“Nous avons investi un joli nombre de millions“, résume dans un sourire Jasmine Audemars, présidente de la Fondation Audemars Piguet, l’une des maisons indépendantes de haute horlogerie, présentes au SIHH ( Salon International de la Haute Horlogerie) qui s’est renu récemment à Genève.
Défense des forêts
La fondation qui a fêté ses 20 ans en 2012 a en effet joué un rôle de pionnier dans le domaine, en arborant la défense des forêts du monde comme étendard de sa démarche proactive. Des forêts du Brassus, siège de la manufacture -au coeur de la vallée de Joux dans le canton de Vaud-, au projet de défense de la forêt primaire de Madagascar, lancée cette année, il y a une expérience, une motivation grandissante et des équipes. Elles sont aujourd’hui convaincues de l’importance de cette démarche, qui entre dans la stratégie d’image de la marque horlogère. Plus de 80 projets dans 35 pays sont ainsi accompagnés par la fondation.
Du ruisseau voisin à la forêt primaire
Il y a aussi les petits gestes entrés au quotidien des artisans horlogers et les investissements importants consacrés notamment à la construction de la nouvelle manufacture, labellisée BBC-Minergie, le plus haut niveau de protection environnementale dans le bâtiment en Suisse.
S’y ajoute le recyclage de l’eau utilisée, celle du papier y compris pour les emballages et la mise à disposition d’un parc de voitures électriques pour le personnel, lors des déplacements professionnels. Autre réalisation, un ruisseau voisin de l’unité de production a été entièrement renaturé et un jardin ouvert à l’intention du public. ” Le Jardin du Temps joue un rôle didactique auprès des plus jeunes, qui eux-mêmes éduquent leurs parents“. En outre, Audemars Piguet est en train de construire à Meyrin, près de Genève, “un nouveau bâtiment, également aux normes Minergie pour Centror, filiale spécialisée dans la fabrication de boîtes de montres“, poursuit Jasmine Audemars, personnellement très impliquée dans l’aboutissement de cette démarche.
L’exemple de Piaget
Dans les allées du SIHH, où le groupe Richemont est le plus représenté avec des manufactures comme Piaget, Baume & Mercier, Cartier, Montblanc, JaegerLeCoultre ou encore Van Cleef & Arpels, la préoccupation du développement durable a fait un bond en quelques années seulement, et n’est plus un sujet tabou.
Sous la houlette de Piaget, horloger et joaillier grand utilisateur de diamants et de pierres précieuses, s’est ainsi initiée une démarche qui a valeur d’exemple dans le reste du groupe. “Nous avons reçu en 2011 la certification RJC”, explique Charles Chaussepied, directeur des affaires publiques chez Piaget et président du comité des normes au sein du Responsible Jewellery Council (RJC). Créée en 2005, cette association internationale a pour vocation de délivrer une certification de bonnes pratiques environnementales et sociales aux entreprises faisant usage des diamants, pierres précieuses et métaux rares tels que l’or et le platine, dans le monde. Elle compte aujourd’hui 430 membres, avec une bonne représentation de la haute horlogerie suisse.
Les fournisseurs aussi
Depuis 2009, le RJC a mis en place un label délivré par des auditeurs indépendants tels que le groupe suisse SGS ou le cabinet international PWC. “L’actualité est désormais de convaincre nos fournisseurs“, souligne Charles Chaussepied. Durant la 23e édition du SIHH, ceux-ci ont eu l’opportunité de suivre une formation en vue d’adhérer, à leur tour, au RJC et d’entamer une démarche certificative. Car pour les marques d’horlogerie suisse qui véhiculent le luxe à travers le monde, se mettre en quelque sorte “au vert” en encourageant en interne et en externe les initiatives en matière d’environnement et des pratiques industrielles et sociales responsables, est un vrai enjeu d’image.
Pour sa part, Piaget a mis en place un réseau “d’ambassadeurs” internes, qui représentent tous les départements de l’entreprise et sont volontaires pour participer. Tout est passé au crible: les écrins de bijoux fabriqués en Thaïlande ne prennent plus l’avion mais le bateau; les bracelets des montres sont en crocodile d’élevage et non plus en python. Comme dans l’ensemble du groupe, qui prône sa généralisation, le papier, quelle que soit son utilisation (édition, emballages cadeau, courrier,… etc.) est labellisé FSC. Piaget s’est lancé dans l’analyse en détail du cycle de vie d’une pièce pour en déterminer l’impact environnemental. Cette démarche est le propre du label RJC qui inclut toutes les étapes “de la mine à la vitrine” des boutiques, en passant par le calcul des émissions de Co2.
“Nous n’avons pas attendu que les clients nous le demandent pour agir”, explique Christina Bolderson de Baume & Mercier. Un cercle vertueux de pratiques s’est mis en place au sein du groupe Richemont. Plus de 188 sujets sont concernés pour obtenir le label RJC.
Ralph Lauren, Lange & Söhne, Vacheron Constantin et IWC préparent aussi leur certification. Pour sa part Van Cleef & Arpels, joaillier d’excellence du groupe, fait tout, même dans ses locaux historiques à Paris, pour mettre en oeuvre sa démarche RSE (Responsabilité sociale et environnementale). Mais celle-ci va particulièrement s’illustrer sur le nouveau campus horloger du groupe Richemont, en cours de construction autour de Roger Dubuis, et du fabricant de cadrans Stern.
Des bâtiments neutres en énergie pour Van Cleef & Arpels
C’est là que Van Cleef & Arpels va édifier sa nouvelle manufacture genevoise. “Les labels les plus stricts ont été retenus”, souligne Denis Giguet, directeur des ateliers horlogers de l’entreprise. Dotés de panneaux solaires sur les toits, les bâtiments seront neutres en énergie. Ils vont, en outre, réutiliser conne deuxième source la chaleur déployée par un parc de serveurs informatiques, à proximité dans une société voisine.
Tout est pensé là à l’échelle de la zone industrielle. Une initiative qui se veut exemplaire tout comme celle de Jaeger-Le Coultre, déjà labellisé RJC. L’horloger, qui fête cette année ses 180 ans, a mis le recyclage de l’eau des déchets et de l’énergie à tous les étages de sa nouvelle manufacture, ouverte fin 2011. Et preuve que l’environnement est bon, la marque, -qui a installé des ruches sur son site-, a récolté l’été dernier la première production de miel de ses 3000 abeilles.
