Antarctique : le vent sublime les flocons et réduit les chutes de neige
Dans une zone de Terre Adélie, près du sol, les vents catabatiques font passer les flocons de neige de l’état solide à l’état gazeux ce qui réduit en partie les précipitations neigeuses qui contribuent à la formation de la calotte glaciaire. L’étude paraît dans Proceedings of the National Academy of Sciences. Enviscope.com à partir du document de l’EPFL.
A l’aide de données inédites récoltées pendant un an sur la côte de la Terre Adélie et de simulations effectuées avec des modèles atmosphériques, les chercheurs ont estimé à 17% la réduction du cumul de précipitations neigeuses par rapport à son maximum en altitude, à l’échelle du continent. Leurs mesures indiquent une réduction allant jusqu’à 35% sur les régions du pourtour de l’Antarctique de l’Est. Ce phénomène pourrait s’accentuer sous l’effet du changement climatique, selon les chercheurs.
«Le processus que nous avons observé n’a pas été considéré jusqu’ici à sa juste mesure,étant donné son importance. Il est d’ailleurs encore largement indétectable par satellite. » explique Alexis Berne, auteur principal de l’étude et directeur du Laboratoire de télédétection environnementale (LTE) de l’EPFL.
L’équipe de chercheurs suisses, français et britanniques a utilisé entre 2015 et 2016 à la base scientifique française de Dumont d’Urville, sur la côte Est de l’Antarctique, trois instruments.
Un radar Doppler à double-polarisation qui permet d’obtenir des informations sur l’intensité des précipitations et leur composition.
Un pluviomètre à pesée qui mesure le cumul de précipitations par «pesée», soit toutes les minutes.
Un profileur radar qui a permis d’étalonner les estimations des deux radars. Le profileur radar collecte des profils verticaux de l’intensité des précipitations, allant jusqu’à trois kilomètres d’altitude.
Les résultats ont surpris les chercheurs: la forte baisse des précipitations enregistrée près du sol ne correspondait pas aux observations habituelles. «Nous avons ainsi émis l’hypothèse que la diminution des précipitations observée dans les
basses couches de l’atmosphère était liée à un phénomène de sublimation des cristaux par les vents catabatiques», détaille Christophe Genthon, directeur de recherches du CNRS à l’Institut des Géosciences de l’Environnement (Grenoble).
Ces forts vents fréquents proviennent des hauts plateaux du continent. Etant donné le peu de relief de la calotte
antarctique, les vents se renforcent et parviennent sur les côtes en créant un première fine couche d’air (jusqu’à 300 m d’épaisseur) saturée de neige soulevéeet, au-dessus, une seconde couche d’air beaucoup plus sec. En traversant cette seconde couche, les flocons formés dans les couches nuageuses plus en altitude se subliment, passant directement de l’état solide à l’état gazeux, ce qui diminue la contribution des précipitations au bilan de masse de la calotte glaciaire. «Cette couche correspond à une zone aveugle pour les satellites, à cause des échos de la surface, ce qui explique que le phénomène n’ait pas pu être observé par ce moyen jusqu’ici», précise Alexis Berne.