La production d’hydrogène par de l’eau représente une solution pour stocker l’énergie électrique. Des piles à combustible permettent en recombinant l’hydrogène et l’oxygène de produire de l’électricité et de l’eau.
Mais l’hydrogène doit pouvoir être séparé de l’oxygène de l’eau avec un rendement énergétique intéressant. L’électrolyse de l’eau requiert des catalyseurs contenant des métaux « nobles » comme le platine. La rareté et le coût de ces métaux sont des freins au développement économique de la filière hydrogène sur le long terme.
En remplaçant le platine par des matériaux comportant du cobalt les chercheurs du CEA, du CNRS et de l’Université Joseph Fourier ont trouvé des pistes très intéressantes.
L’un peut fonctionner en solutions aqueuses de pH2 neutre.
Le second constitue le premier matériau catalytique « commutable »3 et sans métaux nobles jamais créé capable d’intervenir dans les deux réactions chimiques essentielles à l’électrolyse de l’eau : la production d’hydrogène et la production d’oxygène.
Les chercheurs ont étudié des phénomènes chimiques à l’oeuvre dans le vivant, en s’inspirant des démarches de la chimie bio-inspirée.
Certains organismes possèdent des systèmes enzymatiques, appelés hydrogénases, qui utilisent exclusivement des métaux peu coûteux et abondants soit pour utiliser l’hydrogène comme source énergétique, soit pour produire de l’hydrogène à partir d’eau. Depuis plusieurs années, les chercheurs s’inspirent de ces enzymes pour élaborer de nouveaux catalyseurs moléculaires, sans platine, à base de métaux peu coûteux et abondants comme le fer, le nickel, le cobalt ou le manganèse.
1Laboratoire de chimie et de biologie des métaux (unité mixte CEA/CNRS/Université Joseph Fourier) – IRTSV (Institut de recherches en technologie et sciences pour le vivant) – Iramis (Institut rayonnement et matière à Saclay) – CEA-Liten – CEA-Leti (DTBS, département des micro-technologies pour la biologie et la santé).
Pour être utilisables dans des dispositifs technologiques, ces catalyseurs synthétiques doivent être fixés en très grande quantité sur des électrodes présentant une surface disponible importante.
En 2009, des équipes de chercheurs du CEA, du CNRS et de l’Université Joseph Fourier ont réussi à immobiliser un de ces catalyseurs bio-inspirés, à base de nickel, sur des nanotubes de carbone. Mais ce matériau n’est actif qu’en milieu fortement acide. Or, l’électrolyse implique deux réactions : production d’hydrogène et production d’oxygène, et pour pouvoir s’affranchir du platine dans les deux cas, il faut pouvoir travailler dans des conditions de pH neutre à basique.
En développant un catalyseur bio-inspiré, à base de cobalt, les mêmes équipes ont obtenu un matériau capable de fonctionner dans des solutions aqueuses de pH neutre. L’activité catalytique obtenue s’avère extrêmement stable sur le long terme.
Les chercheurs ont aussi mis au point un autre matériau, également à base de cobalt. Ce matériaux est constitué de nanoparticules de cobalt enrobées d’un oxo-phosphate de cobalt. Ce matériau fonctionne dans l’eau de pH neutre. Il existe sous deux formes entre lesquelles il peut commuter et qui catalysent soit la production d’hydrogène (H2), soit l’autre réaction essentielle au processus d’électrolyse, à savoir la production d’oxygène (O2) à partir d’eau. Il s’agit du premier matériau catalytique “commutable” ou “Janus”4 non basé sur des métaux nobles. Tout en s’affranchissant de platine, il est capable de catalyser de manière extrêmement stable la production d’hydrogène à partir d’eau de pH neutre.
Les chercheurs travaillent à l’intégration des matériaux dans un système global de photosynthèse artificielle, permettant de produire de l’hydrogène de manière totalement renouvelable, à partir d’eau et d’énergie solaire.
Ces résultats font l’objet de publications dans les revues Nature Materials et Nature Chemistry.
Références:
E. S. Andreiadis, P.-A. Jacques, P. D. Tran, A. Leyris, M. Chavarot-Kerlidou, B. Jousselme, M. Matheron, J. Pécaut, S. Palacin, M. Fontecave, V. Artero, Molecular Engineering of a Cobalt-based Electrocatalytic Nano-Material for H2 Evolution under Fully Aqueous Conditions, Nature Chemistry (2012) in press.
DOI: 10.1038/NCHEM.1481
S. Cobo, J. Heidkamp, P.-A. Jacques, J. Fize, V. Fourmond, L. Guetaz, B. Jousselme, R. Salazar, V. Ivanova, H. Dau, S. Palacin, M. Fontecave, V. Artero, A Janus cobalt-based catalytic material for electro-splitting of water, Nature Materials 11 (2012) 802.
DOI: 10.1038/nmat3385