Les propositions de la Chambre de commerce et d’industrie de Lyon mettent en avant la nécessité de construire encore de nouvelles infrastructures en particulier autoroutières, autour d’une agglomération déjà fortement congestionnée. Elles font abstraction du renchérissement du coût de l’énergie, de la nécessité de contrôler des émissions de CO2. Ne sont-elles pas incohérentes avec une vision de l’économie que beaucoup imaginent en grande partie différente ?
L’agglomération lyonnaise est un carrefour, nous ne voulons pas que l’agglomération soit un énorme bouchon, il faut créer de nouvelles infrastructures pour que tout circule mieux autour de l’agglomération, car de très nombreuses activités et de nombreux emplois en dépendent. Nous allons d’ailleurs avec Gérard Collomb, engager une réflexion sur la globalité des infrastructures dans l’agglomération.
Ces projets sont proposés alors qu’une résistance plus grande se fait sentir par rapport aux infrastructures ?
La France est le pays où tout est impossible en matière d’infrastructures. Il y a toujours des résistances, des refus locaux, des comités qui pratiquent le NIMBY ( NDLR : Not in my back yard, « pas dans mon jardin ») au mépris de l’intérêt général. J’attends de voir ceux qui s’opposent à tel ou tel projet renoncer à utiliser leur voiture.
On n’imagine plus l’aspect positif de nombreuses infrastructures, comme l’autoroute de la Tarentaise, qui a amélioré les conditions de vie des habitants de la vallée. Des autoroutes, des ouvrages d’art contribuent même à mettre en valeur des paysages, comme le viaduc qui permet au contournement périphérique nord de Lyon de franchir le Rhône.
Les oppositions sont vives par rapport à l’autoroute A 45 ?
On ne devrait plus parler d’autoroute A 47, l’A 47 n’est pas une autoroute. Elle ne correspond pas aux normes des autoroutes, ne possède pas de bande d’urgence, la vitesse y est limitée à 110 kilomètres à l’heure. L’A 47 traverse des zones habitées par des centaines de milliers d’habitants. L’ A 45 sera une autoroute écologique en grande partie enterrée qui permettra d’éviter les bouchons qui créent la pollution.
Il ne s’agit que d’une manière de dissimuler un axe qui génèrera des flux supplémentaires, ce qui est le vrai problème ?
Il n’est pas sûr qu’on crée un aspirateur à voitures, en tous les cas la circulation sera plus fluide. Le coût des bouchons et des ralentissements sur l’A 47 représente plus d’un milliard d’euros, c’est le prix de l’A 45…
Mais le financement n’est pas réalisé, et un financement public sera demandé ?
Je pense qu’il est possible de financer cette autoroute en lançant un appel d’offre européen pour trouver les concessionnaires qui accepteront une concession sans même demander de participation publique. Il y aura un péage, qui permettra justement de faire supporter le prix du transport aux utilisateurs. Le financement privé sera possible comme il l’est pour l’autoroute A 51 entre Annecy et Genève.
Vous donnez la préférence absolue à la route. Comment voyez-vous le projet CFAL ?
Nous ne sommes pas des bétonneurs. Nous voulons aussi des infrastructures ferroviaires, mais on voit aussi des oppositions s’élever face à un projet comme le Contournement Fret de l’Agglomération Lyonnaise. Nous voudrions que l’Etat prenne des décisions plus rapides, et il faudra légiférer pour que les procédures puissent être plus efficaces .
Vous mettre en avant l’importance du transport fluvial comment voyez vous évoluer les infrastructures portuaires ?
Nous voulons le développement du transport fluvial, mais là aussi, certains défenseurs de l’environnement se sont opposés à la création de la liaison Rhin-Rhône.
En clair, on ne peut être pour le ferroviaire et le fluvial et s’opposer à tout nouveau projet dans ces domaines
Vous semblez privilégier les transports individuels au détriment des transports collectifs ?
Nous sommes très favorables aux transports collectifs, aux initiatives comme les plans de déplacement d’entreprise que nous encourageons. Nous voulons des transports collectifs en particulier dans l’agglomération lyonnaise, même si le tramway n’est pas la meilleure solution en centre ville.
Les transports en commun doivent vraiment desservir les zones d’activité, où les gens travaillent comme Mi Plaine. Je propose même d’ailleurs, même si certains de mes collègues ne sont pas ‘accord, que le Versement Transport, payé seulement aujourd’hui par les entreprises situées sur le territoire du SYTRAL, soit payé par des entreprises au-delà de ces limites, et je pense même qu’il devrait être porté à son maximum, à condition que les moyens supplémentaires dégagés, 40 millions d’euros, soit justement affectés à la desserte des zones d’activités. On peut imaginer sur l’Est de Lyon un axe de transport qui relie les différentes zones d’activités. Il faut aussi qu’Eurexpo soit desservi par un transport en commun, et nous ne financerons pas un mètre carré supplémentaire avant que cette desserte soit réalisée.
Vous parlez de compétitivité… C’est un mot, une notion, une valeur, qui effraient et qui sont par ne bonne partie de l’opinion, perçus comme contradictoires avec la notion d’environnement?
Je suis un saint simonien, je pense qu’il faut fabriquer le gâteau avant de le partager et non pas discuter sur le partage avant d’avoir fabriqué le gâteau. C’est la création de richesse qui permet de répondre aux besoins. Le développement économique n’a pas de sens s’il ne sert pas au progrès social.
On ne peut pas rejeter systématiquement le progrès technique même s’il a apporté parfois des problèmes, même si on a fait des erreurs. Le progrès a aussi apporté des gains très positifs, comme l’allongement de l’espérance de vie. L’opinion a été traumatisée par des catastrophes comme la vache folle, le problème des farines animales, et il fallait être inconscient pour penser donner ce type d’aliments à des herbivores. Il y a eu le sang contaminé, Tchernobyl, mais il ne faut pas que ces catastrophes créent indéfiniment la méfiance. Je pense même que le principe de précaution n’a pas sa place dans la Constitution, car il bloque aussi beaucoup d’initiatives positives et le renoncement dogmatique aux OGM risque d’être une grave erreur. Et il faut reconnaître par exemple que le programme nucléaire français permet de moins émettre de gaz à effet de serre que d’autres pays. La France est d’ailleurs exemplaire pour le respect du protocole de Kyoto.
Vous êtes méfiant par rapport à une certaine vision de l’écologie ?
Je suis contre les interdictions qui sont parfois contre productives. Il faut respecter par exemple la volonté, le désir des gens de se déplacer comme ils le souhaitent. Vouloir imposer des comportements, cela s’appelle la dictature. Certains défenseurs de l’écologie se comportent comme des intégristes, sont intolérants alors qu’avec d’autres, la discussion est possible. Les chefs d’entreprises ne sont pas les derniers à s’intéresser à l’environnement et l’entreprise que je dirige a lancé la dépollution des sols et des nappes phréatiques. Je suis d’ailleurs favorable, je l’ai d’ailleurs proposé dans le cadre du Grenelle de l’environnement, à une grande politique visant à résorber les points noirs environnementaux, afin de réconcilier les populations avec les infrastructures. Je pense à l’axe Nord-Sud et au tunnel de Fourvière ou la protection phonique des riverains du périphérique sur la commune de Bron.
En conclusion, il faut remettre le bon sens et l’intérêt général au centre du jeu pour un véritable développement durable.
Recueilli par Michel Deprost