Vous pratiquez la culture du maïs en utilisant les méthodes de l’agriculture biologique. Comment faites vous ?
J’exploite 25 hectares de maïs, sur environ 95 hectares de céréales, blé, titricale, et nous avons un élevage de 4000 poulets.
Comment luttez-vous contre la pyrale ?
La pyrale se développe effectivement depuis plusieurs années, comme d’autres insectes, entre autres à la faveur du réchauffement climatique.
Nous luttons de plusieurs manières. Nous réalisons une pulvérisation de trichogramme en septembre, qui suffit à réduire la pression mais nous ne cherchons pas à supprimer totalement la pyrale. Il est illusoire de vouloir supprimer totalement un prédateur, comme il faut accepter aussi des mauvaises herbes et renoncer à une culture aseptisée que les agriculteurs ont en tête depuis quelques dizaines d’années.
PRATIQUER LA ROTATION DES CULTURES
D’autres méthodes ?
Nous pratiquons aussi le broyage des tiges après la récolte, ce qui permet d’exposer les larves de pyrales, et le froid de l’hiver est une méthode de lutte. Nous pratiquons surtout la rotation des cultures. En effet, si les larves de pyrales hivernent dans le sol et retrouvent du maïs à la saison suivante, les nouvelles pyrales retrouveront la plante qu’elles ont choisie comme hôte. La rotation est une méthode de base en agriculture biologique. Si nous semons du blé, après le maïs, la pyrale qui serai resté dans le sol, ne se développera pas car la pyrale n’est pas un hôte du blé. La monoculture favorise l’installation de parasites.
Nous retournons aussi le sol, en pratiquant le labour, comme dans l’agriculture conventionnelle, ce qui permet d’éliminer aussi des microorganismes.
Quels sont les dégâts constatés sur vos récoltes ?
La pyrale est un papillon qui creuse le grain, et cela entraîne une perte d’environ 2%. Elle peut ensuite descendre dans l’épi, le fragiliser, fragiliser la tige et la rendre peut être plus sensible au vent en fin de saison, et se casser. La circulation de la sève est aussi contrariée.
NOS TAUX DE MYCOTOXINES NE POSENT PAS DE PROBLEMES
Qu’en est-il des mycotoxines, ces toxines qui se développent dans les blessures occasionnées par la pyrale sur les grains ?
Il est vrai que par temps humide, des mycotoxines peuvent se développer dans les trous causés par les pyrales dans les grains. Nous y veillons, car deux de ces mycotoxines sont considérées comme dangereuses pour la santé. Les acheteurs, même pour les produits destinés aux animaux sont très vigilants, mais nous pouvons dire que nos taux de mycotoxines ne posent pas de problèmes.
Les OGM sont-ils utiles ?
Les OGM ne sont pas utiles pour un agriculteur qui a les bonnes pratiques culturales, ils sont recherchés par ceux qui pratiquent la monoculture et ont fragilisé leur culture.
On peut aussi se passer de chimie.
Quels sont vos rendements ?
Bien sûr les rendements sont plus faibles qu’en conventionnel, mais j’ai des collègues qui ont en bio des rendements comparables aux rendements conventionnels.
Et on ne peut pas parler seulement de rendement ou de rentabilité à l’année. Il faut aussi prendre en compte tout ce qu’on ne rejette pas comme pesticides.
Mais le problème est aussi celui de la Politique Agricole Commune, qui fait que l’agriculture biologique est subventionnée 33% de moins à l’hectare que l’agriculture conventionnelle.
Le principal problème des OGM selon vous ?
On s’est aperçu bien des années après, que l’usage intensif des antiobiotiques avait créé des résistances. Je pense que les OGM peuvent provoquer des résistances pour certaines herbes, par rapport aux herbicides, comme on le voit déjà dans certaines régions de France. Ils peuvent aussi créer des résistances chez les insectes, comme la pyrale, par rapport aux insecticides, avec peut-être un jour une superpyrale… Il faut accepter d’avoir un certain nombre d’insectes, ou de mauvaises herbes dans les cultures.
Recueilli par Michel Deprost
1) Les trichogrammes sont des micro-hyménoptères dont connaît actuellement environ 200 espèces. Leur taille est souvent inférieure au millimètre. La larve des parasites de ce type, dit oophage, se développe dans l’œuf de l’insecte-hôte, dont l’embryon est tué. Avec les trichogrammes, l’hôte est tué très tôt et ses tissus désintégrés servent de nourriture à la larve du trichogramme et assurent son développement jusqu’à sa métamorphose. Les trichogrammes sont utilisés comme agents de la lutte biologique contre plusieurs lépidoptères ravageurs, dont la pyrale du maïs, larve ravageant les tiges de cette poacée.