Un des maux de l’immobilier de montagne est la quantité de lits froids, ces lits peu occupés par leurs propriétaires, qui ne les proposent pas sur le marché, ou des lits qui , proposés sur le marché, ne partent pas facilement en location. Au fil des années, les propriétaires (souvent habitants de grandes métropoles, Paris ou dans une moindre mesure Lyon,) n’y viennent que quelques semaines par an. Parfois les propriétaires s’en désintéressent.Certains travaux de réhabilitation ne sont pas réalisés, et certaines copropriétés dérivent. La proportion de lits froids atteint dans de nombreuses stations 50% de la capacité d’accueil.
Le mécanisme de multiplication des lits, donc de multiplication des lits froids a été évoqué lors de la rencontre organisées par Ternélia. Participaient à cette rencontre des professionnels de la montagne du secteur, M. Poettoz,
directeur de l’Office du Tourisme des Carroz; le directeur des remontées mécaniques; Alain Boulogne, ancien Maire des Gets, président de CIPRA France; Claude Comet, conseillèré régionale de la Région Rhône-Alpes en charge de la montagne et du Tourisme, Antoine Fatiga, Conseiller régional de Rhône-Alpes, vice-président de Rhône-Alpes Tourisme, comité régional du Tourisme de Rhône-Alpes (1).
Les échanges ont permis de préciser les mécanismes à l’oeuvre dans la croissance du parc immobilier de montagne qui est colossal: la commune d’Araches compte 30 000 lits touristiques pour 3000 habitants permanents.
Pression des professionnels de l’industrie du ski.
Sous la pression des professionnels du ski (remontées mécaniques, moniteurs, loueurs, et de communes engagées dans la gestion de sociétés d’économie mixte exploitant les remontées mécaniques) des nouveaux lits sont régulièrement construits. Les propriétaires locaux de foncier ne sont pas les derniers à pousser à la roue, comme des municipalités où les résidents secondaires ne manquent pas de peser quand ils préfèrent voter en station qu’à leur domicile principal.
Le lancement de nouveaux programmes fait effectivement fonctionner tout un tissu local d’entreprises du bâtiment, et de professionnels de l’immobilier (agences, etc.).
Incitations fiscales
Ces nouveaux lits sont proposés sur le marché par les promoteurs qui les ont vendus dans le cadre de mesures de défiscalisation. Pendant neuf ans, les propriétaires doivent louer leur bien avant d’en avoir le libre usage. Ces lits neufs, dans des immeubles de meilleur standing que les immeubles plus anciens, sont relativement « chauds ». « Mais au bout de neuf ans, les propriétaires peuvent les revendre. L ’arrivée de ces lits sur le marché peut provoquer des déséquilibres » explique Serge Magna, directeur de l’association Ternalia Grand Massif, gestionnaire du village vacances les Flocons Verts. Au bout de quelques années, la part des lits froids augmente.
Le phénomène, qui dure depuis de nombreuses années, est le ressort du dynamisme immobilier dans les départements de Savoie et de Haute Savoie. « Nous ne voyons aucun fléchissement de l’activité » confirment des banquiers. Mais ce dynamisme n’a rien de naturel. Le marché en tous les cas n’y suffit pas. Il est largement « subventionné » par l’Etat. « En 2011, la défiscalisation a couté 52 millions d’euros à l’Etat » rappelle Frédéric Prelle, Président de l’Union Nationale des Associations de TOURISME.
Bulle immobilière
Cette bulle immobilière silencieuse, régulièrement regonflée par la défiscalisation, éclate parfois sans forcément faire de bruit. Il arrive en effet que des copropriétés en difficultés frappent à la porte d’associations spécialisées dans le tourisme associatif, qui ont développé des savoir faire pour créer une clientèle fidèle.
Les associations, par exemple celles qui a adhèrent Ternalia Tourisme, disposent de larges catalogues, mettent en place des actions commerciales, et sont en mesure de créer des marchés où des propriétaires individuels peinent à louer leur bien.
Cette demande du secteur privé d’un soutien du secteur associatif, rejoint celle de comités d’entreprises qui eux aussi ont largement investi au temps des Trente Glorieuses dans des stuctures d’accueil . Aujourd’hui, nombre de structures d’hébergement de ce type offrent des capacités d’accueil sous utilisées. Des comités d’entreprises cherchent alors des partenaires professionnels pour acheter ou prendre en location des actifs parfois peu entretenus depuis des années, parfois mal situés.
A l’heure où l’argent public est rare, à l’heure où la fracture sociale s’élargit, l’immobilier de loisir en montagne est un enjeu trop important pour être à la fois subventionné, sans cadre suffisamment solide.
1) Michel Deprost, rédacteur en chef d’Enviscope, invité par Ternélia pour l’anniversaire des Flocons Verts, participait à cette table ronde.