Michel Serres, philosophe, a conclu deux journées d’une rencontre sur les “ressources” organisée par l’Institut Universitaire de France, avec l’Université de Lyon, à l’Ecole Normale Supérieure de Lyon.
L’historien des sciences, auteur de l’ouvrage récemment publié « Le temps des crises » a brossé un brillant tableau des inventaires dressés de tout temps par les philosophes et les savants.
Des sciences fondamentales à l’Univers
Souvent des penseurs sont partis de sciences fondamentales pour élargir leur vision à la planète, au vivant, à l’Univers. Descartes, partant de la géométrie, est allé jusqu’’à écrire des traités sur les météores, sur l’homme, sur l’animal. Buffon, statisticien, est devenu industriel, a réalisé des expériences pour établir l’âge de la Terre en observant le refroidissement de boules de métal chauffées. Puis il a écrit sur le règne animal. Auguste Comte, mathématicien, a mis sur pied une vision positive de la science, qui l’a fait s’intéresser à la biologie ! Et au siècle dernier, le physicien Schrödinger, s’est intéressé au vivant.
Tout cela deux mille cinq cents ans après que Platon a tenté de déduire le monde de quelques idées, avant qu’Aristote, entreprenne l’analyse scrupuleuse du monde sublunaire, des animaux aux météores.
La nouveauté de notre époque, explique Michel Serres, c’est que l’humanité dispose des inventaires de toutes les ressources . La science lui permet même de lire le grande livre de la réalité !
Révolution post-industrielle
Comme dans le passé la physique et la chimie, des sciences fondamentales commencent à transformer en profondeur la production (génétique, biotechnologies, nanotechnologies). « Les techniques se décrochent de la science et entrent dans l’industrie ».
“Avant on sommait localement, aujourd’hui, on accède à une vision totale » explique en substance Michel Serres. « Les anciennes sciences ont permis d’intervenir sur le monde et de l’exploiter. Les nouvelles recherches doivent permettre de comprendre le monde et non plus de l’expliquer ». C’est-à-dire qu’il faut comprendre le monde comme un ensemble saisi dans ses interactions.
« Depuis le néolithique, jusqu’aux années soixante, 75 % de l’humanité était formés d’agriculteurs. Aujourd’hui les agriculteurs sont une minorité. Nous connaissons la fin du néolithique ». Mais cette puissance accrue d’intervention sur le monde doit conduire l’humanité non pas à exploiter la terre, mais à la cultiver.