« L’industrie de la microélectronique en Europe devra-t-elle subir le même sort que l’industrie textile ? Une telle évolution serait dramatique lorsqu’on sait que la microélectronique est responsable, avec l’industrie du logiciel, de 90 % des innovations réalisées dans des marchés aussi porteurs que l’automobile, la médecine, la logistique et l’énergie. Sans une industrie de la microélectronique française et européenne forte et indépendante, la compétitivité de secteurs entiers de l’économie serait remise en cause et durablement affaiblie au profit de nos concurrents asiatiques et américains».
Ce constat figure dans la présentation d’un rapport récemment remis par le sénateur Claude Saunier, chargé en octobre 2007 par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologique ( OPECST) d’actualiser le rapport qu’il avait remis à l’Office en avril 2003 sur le même thème. Ce rapport a fait l’objet d’une note de presse dont sont extraites les informations suivantes.
Le secteur des semi-conducteurs est plus que jamais stratégique avec un chiffre d’affaires mondial de 265 milliards dollars et environ 3 millions d’emplois. Il contribue à générer plus de 1.300 milliards de dollars de chiffre d’affaires dans les industries électroniques et environ 18 millions d’emplois. Il génère 5.000 milliards de dollars de chiffre d’affaires et 100 millions d’emplois dans les services.
Visites à au LETI
Claude Saunier a rencontré plus de 200 personnes pour réaliser son rapport, des scientifiques, des industriels, des représentants des gouvernements, des sociologues, des philosophes. Il a visité la plupart des grands pôles de recherche liés à la microélectronique en France. Il a visite à Grenoble le Laboratoire d’Electronique et de Technologies de l’Information (LETI) et l’institut Néel à Grenoble. Il a visité le Laboratoire d’Analyse et d’Architecture des Systèmes (LASS) et le Centre d’Elaboration de Matériaux et d’Etudes Structurales (CEMES) à Toulouse, l’Institut d’Electronique, de Microélectronique et de Nanotechnologies (IEMN) à Lille, le Laboratoire Physique des Solides (LPN) ainsi que l’Institut d’Electronique Fondamentale (IEF) à Orsay et le laboratoire de photonique et de nanostructure (LPN) à Marcoussis.
Le sénateur s’est rendu sur les grands clusters européens : Minalogic à Grenoble-Crolles, Silicon Saxony à Dresde, IMEC en Belgique et Point One aux Pays-Bas. A Taiwan, à Singapour et en Chine, le parlementaire a pris conscience « du fort volontarisme étatique du modèle asiatique». Aux Etats-Unis, il a constaté « l’engagement politique fort en faveur de l’industrie de la microélectronique » et la suprématie américaine dans les logiciels et les services liés aux technologies de l’information.
Les bouleversements sont technologiques, avec la poursuite de la miniaturisation. La microélectronique devient une nanotechnologie, elle devient nanoélectronique. En 2003, l’épaisseur du trait de gravure était abaissé à 90 nanomètres, soient 90 milliardièmes de mètre. Aujourd’hui, la taille minimale du « trait » des circuits est de 45 nm. Elle devrait atteindre 32 nm dès 2010 et tous les grands industriels ont engagé des programmes de recherche pour le 22 nm.
La mutation concerne l’ajout de fonctions non digitales : radio fréquence, les composants haute tension, l’électronique de l’éclairage et les chargeurs de batterie) qui a joué un rôle décisif dans la pervasion de la microélectronique. Des sommes colossales sont investies pour développer les futures générations de la nanoélectronique à l’horizon 2020 en direction de la spintronique, de la photonique, de l’électronique moléculaire..
Enjeux de société
Les perspectives des micro-nanoélectroniques sont énormes. Elles sont un moyen de mieux gérer d’innombrables activités : dépenses de santé ; coûts liés au vieillissement de la population; maîtrise de la consommation d’énergie ; gestion du trafic routier ; sécurité des biens et des personnes. Mais Claude Saunier souligne aussi le coût écologique de la microélectronique. C’est une industrie très consommatrice en ressources naturelles (électricité, eau, matériaux rares) et fortement productrice de déchets. Elle fera aussi appel nanomatériaux dont le développement pose des interrogations sanitaires et environnementales, qui appellent aussi le développement d’une électronique verte.
La multiplication des outils de gestion et de stockage de l’information impose aussi une évolution du cadre législatif pour protéger la vie privée, alors que les jeunes générations semblent plutôt indifférentes à la multiplication des nouveaux outils. Enfin, la croissance de la micro-nanoélectronique impose une croissance vertigineuse des investissements pour que les entreprises du secteur demeurent compétitives.
Bilan mitigé pour l’industrie française et européenne
Claude Saunier dresse un bilan mitigé de l’industrie française et européenne. La France et l’Europe disposent de leaders industriels dans la microélectronique (SOITEC, ASML) et dans leurs principaux domaines d’application (l’automobile, l’éclairage, le photovoltaïque). L’Europe bénéficie de centres de recherche reconnus mondialement (LETI, IMEC). Elle s’est lancée avec succès dans la création de clusters ayant une vraie masse critique. Enfin, les programmes européens ont été efficaces et ont développé des réseaux de collaborations internationales.
Néanmoins, le rapport estime que la France et l’Europe « sont handicapées par une méconnaissance de la part de nos dirigeants des enjeux stratégiques liés à la microélectronique et l’absence de politique volontariste pour maintenir l’emploi industriel dans ce secteur. » Au-delà de l’état des lieux dressé par ce rapport, plusieurs suggestions sont formulées afin de renforcer l’industrie de la microélectronique française et européenne tout en maintenant l’emploi industriel dans ce secteur.
Pour en savoir plus sur l’Office Parlementaires d’Evaluation des Choix Scientifiques et Technologiques:
http://www.senat.fr/opecst/index.html
Claude Saunier est Sénateur des Côtes-d’Armor (Bretagne), membre de la commission des affaires économiques, secrétaire de la Délégation pour la planification, membre de la Délégation à l’aménagement et au développement durable du territoire, vice-président de l’ Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques. Il est membre du Groupe Socialiste