Si l’on passe à l’échelle plus large du territoire, le tracé d’une nouvelle liaison routière peut fournir l’occasion de renforcer le paysage existant. Le projet d’autoroute pour contourner Mestre, face à Venise sur la terre ferme, a suscité sur 650 hectares un travail collaboratif entre ingénieurs paysagistes, pouvoirs publics et association des exploitants agricoles riverains. Il en résulte un programme où le modelé du site, sa trame végétale et aquatique absorbent la voie plutôt que le contraire, et où son orientation en parc urbain de loisir s’accompagne de règles durables de gestion. L’Europe s’enorgueillit à juste titre de la préservation de ses paysages agricoles traditionnels, mais leur utilisation touristique en tant que tels peut entrer en concurrence avec le travail de la terre. Pour pouvoir découvrir celui-ci sans le bouleverser, il faudrait notamment créer un réseau de chemins cyclistes à travers le continent.
Aménager l’espace avec l’objectif de remédier aux mutations climatiques se décline en différents niveaux d’interventions. Le moindre aménagement devrait s’effectuer avec le maximum possible d’éléments recyclés. De petits coquillages constituent les cheminements piétons d’un jardin dans le port danois de Norresundby. Mais c’est à l’échelle de régions et pays entiers qu’il faut également œuvrer. L’assèchement de l’Espagne a commencé à être combattu depuis deux décennies grâce au développement des connaissances environnementales. De Barcelone à Valence, les paysagistes cicatrisent les écosystèmes surexploités. Aux Pays-Bas, le système traditionnel des polders drainés fonctionnait si bien que les terres agricoles se desséchaient durant les étés secs. Répondre à ce phénomène tout autant qu’à l’inéluctable montée du niveau de la mer exige aujourd’hui de mieux prendre en compte le fonctionnement des milieux naturels. Le principe adopté est de ne plus opposer des frontières infranchissables à la mer et aux rivières. De nombreux aménagements paysagers commencent à intégrer dans leur dessin des zones de stockage des eaux et d’expansion des crues. Voici qui met un frein à la croissance exclusive des surfaces urbaines ou agricoles.
Gabriel EHRET
On Site, Editions Actes Sud, 2009, 288 pages, 55 euros