Comment le « Grenelle de l’Environnement » influe-t-il sur l’action de l’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie en Rhône-Alpes ?
Le Grenelle de l’Environnement confirme les orientations passées et conforte nos actions dans le cadre du contrat signé en 2006 qui nous lie avec la Région dans le cadre du contrat de projet Etat-Région pour sept ans. Nos moyens sont engagés pour cette durée et le Grenelle n’y change rien, à ce jour.
Le Grenelle contribue en revanche à accentuer la prise de conscience des changements qui doivent intervenir dans le domaine de l’environnement. Et les actions doivent être organisées.
On constate en effet depuis plusieurs mois, une sorte de bouillonnement lié non seulement à l’intérêt pour la problématique environnementale, mais aussi à des intérêts d’acteurs car des marchés se développent. Il y a beaucoup de projets, de montages incomplets, d’effets d’annonces, de sollicitations qui ne sont pas toujours, loin de là, assis sur des études complètes, sur des financements réalistes. Nous n’arrêtons pas de répondre à des demandes. Tout cela n’est pas productif, tout cela prend du temps et c’est là que l’ADEME doit montrer son expertise au service de la cohérence.
Action en profondeur sur l’existant
Le bouillonnement actuel peut faire perdre de vue certaines priorités. Quels sont les enjeux par exemple dans le bâtiment qui est un très gros consommateur d’énergie ?
Dans le bâtiment il faut souligner l’urgence d’agir non seulement dans le neuf, mais aussi sur l’existant qui représente l’immense majorité du parc (98%). Dans ce domaine justement, il faut entreprendre une action en profondeur à plusieurs niveaux pour faire entrer la haute qualité environnementale dans la culture de tous les intervenants de l’acte de construire, des maîtres d’ouvrages aux entreprises qui sont sur les chantiers.
Nous avons engagé des actions avec les maîtres d’ouvrage, en particulier les maîtres d’ouvrages publics, qui passent les commandes. C’est le cas dans le secteur social qui est très dynamique. Nous avons signé un accord avec l’association des HLM de Rhône-Alpes pour former, avec l’aide de la Région, les chargés d’opérations et les personnels de ces organismes.
Nous voulons aussi aider l’évolution des maîtres d’œuvres, des concepteurs, architectes, économistes de la construction. Ces corps de métiers doivent intégrer que le fonctionnement d’éléments isolés ne suffit pas mais qu’il faut rechercher une qualité globale qui ne peut être atteinte qu’en concevant ensemble des ouvrages.
C’est vrai aussi au niveau des entreprises qui réalisent. Nous avons des actions avec la CAPEB avec la Fédération du Bâtiment, mais aussi avec des organisations professionnelles techniques, par corps de métiers. Ces entreprises, ces techniciens doivent comprendre que leurs interventions sont complémentaires. Les interventions doivent même être envisagées d’une manière complémentaire en amont, dès la passation du marché, pour intégrer l’intervention de professionnels spécialisés différents, avec l’assurance d’une qualité et d’une efficacité. Poser un panneau solaire thermique ou photovoltaïque, c’est toucher à la toiture, toucher à l’étanchéité, percer des dalles, faire passer des tuyaux. Tout cela ne peut être correctement réalisé par la même entreprise. Ils faut mettre sur le marché ces compétences de « rénovateurs » du bâtiment.
Chauffage au bois: amélioration de la qualité
La filière bois énergie a été mise en cause en raison des émissions nuisibles à la santé ?
Ce dossier illustre la complexité des dossiers, la dimension évolutive des problèmes.
Il n’est pas question de nier que la combustion du bois dégage des composants qui peuvent être nuisibles à la santé, à la qualité de l’air. Mais il est important de prendre en compte dans l’état des lieux, l’état du par cet ne pas faire d’amalgame en confondant danger et risque, chaufferie « industrielle » et âtre aménagée par un insert.
La production des polluants mis en cause est essentiellement provoquée par des installations individuelles, par le bois bûche, par les inserts qui sont la solution vers laquelle se rabattent les utilisateurs confrontés à la hausse du prix de l’énergie.
La solution passe par le développement d’équipements collectifs, mais aussi par la qualité des matériels qui doivent être labellisés « Flamme verte ». Cela passe aussi par le professionnalisme des installateurs, l’entretien des équipements, la qualité du combustible. On ne peut pas laisser vendre n’importe quels granulés bois produit à partir de n’importe quelle matière première dans n’importe quelle condition.
La filière bois énergie doit donc être soutenue ?
Evidemment. Le gisement des déchets de bois est aujourd’hui largement exploité. Il faut aussi accroître la quantité de plaquettes forestières sur le marché. Les plaquettes représentent 15% du bois énergie en Rhône-Alpes. Nous devons rapidement arriver à 50% en n’oubliant pas que le bois énergie est une manière de valoriser l’accroissement naturel de la forêt, qui est sous exploité, de rentabiliser l’exploitation du bouis d’œuvre tout en participant à l’économie et l’emploi local.
Nous devons veiller à la mise en place des filières de distribution, à l’amélioration de la qualité.
Cette amélioration de la qualité est une constante ?
Il faut partout veiller à l’amélioration de la qualité, des résultats, évaluer l’efficacité, développer les activités d’entretien, de maintenance
Comment le rôle de l’ADEME évolue-t-il face à une prise de conscience de plus en plus partagée ?
Le rôle de l’ADEME n’a jamais été essentiellement d’apporter un soutien financier à des installations, même si nous contribuons toujours à ces financements. Dans bien des domaines d’autres aides sont apportées et le marché est parfois mûr. Cela commence à être le cas pour le bois-énergie, pour le solaire. Il faut savoir se désengager pour porter notre effort à d’autres niveaux.
L’ADEME veut aider à innover, dans tous les domaines, par exemple aussi dans les modes de transports doux, en apportant sa contribution et son expertise aux réseaux d’acteurs pour la mise en place de Plans de déplacements d’entreprise, de plans de déplacements d’administration, de plan de déplacements interentreprises. Cela nous amène à adapter la politique de l’Agence à la Région pour toujours repousser la frontière.
Notre rôle est plus que jamais d’accompagner, de conseiller, pour aider les entreprises à rejoindre l’excellence, dans la compétence, à aller vers la certification. Notre rôle est d’aider chacun à s’améliorer, en fonction de ses capacités, de sa maturité, en profondeur, pour installer durablement des comportements pour cet environnement meilleur. Notre rôle n’est pas d’aider à passer simplement une couche de peinture verte.
Recueilli par Michel Deprost