Gil Rivière-Wekstein : le débat sur le glyphosate a été détourné

Gil Rivière Wekstein, journaliste, est créateur et animateur de la revue et du site Agriculture et Environnement. Il vient de publier la seconde édition de son livre Glyphosate, l’impossible débat. Pour lui, le débat scientifique sur ce désherbant a été détourné, notamment par des associations et des cabinets d’avocats aux États-Unis, afin de déclencher des procès en série, débouchant sur d’importantes indemnités et d’importants honoraires.

Pourquoi le glyphosate n’est-il pas dangereux ?

Les affirmations sur le danger du glyphosate qui serait cancérigène ne proviennent que d’un avis, celui du Centre international de recherche sur le Cancer (Circ), l’agence de lutte contre le Cancer, rendu en mars 2015. Avant et surtout depuis, aucune agence de santé au monde n’a affirmé que le glyphosate comportait des dangers lorsqu’il est utilisé correctement. Pas plus dans les pays européens qu’en Chine, ni en Russie, ni même aux Etats-Unis, pays d’où sont parties des actions relayées par des avocats, destinées à demander des indemnités à Monsanto puis à Bayer, qui a racheté le groupe américain.

Dans quelles conditions l’avis du Circ a-t-il été rendu ?

Des experts du Circ se sont réunis pour réaliser une monographie sur le glyphosate, comme le Circ le fait sur d’autres substances. Christopher Portier, un scientifique américain, qui lui-même a reconnu n’être ni un spécialiste du cancer, ni un spécialiste de toxicologie, participait à ce groupe de travail.

Or, Christopher Portier, il l’a également reconnu, avait à la fois des liens avec des associations de défense de l’environnement opposées au glyphosate et avec des cabinets d’avocats fortement intéressés par de potentielles et très nombreuses actions collectives, destinées à demander des indemnités. Christopher Portier a même été rémunéré pour certaines de ses activités. On peut donc légitimement penser que sa participation aux travaux des experts n’a pas été neutre.

Comment le savoir ?

Difficile, car le Circ n’a jamais répondu aux demande d’explications, sur la réalisation de cet avis. Les minutes des échanges lors des réunions n’ont jamais été communiquées et ne sont pas publiées, ce qui est surprenant, car justement l’intérêt d’une démarche scientifique, lors de l’élaboration d’un avis, est de connaitre les positions et arguments qui ont été partagés.

Vous parlez dans votre ouvrage d’une opération de pisseurs volontaires, quel rôle a-t-elle joué ?

Cette opération a consisté, pour les opposants au glyphosate, à mobiliser des personnes médiatiques, comme des artistes, pour réaliser des prélèvements et des analyses d’urines. Ces analyses ont toutes été effectuées par le même laboratoire, Biocheck, en Allemagne, entièrement dédié à répondre à des demandes d’opposants.

Lorsque l’opération a été lancée, d’une manière très spéctaculaire, avec des résultats allant tous dans le sens d’une présence de glyphosate dans les urines, des agriculteurs et des journalistes ont réalisé d’autres analyses d’urine par d’autres laboratoires variés, vraiment indépendants, et les résultats ont été négatifs. En fait, le laboratoire Biocheck a utilisé des méthodes destinées à la détection de substances dans l’eau, il s’est de plus appuyé sur une publication scientifique, destinée servir de caution, qui ne retenait que des cas positifs recueillis dans ces conditions.

Quel est le statut actuel du glyphosate au niveau mondial ?

Aucune étude produite à ce jour n’a montré d’effet du glyphosate sur la santé humaine ou sur l’environnement ; aux États-Unis même, le glyphosate reste autorisé.

Quelles sont les alternatives étudiées au glyphosate ?

Le perspective d’une interdiction du glyphosate a poussé à chercher de alternatives afin d’éviter les impasses pour de nombreuses cultures. Les alternatives étudiées comportent des inconvénients sur le plan économique et sur le plan écologique car elles coutent plus cher. Surtout sur le plan technique, le travail du sol à des effets négatifs sur ce dernier, et le recours à des engins entraîne des consommations énergétiques et des émissions de gaz à effet de serre.

Quelles sont les perspectives selon vous ?

Le président français a voulu prendre de l’avance en annonçant le retrait rapide du glyphosate, plus rapidement que ce que prévoyait l’Europe. En 2017, 18 pays sur 27 ont proposé de laisser aux agriculteurs encore cinq ans, avant de prendre une nouvelle position sur le glyphosate. Huit États ont suivi la France : la Belgique la Grèce, la Croatie, l’Italie, Chypre, le Luxembourg, Malte et l’Autriche.

Plutôt que suivre la majorité des États, le président français a décidé de demander au gouvernement de prendre des dispositions pour que le glyphosate soit interdit dès que des solutions de substitution seront trouvées, et au plus tard dans les trois ans.

Mais le président évolue vite. Dès 2018, il explique qu’il ne demandera plus aux agriculteurs sans solution de sortir du glyphosate dans les trois ans. Le président, les ministres, les parlementaires résistent pour refuser une interdiction au bout de trois ans et même au-delà. Le président est coincé. L’abandon de sa promesse d’interdiction lui ferait perdre des voix du côté de l’électorat à sensibilité écologique. Mais tenir la promesse d’interdiction aura des conséquences pour l’agriculture et les agriculteurs.

Recueilli par Michel Deprost michel.deprost@enviscope.com

Glyphosate, l’impossible débat, Intox, Mensonges et billets verts, Gil Rivière-Wekstein, Le Publieur, 170 pages 18 euros.

 

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