Ces dernières années, les centres antipoison et de toxicovigilance français ont repéré plusieurs cas d’intoxication par des morilles, Morchella, espèce comestible dont la consommation est pourtant considérée sans risque. Ces intoxications surviennent rarement et se caractérisent par des troubles neurologiques, parfois associés à des troubles digestifs. Dans la quasi-totalité des cas, il s’agit de morilles fraichement ramassées et, dans la moitié des cas, insuffisamment cuites. La consommation d’une grande quantité de champignons est fréquemment évoquée.
Morchella est devenue vraiment suspecte il y a deux ans. En 2006, Philippe Saviuc, médecin responsable du Centre antipoison de Grenoble, enseignant à l’Université Joseph Fourier, est appelé par un collègue d’Angers. « Il me signale deux foyers qui l’ont appelé pour des troubles neurologiques, des tremblements, des vertiges. Les deux groupes de personnes avaient consommé des morilles ».Philippe Saviuc, très intéressé par les intoxications dues aux champignons, se plonge dans la littérature grise, constituées par les publications qui ne sont pas proprement scientifiques. Dans une revue espagnole, il trouve mention d’intoxications provoquées par la consommation de morille, et une revue mycologique allemande (1963) a aussi rapporté des cas. Lors d’un congrès international de toxicologie, des représentants du Centre antipoison de Munich (Bavière, Allemagne) signalent aussi six cas.
Dans les bases de données
En cherchant dans les bases de données des centres antipoison, Philippe Saviuc sélectionne 209 cas d’intoxication dans lesquelles entre 1975 et 2007 la consommation de morille a été signalée par les patients. Sur 197 dossiers retenus, 80 contiennent la description d’un syndrome neurologique, qui apparait en moyenne au bout de douze heures. Dans 109 dossiers les symptômes sont digestifs et apparaissant au bout de cinq heures en moyenne. Les symptômes disparaissent spontanément. Morchella est bien en cause. On innocente pour les cas étudiés, le gyromitre avec lequel on la confond, mais dont l’ingestion provoque des symptômes tout à fait différents. On innocente aussi l’alcool comme cause de l’ébriété.
Reste à savoir pourquoi et comment les morilles incriminées ont causé les troubles. Le principe actif est inconnu. Pesticides, radioéléments sont hors de cause. Il semble que presque toujours les personnes intoxiquées ont consommé des morilles fraiches, mais il y eut aussi des cas avec des morilles séchées ou en conserve. Les conditions favorables sont toutefois une consommation importante, environ 300 grammes, de champignons dont certains seraient mal cuits.
Amateurs de morilles, ne renoncez pas. Mais n’abusez pas.
Conseil pour le ramassage et la consommation de champignons
Le début de la saison de la cueillette des morilles est là. Il est important de suivre les recommandations suivantes, valables pour d’autres champignons. Il ne faut ne pas ramasser un champignon si on a des doutes sur son état ou son identification. On ne doit pas consommer sa récolte sans la faire contrôler par un spécialiste en la matière. Les pharmaciens peuvent être consultés et éventuellement la société de mycologie de votre région.
Les champignons doivent être conservés dans de bonnes conditions de stockage (avec réfrigération). Ils doivent être consommés rapidement après la cueillette et après une cuisson suffisante. L’ingestion de spécimens crus est proscrite. Les champignons doivent être consommés en quantité raisonnable.
L’intoxication provoquée par l’ingestion de morilles, se manifeste généralement par des signes neurologiques : tremblements, vertiges, troubles de l’équilibre, troubles de la vue. Des signes digestifs : nausées, vomissements, diarrhées sont parfois associés. Le délai d’apparition des symptômes varie de 5 à 12h. Dès l’apparition d’un ou plusieurs des symptômes évoqués ci-dessus, il faut contacter sans délai un centre antipoison en ayant noté les heures du ou des derniers repas, l’heure de survenue des premiers signes. Il est aussi important de conserver les restes de la cueillette pour identification.
Il faut rappeler, comme le fait dans un ouvrage récent sur les poisons et venins dans la nature, Denis Richard, que chaque année, entre 1500 et 2000 cas d’intoxication par des champignons sont signalés en France. Certains champignons vénéneux hautement toxiques ressemblent beaucoup aux espèces comestibles. Les conséquences sur la santé peuvent être graves : troubles digestifs, atteintes du foie, des reins, pouvant conduire à une hospitalisation, voire au décès. C’est pourquoi l’identification précise des champignons récoltés est le seul moyen de prévention efficace.
Liens:
Société Française de Mycologie : www.mycofrance.org
Société mycologique du Livradois Forezhttp://members.aol.com/jljalla/index.html
Société mycologique du Dauphiné http://www.fmbds.org/
Société mycologique du Canton de Vaud http://www.myco-vaud.ch/
Centres antipoison http://www.centres-antipoison.net/
Les deux centres anti-poison de Rhône-Alpes: Lyon : 24/24 04 72 11 69 11 et Grenoble 04 76 76 56 46 (aux heures et jours ouvrables).