Construction et aménagement

Comment les communes contournent l’obligation de créer des logements sociaux, par Jean-Paul Bourgès

Poser le principe d’un minimum de 20 % de logements sociaux d’ici 2020 dans toute commune de France de plus de 3.500 habitants c’est refuser la dérive vers ces ghettos de riches et ces ghettos de pauvres qui se dessinaient à la fin des Trente glorieuses et dont les trente piteuses accéléraient encore la mise en place. Ceux qui sont attachés à l’idée d’une France unie, ceux qui veulent que notre pays soit solidaire, ceux qui pensent que la paix sociale dépend de la pratique du « vivre ensemble » au quotidien, ceux là se sont réjoui de cette loi et se sont dressé comme un seul homme chaque fois que les forces réactionnaires ont, périodiquement, tenté de porter atteinte à ce texte.

Mais alors pourquoi évoquer la langue de bois ? Tout simplement parce que la loi fixe une règle de 20 % de logements « sociaux » … ce qui comprend les PLS, les PLUS et les PLAI mais que cela ne garantit nullement la mixité sociale qui est l’objectif de la loi. Quand on sait que le plafond du PLS est à 54.987 €/an pour un couple avec deux enfants (soit 4.582 € net par mois) on voit bien que ce niveau n’est même pas atteint par beaucoup de cadres moyens. Que font donc les communes qui ne veulent surtout pas s’ouvrir à un large éventail de catégories sociales ? Elles imposent bien aux promoteurs de construire des logements sociaux … mais uniquement des PLS, qui permettent aux cadres supérieurs et aux professions libérales de trouver des logements pour leurs enfants dont les situations ne sont pas encore assises. Soyons tranquilles, on reste bien entre soi en ayant, de plus, bonne conscience … ce qui est le summum de la satisfaction du nanti décomplexé.

La gueule de bois est ce qu’on ressent quand on se dit que, décidément, les privilégiés de notre pays trouvent toujours le moyen de contourner ce qui pourrait cultiver l’égalité et la fraternité, tandis qu’ils tiennent furieusement à la liberté, dès lors qu’elle s’apparente à celle du renard et des poules enfermés dans le même poulailler.

Alors je me dis qu’il faudra bien que le loup sorte un jour du bois. Faire sortir du bois quand il s’agit de justice sociale c’est obligatoirement s’attaquer au portefeuille des plus favorisés. Les contraintes, les objectifs, les orientations, les incitations, l’appel à l’intelligence et aux grands principes de la République … rien de tout ça ne marche. Par contre, doter chaque commune d’une somme par habitant inversement proportionnelle au revenu moyen de ses habitants contraindrait bien chaque commune à voter des impôts locaux d’autant plus élevés que sa population est plus favorisée (La DGF, dotation globale de fonctionnement, est souvent la première ressource des communes).
Accueillir des populations plus modestes pour une commune, pourrait alors ne plus être une charge, mais deviendrait au contraire un atout financier et même un puissant levier financier pour baisser les impôts locaux. Lorsqu’on n’a plus que des raisonnements basés sur l’argent comme ligne de conduite c’est la seule méthode valable. Qui aura le courage de faire sortir le loup du bois ?

Jean-Paul BOURGÈS conseiller municipal de La Tour de Salvagny
et militant associatif contre le mal logement

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