Bruno Rebelle, fondateur de la société de conseil en environnement Transitions, ancien directeur de Greenpeace, rappelle l’urgence d’une transition énergétique progressive mais volontaire.Pour Bruno Rebelle, l’humanité aborde la troisième révolution énergétique. La première, après l’ére des renouvelables, a commencé avec le charbon, la deuxième avec le pétrole. La troisième révolution énergétique doit rétablir les équilibres détruits par les deux premières. Nous devons passer d’énergies de stock (y compris l’uranium) à des énergies de flux.
Dans ce paysage, la France se distingue par son entrée à petits pas dans la révolution industrielle et technologique, et par la mise en place en 1945 d’un système énergétique très centralisé. Face au déclin de la ressource charbonnière, puis aux chocs pétroliers la France s’est lancée dans le développement du nucléaire grâce à recherches menées depuis 1945 par le CEA. Mais cet engagement a déformé le système énergétique français.
Bruno Rebelle analyse les besoins, d’abord la chaleur, puis la mobilité, et l’électricité spécifique, qui représente 15% des usages. Or, la prépondérance du nucléaire a entrainé un retard de la production renouvelable notamment par la biomasse alors que la France dispose d’un potentiel appréciable. L‘usage de l’électricité est trop important. La consommation électrique des logements en France représente la moitié de la consommation dans tout le reste de l’Europe. L’électricité moins chère a laissé penser que l’électricité était abondante.
Les solutions
Les gaz de schiste ? Ils ne reculeraient la fin des énergies fossiles que de quelques décennies, mais leurs effets sur l’industrie chimique ne sont pas à négliger. Le charbon? Il est plus abondant, mais aussi plus polluant et la France en est dépourvue.
La France doit donc moderniser et rénover son système énergétique. Bruno Rebelle fait remarquer le vieillissement des infrastructures de notre pays : ferroviaire, barrages, centrales nucléaires, équipements largement réalisés pendant les Trente Glorieuses, et même parfois négligés comme le ferroviaire, alors que d’autres pays ont conservé des équipements en bon état.
Diviser la consommation par deux
Le premier pas c’est la division de la consommation d’énergie par deux en 2050 pour diviser par quatre les émissions de gaz à effet de serre. Trop miser sur l’électricité reste une erreur même si certains usages de l’électricité sont appelés à se développer. La réduction de la consommation dans le logement, prioritaire, suppose des ressources énormes. Nous devons aussi repenser notre mobilité, et nos modes de production.
Bruno Rebelle passe en revue les scénarios étudiés lors du débat sur la Transition énergétique.
Le scénario DEC (décarbonation par l’électricité) ne représente qu’une légère inflexion par rapport à la demande énergétique. Le scénario DIV (demande moyenne et diversification des vecteurs) ne prévoit qu’une faible évolution de la demande.
La trajectoire EFF (Efficacité énergétique et diversification des vecteurs) esquisse une réduction de l’ordre de 50% d’ici à 2050, avec un programme ambitieux de rénovation du bâti. Ce scénario prévoit une stabilisation du nucléaire à 25% de la production d’électricité aux alentours de 2040.
La trajectoire SOB ( Sobriété » énergétique sortie du nucléaire) est plus transversale, et prévoit un programme de rénovation de 750 000 logements par an, une forte mobilisation des ressources renouvelables qui se substituent progressivement au nucléaire
Pour atteindre les objectifs SOB et EFF, il faut engager la diversification, décentraliser, investir dans le stockage de l’énergie, dans l’énergie marine, dans le photovoltaïque en couches minces. Il faut lutter contre l’étalement urbain, développer des réseaux énergétiques intelligents.
Regarder nos voisins
Il faut pour engager la transition en France, regarde ce que font certains de nos voisins, en particulier l’Allemagne. Certes la transition énergétique a renchéri le prix de l’électricité, mais elle a permis de créer des emplois, de développer des entreprises, d’augmenter sensiblement la part des renouvelables. Certes l dans la période actuelle, l’Allemagne consommer du charbon, mais ce pic de consommation fossile n’est pas destiné à durer. L’Allemagne a engagé aussi des efforts en matière de logements et c’est une grande partie de son économie, des producteurs d’électricité aux industriels qui a opéré une mutation.
Michel.deprost@enviscope.com
Libérons les énergies, pour une transition énergétique ambitieuse, Bruno Rebelle, Lignes de repères, 17 euros