Maïs MON 810: une étude pointe l’action propre de la protéine Bt modifiée

L’étude a été commandée par l’association Res’OGM et financée par la Région Rhône-Alpes. Lilian Ceballos, pharmacien et écologue, y expose d’une manière claire selon nous, sa démarche.


Il explique d’abord que les risques identifiables liés au déploiement du maïs BT sont de trois ordres. Ce sont des risques sur les insectes non cibles et la biodiversité. Il y a des risques de flux de gènes, qui allant de plants de l’espèce modifiée, peuvent aller vers des plantes sauvages de la même espèce, avec le risque de transmission du caractère “greffé”. Enfin, il y a des risques de résistance des organismes cibles. En clair, la pyrale ( contre laquelle lutte le maïs modifié) est capable de s’adapter, déclenchant une spirale sans fin nécessitant la mise au point de nouveaux plants résistants.



Une probabilité accrue




Lilian Ceballos rappelle d’abord, citant d’autres chercheurs, ce qu’est un risque. Un risque est « la probabilité que des effets adverses proviennent d’un risque environnemental (dans ce cas, la plante transgénique et le produit du transgène)”. Il composé de la probabilité que l’environnement soit exposé au risque (évaluation de l’exposition) et de la probabilité conditionnelle que l’effet adverse se produise, suite à l’exposition (évaluation des effets) ». Or, la culture en plein champ de plantes Bt sur des surfaces de plus en plus considérables augmente la probabilité d’exposition des organismes non cibles directement à la toxine ou indirectement via le flux génique.



Aller au-delà de la toxicité aigüe



L’auteur explique aussi qu’il faut aller au-delà de la toxicité aigüe, pour avoir une vision d’ensemble en prenant en compte les pollinisateurs, ennemis naturels des ravageurs et parasitoïdes


Lilian Ceballos rappelle ensuite que Bacillus thuringiensis est une bactérie du sol qui se rencontre dans plusieurs environnements riches en insectes. Cette bactérie produit toute une gamme de protéines, chacune ayant une activité insecticide spécifique d’un groupe d’espèces (ordre) . Les protéines Cry1 et Cry2 sont actives sur les Lépidoptères et/ou de Diptères. Les toxines Cry3 le sont sur les Coléoptères. Les toxines Cry4 e sont sur les espèces de Diptères.


Lilian Ceballos rappelle aussi que les toxines sont sécrétées par les bactéries sous forme de


précurseurs inactifs ou protoxines. Pour être activées, elles doivent subir un processus dans l’intestin de l’insecte cible. Grâce à leur spécificité d’action chez les insectes et à leur inactivité chez les vertébrés les formulations combinant spores bactériennes et protéines Bt sont autorisées en agriculture biologique depuis les années 1970. Elles sont une alternative aux insecticides chimiques à large spectre ( détruisant de nombreuses espèces d’insectes, ce qui pose problème). Elles sont devenues les insecticides biologiques les plus utilisés dans le monde. Aussi, l’agence américaine de protection de l’environnement ( EPA, Environment Protection Agency) a considéré que la spécificité et la faible toxicité des protéines Bt constituaient un « bien public ». Et c’est même pour préserver l’efficacité de ces toxines naturelles, en évitant l’évolution de résistance chez les insectes cibles que l’EPA exige l’adoption de la stratégie HDR (Hautes Doses/Refuges) pour toutes cultures Bt. Concrètement, il faut conserver dans un champ, une partie non traitée, afin que demeure une population d’insectes cibles non-résistante…



Une plante insecticide




L’invention du Maïs Bt est partie de ce constat. L’insertion du gène Bt dans les plantes cultivées a permis de développer des plantes dont l’activité insecticide est supposée ciblée en raison de la spécificité d’action des protoxines Bt. Ces plantes « qui se défendent » ont été présentées comme un progrès par rapport aux insecticides chimiques à large spectre.



Cependant, rappelle Lilian Ceballos, un examen rigoureux montre que la séquence du gène inséré dans les plantes est tronquée. Les toxines sécrétées par la plante modifiée ne sont pas identiques aux protoxines bactériennes. Monsanto l’explique d’ailleurs dans sa documentation sur la construction génétique du Mon810. La séquence est une séquence Bt modifiée et la protéine synthétisée par le maïs est la toxine activée.


Activées dans l’intestin des insectes,les toxines ” naturelles” se fixent à des récepteurs et provoquent la formation de pores, ce qui entraîne la mort de l’insecte cible. Chez un insecte non cible ce mécanisme d’activation est interrompu dés la première étape. La solubilisation de la protoxine n’a pas lieu à cause du pH intestinal. Le fait que les plantes Bt produisent les toxines végétales sous forme solubles et actives influe sur l’activité et la spécificité des protéines synthétisées puisque l’activation des toxines ne dépend plus des conditions intestinales spécifiques à l’insecte cible.



Un spectre élargi



Ces différences entre protoxines bactériennes ( naturelles) et toxines végétales ( secrétées par la plante modifiée) provoquent un élargissement du spectre d’activité des toxines Bt. La


toxine Cry1Ab du maïs Mon810 est active sur la pyrale et la sésamie alors que la protoxine bactérienne ( naturelle) Cry1Ab est inactive sur la sésamie.


L’évaluation des risques environnementaux des cultures Bt sur les insectes non cibles reste


problématique en raison de la complexité des interactions et des milieux. « Dans cette étude,


nous nous sommes concentrés sur l’impact des cultures Bt sur les groupes d’insectes


remplissant des fonctions écologiques essentielles comme la pollinisation, le contrôle


biologique ou le recyclage de la matière organique » . Ces fonctions constituent des « services


écologiques gratuits » dont la perturbation aurait des conséquences économiques dramatiques


sur l’agriculture. La pollinisation en particulier est capitale pour l’agriculture: les abeilles sont essentielles pour la pollinisation de plus de 90 cultures fruitières et maraîchères dans le monde. La valeur économique de l’abeille s’élève à plus de 14,6 milliards de dollars aux U.S.A.


Dans un premier temps, rappelle Lilian Ceballos, en raison de l’absence relative d’impacts environnementaux des formulations Bt sur les insectes non cibles, les scientifiques ont estimé que les plantes Bt auraient un impact mineur sur l’entomofaune associée, c’est à dire sur les autres insectes. Cependant, à la même époque, des publications sur les effets non intentionnels des cultures Bt sont apparues. Lilian Ceballos note les insuffisances et les lacunes de l’évaluation des risques environnementaux des cultures Bt : dans de nombreux tests, les insectes non cibles ne sont pas directement exposés aux toxines des plantes Bt. Il existe des


différences biochimiques entre toxines bactériennes et végétales, ce qui implique que


l’utilisation de formulations bactériennes pour les tests se révèle trompeuse.




Deux protéines différentes



Lilian Ceballos explique qu’aux Etats-Unis même, les deux protéines, la protéine naturelle et la protéine « industrielles » ont été assimilées dans leurs effets possibles. Or, en dehors même de leur mode d’action sur les insectes, les différences sont de plusieurs ordres. D’abord, la protéine naturelle est rapidement dégradée par les rayons ultraviolets car elle est appliquée d’une manière externe. Les concentrations sont aussi plus faibles lors des utilisations en agriculture biologique


« Des chercheurs ont ainsi calculé que le maïs Bt MON 810 produit 1500-3000 fois plus de toxine Cry1Ab que la dose de toxine Cry1Ab correspondant à un traitement unique avec DIPEL® (Skelacs et al. 2005 & 2006) » . Les protéines « artificielles » demeurent plus longtemps dans le sol, et elles sont mêmes susceptible d’être transportées par l’eau et les cours d’eau.



Approche globale et approche étroite



Globalement, Lilian Ceballos met aussi en débat deux approches. Il oppose une approche « étroite », limitée à certains aspects de l’introduction du gène à une approche large qui « exige que l’on considère les effets indirects (effets non intentionnels) » Une approche étroite rassure en quelque sorte par l’absence d’effets connus à court terme. « Cette perception pour le moins mécaniste du fonctionnement des écosystèmes souffre de nombreuses critiques et ne résiste pas à un examen approfondi des conséquences de l’introduction des PGM dans les milieux naturels. L’accent mis sur le produit isolé du transgène revient à appliquer une démarche écotoxicologique basée sur le modèle pesticide »



Pour le pharmacien, les conclusions sontr claires: “ une évaluation scientifique sérieuse de l’impact environnemental des PGM devrait donc intégrer tous ces aspects de la complexité des écosystèmes en étudiant les effets intertrophiques ( note de la rédaction: entre espèces) , la diffusion des toxines Bt par les déchets végétaux, les exsudats racinaires, la


rétention de l’activité insecticide du sol. … “. Il poursuite: ” plus de dix années de cultures Bt ont donné lieu à de nombreuses publications portant sur des effets non intentionnels de la modification génétique et sur les conséquences globales que ces cultures ont sur l’environnement. Ces auteurs concluent que « les tests de laboratoire ne constituent en aucun cas un scénario ‘catastrophe’ et ne sont souvent pas écologiquement réaliste: ils fournissent typiquement de la nourriture ad libitum, pas de choix des proies, un seul type de proies, aucune combinaison de facteurs de stress et températures généralement uniformes ». Rien de cela n’est représentatif des conditions au champ qui pourraient pourtant être mimées dans des tests de laboratoire plus complexes.


Un point final qui mérite considération, pour Lilian Ceballos, est le niveau de base acceptable de mortalité dans les contrôles d’expériences de laboratoire. Un certain niveau de mortalité, provoquée par les conditions artificielles du laboratoire, est inévitable. Un taux de mortalité d’environ 15 à 20% peut être considéré comme acceptable, tandis que plusieurs expériences rapportaient une mortalité bien plus élevée des groupes contrôle



Comparaison avec les cultures traitées traditionnelles




Enfin, l’évaluation de l’impact environnemental des PGM sur l’abondance relative des


groupes d’insectes en plein champ se fait souvent par comparaison avec un champ


conventionnel traité par des insecticides chimiques, ce qui permet aux auteurs de conclure que


l’abondance relative des insectes est plus grande dans les champs Bt. Ce résultat n’est pas


étonnant puisque l’on sait pertinemment que les insecticides chimiques utilisés ont un spectre


large et que leur impact sur les insectes est moins ciblé que celui des toxines Bt. Par contre par rapport à des champs non traités, l’abondance relative des insectes non cibles est moins grande dans les champs Bt. Il y a donc bien un impact des toxines Bt produites par les PGM sur l’abondance des insectes au champ.


Pour Lilian Ceballos, la comparaison à un témoin nul (pas de traitement) est pourtant essentielle pour évaluer la biosécurité des plantes transgéniques : cette absence de témoin nul est méthodologiquement inacceptable d’autant que l’Institut Rodale montre depuis des décennies la validité des performances de l’agriculture biologique. Cette absence de témoin nul ne permet pas d’évaluer l’éventuelle toxicité intrinsèque des plantes GM mais seulement de la comparer à la


toxicité de substances toxiques connues.



michel.deprost@enviscope.com


Pour en savoir plus et lire l’étude dans son intégralité:


www.resogm.org


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