En multipliant les annonces relatives à la création de nouvelles taxes et incitations fiscales à vocation écologique, le ministre de l’Ecologie tente de réorienter une société de consommation énergivore et climaticide vers plus de sobriété et de durabilité. Cette stratégie fiscale empreinte d’une volonté politique est accueillie avec satisfaction par Agir pour l’Environnement car elle sera potentiellement vectrice de changements profonds dans nos modes de consommation.
L’impact du bonus-malus à l’achat de véhicules moins polluants est à cet égard édifiant. En moins d’un an, ce nouvel outil fiscal a accru les ventes des véhicules moins émetteurs de CO2 tout en envoyant un signal « prix » qui a érodé significativement l’achat des automobiles les plus consommatrices de carburant.
Fort de cette réussite, Jean-Louis Borloo annonce régulièrement la création d’outils fiscaux similaires à ce bonus-malus, à l’instar de cette taxe « pic-nic » frappant les produits jetables ou ce bonus-malus kWh incitant les usagers à reportant certains usages électriques afin de lisser les pics de consommation particulièrement carbonés. L’ensemble de ces initiatives est en soit une bonne chose mais requiert un travail d’explication en amont des décisions afin que ces dernières soient comprises et partagées.
Or, les annonces successives et brouillonnes, du ministre obèrent les chances de rendre ces nouveaux outils fiscales populaires. La forme, dans ce type de réformes, compte autant que le fond ; l’explication nécessaire, fondamentale, doit accompagner la création d’outils fiscaux qui ont et auront un impact significatif sur les consommations quotidiennes de millions de gens. Agir pour l’Environnement constate avec inquiétude qu’en égrenant chaque jour une nouvelle taxe ou une nouvelle incitation fiscale, le ministre de l’Ecologie rend illisible une politique qui aurait pue et due l’être.
Ecologie et punitions financières
En transformant une politique cohérente en une longue litanie fiscale, Jean-Louis Borloo prend le risque d’associer dans l’esprit du grand public « écologie » et « punitions financières ». Pire, sous la pression du ministre du budget, l’objectif d’atteindre un certain équilibre budgétaire se mue en dogme intangible et s’appliquerait avec rigueur à chaque chapitre et ligne budgétaire de tous les ministères. C’est ainsi que la création d’un bonus-malus se doit d’être équilibrée budgétairement… alors même que le malus a vocation à dissuader l’achat antiécologique et ne peut décemment alimenter le financement du bonus. Dans les faits, le tropisme d’un bonus-malus équilibré est un non-sens qu’il s’agit de dénoncer.
La multiplication de ces taxes aura nécessairement une incidence certes limitée mais réelle sur les finances de l’Etat. Il faut assumer ce déséquilibre marginal au regard du budget général de l’Etat, au risque de devoir adapter par à-coups, un outil fiscal qui a besoin de stabilité pour être lisible par le grand public.
Le caractère incertain de cette réforme fiscale en limite l’ampleur car l’explication globale est morcelée par une série d’annonces qui apparaissent comme toutes plus décousues les unes que les autres. L’absence de concertation avec les acteurs de la société civile, menant à cette réforme, explique, pour partie, ce qui apparaît de plus en plus comme un amoncellement de nouvelles taxes et incitations fiscales sans liens tangibles.
Agir pour l’Environnement déplore que l’intérêt fondamental de la fiscalité écologique ne fasse pas l’objet d’une grande campagne d’information. L’association considère qu’on n’annonce pas la création d’une nouvelle taxe/incitation comme on lance un ballon d’essai. La gestion de l’Etat réclame un peu plus de rigueur et de participation des acteurs engagés. Par impréparation, cette amorce de fiscalité écologique donne l’impression que seules les couches modestes seraient frappées, à l’image de cette taxe « pic-nic ». Il est urgent qu’aux annonces désordonnées fassent place une mise en perspective politique qui redonne du sens à cette fiscalité écologique.
Le bonus est une aide à l’achat de produits écologiques, qui permet un gain écologique tout en améliorant le pouvoir d’achat des ménages en réduisant le coût d’acquisition et de fonctionnement de l’objet écologique acheté. En occultant le bénéfice escompté, le ministre prend le risque bien réel de reproduire avec la généralisation bonus-malus le bug de la TVA « social ». Si tel était le cas, ce serait une formidable occasion manquée, par impréparation et amateurisme. Agir pour l’Environnement appelle donc le ministre à un peu plus de responsabilité, de concertation et d’explication
Stéphen KERCKHOVE