’autres pays alpins. La commune française de Saint-Jean d’Arvey par exemple, a réalisé son centre communal, qui abrite aussi la crèche du village, selon le modèle du Vorarlberg.
Tout est-il aussi simple qu’il y paraît ?
La construction et la rénovation énergétiquement efficientes créent des emplois et sont rentables pour les maîtres d’ouvrage : la réduction de la consommation énergétique est intéressante financièrement. Il en va autrement pour le secteur qui profite des énergies fossiles, et souvent aussi pour les producteurs d’énergies renouvelables : ils ne souhaitent pas voir la consommation diminuer, mais leur chiffre d’affaires augmenter. Pour le lobby du pétrole notamment, les bâtiments énergétiquement efficients représentent une menace économique.
Même les installations photovoltaïques ne sont pas les bienvenues partout. Elles fournissent une énergie propre, certes, mais elles peuvent aussi constituer une nuisance pour le paysage et les villages si elles sont installées en trop grand nombre sur des zones exposées.
Une maison passive n’a pas forcément que des avantages. Construite en pleine campagne, elle contribue au mitage du paysage. Si, en plus, ses habitants ont besoin de leur voiture pour se rendre à leur travail, faire leurs courses et pratiquer leurs loisirs, la mobilité et les émissions de CO2 augmentent.
Une volonté politique est nécessaire
Il paraît tellement facile d’exploiter le potentiel laissé en friche dans le secteur du bâtiment qu’on peut se demander pourquoi ne décide-t-on pas de construire uniquement des bâtiments producteurs d’énergie. Le savoir-faire technique existe. Mais les architectes, charpentiers et autres artisans n’osent souvent pas se lancer dans la réalisation de maisons passives ou de maisons Minergie-P. Il subsiste en outre des barrières politiques. Les politiques sont donc invités à revoir les législations du bâtiment dans les pays alpins de manière à ce que tous les bâtiments neufs soient désormais construits obligatoirement selon la norme internationalement reconnue de la maison passive.
Des logements sociaux énergétiquement ultra-efficients : tel était le projet de Georges Bescher, maire de la commune alpine française de La Terrasse ( note de la rédaction : en Isère). Plusieurs voyages d’étude ont permis aux élus communaux et à des architectes de découvrir l’architecture du Vorarlberg, qui s’est forgé une réputation au-delà des frontières régionales grâce à sa méthode de construction en bois régional, dans le style des maisons passives. Les participants ont appris comment gagner le soutien de la population pour un projet aussi peu conventionnel ; les maisons en bois ne sont pas habituelles à La Terrasse, ni les grandes baies vitrées et les installations photovoltaïques sur les toits.
Les architectes, un bureau d’études spécialisé dans le bois et un thermicien ont aussi découvert comment concevoir une maison pour que la température ne descende pas sous les 19°C en hiver. Elle doit être étanche à l’air, bien isolée et les baies vitrées doivent être orientées au sud. La solution ? Construire des « toits froids » : une zone faisant office de tampon thermique entre le toit en tuiles non isolé et les combles isolés en fibre de bois de 40 cm d’épaisseur, ainsi qu’un refroidissement de l’air assuré par un puits de saumure qui utilise la température plus fraîche du sol. A cela s’ajoutent des fenêtres à triple vitrage qui protègent du froid en hiver et de la chaleur en été.
Réalisée au printemps 2009, essentiellement en bois régional, « La Petite Chartreuse » comprend un ensemble de deux bâtiments pour six logements sociaux. Toute la commune est aujourd’hui fière de ces maisons qui sortent de l’ordinaire et qui font beaucoup parler de La Terrasse. Ces bâtiments sont uniques en France. Ce sont les premiers à porter le label MINERGIE-P ®. « La Petite Chartreuse » a même reçu deux prix prestigieux de la filière bois : «Trophée bois» et «Lauriers du bois».
Banque de données contenant des actions climatiques exemplaires :
http://www.cipra.org/de/cc.alps/ergebnisse/good-practice
Banque de données présentant des bâtiments exemplaires au plan énergétique :
http://www.cipra.org/de/climalp/gute-beispiele
L’intégralité du compact CIPRA consacré à la construction et à la rénovation face au changement climatique peut être téléchargée depuis http://www.cipra.org/de/cc.alps/ergebnisse/compacts.
Le projet cc.alps en bref
Le projet « cc.alps – changement climatique : penser plus loin que le bout de son nez ! » est porté par la Commission internationale pour la protection des Alpes – CIPRA – et financé par la Fondation MAVA pour la nature. Avec ce projet, la CIPRA contribue à ce que les actions climatiques engagées dans l’espace alpin respectent le principe du développement durable.
Dans le cadre de cc.alps, 11 compacts sont en cours d’élaboration sur les thèmes de l’énergie, la construction de logements, la protection de la nature, les risques naturels, l’autarcie énergétique des régions, le tourisme, l’aménagement du territoire, les transports, l’agriculture, la sylviculture et l’eau. Ils seront eux aussi prochainement mis à disposition sur www.cipra.org/cc.alps.
climalp en bref
Le projet « climalp – des maisons efficientes au plan énergétique en bois régional pour le confort de vie, la lutte contre le changement climatique et la promotion de l’économie locale » est porté par la Commission Internationale pour la Protection des Alpes – CIPRA -, et financé par le Liechtenstein. Avec ce projet, la CIPRA veut montrer à un large public que les maisons à haute performance énergétique en bois régional permettent de lutter contre le changement climatique tout en dynamisant l’économie régionale.
Plusieurs d’informations sous : www.cipra.org/fr/climalp .