L’hypothèse exposée dans Nature apporte un éclairage nouveau sur l’évolution de
l’intérieur de notre planète et de son champ magnétique. Les petites ( quelques kilomètres )zones partiellement fondues sont détectées grâce aux ondes produites par les grands séismes avec des techniques proches de l’imagerie médicale. Tout semble indiquer qu’elles sont plus denses et probablement plus riches en fer que les roches du manteau. Leur forme donne à penser qu’elles stagnent en profondeur. D’où viennent ces roches fondues ? Comment peuvent-elles être maintenues fondues alors que le reste du Manteau est fondu?
Pour répondre il faut se rappeler que l’intérieur de la Terre comporte deux parties : le Noyau, tout à fait au centre et autour, le Manteau. Le Manteau se refroidit doucement grâce aux mouvements des masses rocheuses qui transportent la chaleur interne vers la surface. Ces mouvements dans le manteau solide provoquent la tectonique des plaques et son cortège de séismes et d’éruptions.
Noyau de fer
Le champ magnétique terrestre lui est produit par la convection dans le noyau de fer liquide, entre 2900 et 5100 km de profondeur, qui se refroidit aussi par ce mécanisme. Or, les mesures de l’aimantation des roches dans le passé indiquent que le champ magnétique de la Terre existe depuis au moins 3,2 milliards d’années. Le noyau a dû se refroidir pendant au moins cette durée.
Un océan de magma
Les chercheurs émettent l’hypothèse que les zones partiellement fondues observées à la base du manteau sont les vestiges d’un « océan de magma » initialement beaucoup plus volumineux (plusieurs centaines de km), mis en place au moment de la formation très énergétique de la Terre quant noyau et manteau se sont individualisés. La persistance d’une couche de magma basal s’explique par la lenteur des mouvements dans le manteau sus–jacent, de l’ordre de quelques centimètres par an. Cette vitesse très lente ne suffit pas à refroidir la Terre d’une manière homogène, aussi il reste des poches de magma.
A la base du manteau
Pourquoi ce magma ne remonte-t-il pas à la surface ? Des études sur l’effet de la pression sur la fusion des matériaux terrestres ont répondu. Aux pressions énormes qui règnent à la base du manteau, liquide et solide sont presque aussi denses l’un que l’autre s’ils sont de même composition chimique. Or, si le liquide de ces poches contient plus de fer, comme on le pense, il est plus dense que le solide. Il reste donc à la base du manteau plutôt que de remonter.
Pour tester ce modèle les auteurs ont confronté leurs prédictions aux données de la géochimie et de la thermique terrestre. Lorsqu’un magma cristallise partiellement, la composition chimique des cristaux et du magma résiduel ne sont pas identiques. Certains éléments
comme le fer ont tendance à se concentrer dans le magma et à s’appauvrir dans le solide.
Des éléments concentrés à la base du manteau
Selon les chercheurs une partie importante de certains éléments initialement répartis de manière homogène dans la Terre devraient être concentrés dans cette couche fondue à la base du manteau.
Vérification? Il suffit de comparer la composition moyenne de roches collectées à la surface de la Terre et la composition de métérorites, qui est celle de la Terre à sa formation. Le résultat est clair: à la surface de la Terre on trouve moins d’éléments incompatibles. Explication: ils sont restés piégés sous le manteau dans la fameuse couche magmatique.
Les chercheurs imaginent donc le scénario thermique et magnétique de l’histoire de la Terre. Au début le flux de chaleur sortant du noyau devait être limité par la production de chaleur radioactive dans l’océan de magma basal. Les mouvements de convection dans le noyau n’auraient démarré qu’après 500 millions à 1 milliard d’années. Durant toute cette
période, il n’y aurait donc pas eu de champ magnétique. La Terre n’aurait donc pas été protégée des rayons cosmiques.
Les implications d’une telle hypothèse sur l’atmosphère terrestre et le
développement de la vie pourraient être profondes. Elles restent à étudier.
Ce travail a bénéficié d’un financement du programme SEDIT de l’INSU, et d’un soutien du Ministère de
l’enseignement supérieur et de la recherche.