Le nouveau Président de la République du Niger, Issoufou Mahamadou, est l’un des chefs d’états (1) qui participent ces 8 et 9 février, à Lyon, au Forum francophone préparatoire au sommet des Nations Unis « Rio+20 » de juin prochain. Ce forum, dont l’initiative revient à l’Organisation Internationale de la Francophonie, et qui a reçu un fort soutien de la ville de Lyon et du Grand Lyon, réunit entre Rhône et Saône des délégations venues de plusieurs dizaines de pays francophones pour préparer une position commune en vue de la conférence des Nations Unies sur le développement durable de juin 2012 à Rio de Janeiro (2), dont les thèmes seront « l’économie verte » et « la gouvernance » du développement durable.
Mais Issoufou Mahamadou, nouveau président du Niger depuis avril 2011, avait aussi une autre raison de venir assister à ce sommet : retrouver une région où il a fait ses études, puisqu’il est ingénieur diplômé de l’Ecole Nationale Supérieure des Mines de Saint-Etienne (promotion 1976). Et c’est donc au double titre de chef d’Etat et d’ancien élève qu’il est venu ce mardi 7 février passer la journée à l’ENSM-SE où se tenait une partie des ateliers du Forum de Lyon.
Des ateliers thématiques où se sont retrouvé près de 80 délégués francophones du Forum pour débattre des différents moyens à mettre en œuvre ( en matière d’information, de formation, de financement, d’innovation, d’éco-conception, de responsabilité sociale des organisations…) pour développer à l’échelon mondial une véritable politique de développement durable.
Une centrale nucléaire « pertinente » pour la CDAO
Lors du point presse qui a conclu cette journée stéphanoise , le président Issoufou Mahamadou , très mobilisé par les questions de développement durable, et qui est aujourd’hui une des nouvelles voix de l’Afrique démocratique, a développé un véritable plaidoyer en faveur de l’énergie nucléaire.
Pas étonnant quand on sait que le Niger est déjà un des gros producteurs mondiaux d’Uranium (4500 tonnes/an) et que ceci va encore s’accroitre avec la mise en service (avec le français Areva, , présent au Niger depuis les débuts de l’énergie nucléaire) de la gigantesque mine d’uranium d’Imouraren qui lui permettra de passer à 10 000 tonnes annuelles de production, devenant ainsi le deuxièmes producteur mondial derrière le Canada.
Mais s’il est un gros producteur de combustible, le Niger, qui manque aujourd’hui cruellement d’énergie pour se développer, ne produit pas d’électricité nucléaire. Issoufou Mahamadou s’en est expliqué en ingénieur habitué aux calculs de rentabilité: une centrale nucléaire standard d’environ 1000 MW serait aujourd’hui surdimensionnée pour les besoins du pays, et une plus petite, d’environ 300 MW, serait suffisante, mais empêcherait des économies d’échelle et produirait un kWh trop cher pour le Niger.
La solution, a donc expliqué le président nigérien, est de développer un électro-nucléaire africain, non pour le seul Niger, mais dans le cadre d’une mutualisation et d’une intégration Ouest-Africaine. Une centrale de 1000 MW environ serait ainsi tout à fait pertinente selon lui à l’échelle de la quinzaine de pays qui compose la CDAO (Communauté Des Etats d’Afrique de l’Ouest) et le Niger, qui travaille déjà sur ce sujet avec ses voisins, est bien décidé à s’engager dans cette voie qui pourrait aboutir d’ici quinze ou vingt ans.
Nouveaux investissements prévus dans l’hydraulique, le pétrole et…le charbon
De préférence avec la collaboration de la France, dont le président nigérien a rappelé qu’elle est « le leader mondial dans ce domaine, et tout naturellement nous envisageons et cherchons à faire aboutir ce projet de transfert technologique avec votre pays … »
« Je me permets d’ailleurs de dire que je trouve dommage, a ajouté le président du Niger, que la France risque de ralentir son effort dans le nucléaire qui vous permet aujourd’hui d’avoir une des énergies les moins chères au monde, même si elle pose encore quelques problèmes non réglés comme celui des déchets. Mais le nucléaire est une énergie propre et compétitive par rapport au fuel ou au charbon… »
Dans l’attente de voir un premier réacteur nucléaire surgir sur le sol du Niger, Issoufou Mahamadou a déclaré, lors de sa visite à Saint-Etienne que son pays, pour pouvoir se développer, allait aussi investir dans les énergies plus traditionnelles : l’hydraulique, avec un projet de nouveau barrage de 130 MW sur le fleuve Niger, le pétrole, exploité au Niger depuis novembre 2011 ( dans la région de Zinder à l’Est du pays) par une compagnie chinoise, qui va aussi y construire une nouvelle infrastructure routière dite « route du pétrole » , et aussi… le charbon, dont le Niger possède d’importantes réserves bien que très profondes: « Certes ce n’est pas une énergie très propre, a reconnu le président et ingénieur civil des mines , mais les pays riches l’ont utilisé largement et au nom de quoi pourraient-ils empêcher aujourd’hui les pays du sud de l’utiliser à leur tour pour se développer ? ».
Quant à l’énergie solaire, bien que le Niger soit l’un des pays les plus chauds et les plus ensoleillés au monde, Issoufou Mahamadou la juge encore trop chère pour le moment et pas assez compétitive par rapport à l’hydraulique, au nucléaire et au charbon qui sont, dans l’ordre, ses priorités. « Mais il faut faire baisser ses coûts de production et alors, le gisement sera inépuisable… »
H.C. / henricolomb@yahoo.fr
(1) notamment le très controversé Sassou Negssou président de la République du Congo, et Abou Diouf, ancien président du Sénégal, aujourd’hui secrétaire général de la Francophonie.
(2) Ce sommet a lieu juste 20 ans après le premier « sommet de la Terre » de Rio qui avait popularisé dans l’opinion publique mondiale la notion de développement