Plusieurs spectres hantent l’Europe, menaçant cette institution qui assure depuis 1956 la paix entre les Etats membres. Le plus dangereux est celui de l’ignorance de ce que l’Europe a apporté à la réunion de pays de plus en plus nombreux. L’Europe a permis à des centaines de millions d’habitants du continent de se défaire des dictatures, de la Grèce au Portugal en passant par l’Espagne, de la République Tchèque aux républiques baltes en passant par la Hongrie. Sans Europe, la plupart de ces pays seraient inévitablement retombés dans l’arbitraire, la corruption, les mafias, le nationalisme, la guerre.
Un spectre jumeau du premier est celui de l’individualisme des citoyens comme des nations. Paradoxalement, le niveau de bien-être et de liberté acquis grâce à l’Europe permet à beaucoup de croire qu’ils peuvent se passer de l’Europe. Ceux qu’on appelle les “complotistes” tendent même à nier la réalité. Pour eux l’Europe n’aurait rien apporté, ne serait qu’un frein, et serait même la source de tous les maux.
Il y a urgence à dire, sur ce point aussi, la vérité face aux mensonges (1). Et pour ne parler que de vie quotidienne, il y a urgence à rappeler ce que l’Europe a apporté à la moyenne des pays qui la constituent. L’Europe a apporté à bien de ses citoyens ce que quelques pays riches et bien gérés, ont apportés aux leurs.
Dans le domaine du développement local, économique et social, dans le développement des régions, l’Europe a apporté des fonds structurels pour soutenir des projets, des initiatives en milieux rural. Dans le domaine de l’environnement, l’Europe a fait progresser la qualité de l’eau, la qualité des rivières, la qualité de l’air. Dans le domaine de la santé, elle a garanti la prise en compte des risques chimiques, fait progresser la sécurité des médicaments et des aliments. Dans le domaine de la biodiversité, elle a incité à protéger les habitats, les espèces d’oiseaux. Elle soutient de grandes infrastructures destinées à unir une Europe continent, comme la liaison sud européenne passant par la future ligne Lyon-Turin.
Certes en même temps, l’Europe a joué la carte d’une modernisation qui a entraîné des dérives. Une agriculture parfois trop productiviste a généré des impacts négatifs sur la biodiversité, appauvri la diversité végétale, mis à mal des insectes, des oiseaux.
L’Europe n’a pas pu faire à la place des Etats qui refusaient d’agir, mais elle les a aiguillonnés. A quelques semaines d’un scrutin européen déterminant, il faut faire sortir l’Europe du brouillard dans lequel certains l’enferment. Il ne faut pas oublier que des puissances cherchent à l’affaiblir : à l’Ouest, les Etats-Unis isolationnistes qui veulent moins assurer sa sécurité ; à l’Est, une Russie aux visées hégémoniques sur les régions limitrophes, le monde slave orthodoxe, les marges turcophones, les rives baltes.
Pour mettre l’Europe en lumière, les relais de l’action européenne en Auvergne-Rhône-Alpes doivent informer. Les députés d’abord, non pas seulement les eurodéputés mais tous les parlementaires. Mais aussi et surtout, les collectivités, intercommunalités, entreprises, associations qui ont bénéficié du soutien de l’Union. Les petits drapeaux bleus étoilés de bas de page et de panneaux ne suffisent pas.
La Région Auvergne-Rhône-Alpes doit être en première ligne pour l’information. C’est elle qui gère les fonds structurels européens, reçoit des demandes de subventions, et soutient ainsi des projets. Relais, la région doit être témoin. Il est même regrettable que la Région n’ait pas de vice-président en charge de l’Europe ! Il n’y a là aucune suggestion de diplomatie régionale. La Région serait bien inspirée de mettre en place une information sur son action européenne qui n’est pas qu’un rôle de guichet. Histoire de faire reculer les spectres également mortels de l’ignorance et du nationalisme qui nous hantent.
L’Europe est partenaire, et non pas étrangère.
- Le mot mensonge signifie : assertion sciemment contraire à la vérité, destinée à tromper. (Dictionnaire Le Robert).
