Loïc le Floch Prigent était au début du mois de juillet l’invité d’Ingénierie@Lyon, Institut Carnot installé sur le campus de la Doua, pour s’exprimer sur la transition énergétique. L’énergie de demain sera la moins chère et devra répondre aux besoins du plus grand nombre, c’est la conviction de Loïc Le Floch Prigent pour qui les énergies fossiles n’ont pas dit leur dernier mot.
‘’C’est plus compliqué que ça’’, c’est le leitmotiv de Loic le Floch Prigent. Celui que François Mitterrand appelait ‘’le mouton noir’’ revendique ce qualificatif dans le livre autobiographique retraçant ses 40 ans de carrière entre Etat et entreprises publiques. Il n’hésite pas à parler à contre courant, à provoquer, à bousculer les idées reçues, notamment en matière de politique énergétique et environnementale.
Diplômé de l’Institut National Polytechnique de Grenoble, Loic le Floch Prigent a travaillé pendant une quinzaine d’années dans les rouages d’administrations en charge des questions de recherche scientifique et technologique avant d’être directeur de cabinet du ministre de l’industrie Pierre Dreyfus en 1981.
C’est là qu’il a dû confronter ses convictions d’ingénieur aux politiques à qui il reproche de ne pas pousser assez loin l’étude des problèmes dans une approche scientifique et technologique, en privilégiant des approches sociétale, politique et financière .
Le Floch Prigent, remet en cause les modes, les emballements. Le pétrole, le gaz ? On les enterre trop vite rappelle celui qui redressa Rhône-Poulenc de 1982 à 1986. Les hydrocarbures, on ne peut en prévoir précisément la fin. C’est le prix qui détermine le choix de l’énergie. Plus l’énergie est chère, plus on la cherche loin. C’est ce qui est arrivé quand après le premier choc pétrolier : on a foré en Afrique et en Mer du Nord. C’est ce qui a poussé à chercher plus profond en mer, à explorer puis exploiter les hydrocarbures de roches-mères. Le bouleversement provoqué par les gaz de schistes, montre bien que la courbe du prix de l’énergie n’est pas lisse et inéluctablement réglée par son épuisement.
« L’énergie de demain est la moins chère. », autre provocation qui prend à contre-pied une autre évidence, la montée inexorable du prix de l’énergie. C’est effectivement le cadre dans lequel on a longtemps pensé. Mais c’est cette même perspective de la montée sans fin du prix de l’énergie qui permet les ruptures jusqu’à ce que le relais soit pris par une énergie de substitution. C’est bien ce qui se passe avec les énergies renouvelables, encore onéreuses, qui ne s’imposeront qu’en faisant la preuve de leur compétitivité.
Mais tout cela prend du temps et ne se réalise pas d’un coup de baguette magique. Pour les avoir dirigées, Le Floch Prigent connaît l’inertie des grandes entreprises, la lenteur des virages stratégiques, la difficulté des décisions qui entrainent les choix de long terme, les investissements colossaux à consentir.
Il se méfie des visionnaires dogmatiques comme Rifkin, qui croit trop vite aux vertus d’une énergie décentralisée, gérée par des réseaux intelligents, interconnectés et coordonnés, n’offrant donc, paradoxalement, aucune échappatoire au contrôle et à la centralisation de la connaissance et de l’information.
Critique du pouvoir financier
Technicien, technologue, il regarde d’un œil critique le pouvoir financier, sous l’impulsion de la statistique et du profit immédiat, se fourvoyer dans des voies hasardeuses et bousculer en un instant des équilibres longuement et chèrement établis.
Celui qui fut président d’empires tels qu’ELF Aquitaine, la SNCF, EDF, n’élude pas non plus la complexité du jeu des intérêts souterrains, des résistances dans le traitement des grands enjeux. Sans doute marqué et façonné par son itinéraire prestigieux et tumultueux, il a pu prendre un certain recul pour aborder les grands débats. Il peut aller jusqu’à remettre en cause la réalité du changement climatique, la part de responsabilité du carbone et de l’activité humaine. Breton, marin, terrien, pragmatique, il préfère le granit des faits, aux dogmes produits par des modèles.