Les observations ont été faites en 2002–2003 dans le Tricastin, au sud de la Drôme, un secteur connu depuis des siècles comme étant le siège de ce qu’on appelle des essaims de séismes. Le texte communiqué par FrançoisThouvenot, explique qu’au lieu de la séquence habituelle « séisme principal suivi de répliques », on observe parfois une activité sismique concentrée en un point géographique bien précis qui se traduit par une succession de secousses de magnitude quasiment aléatoire, sur une durée très variable allant de plusieurs jours, semaines, mois ou années.
À la différence des répliques, qui ont des magnitudes moindres que le choc principal, les essaims de séismes sont difficiles à gérer sur le plan de la Sécurité civile. On n’est jamais certain qu’une secousse de plus forte magnitude ne va pas survenir.
Clansayes, un village à essaim de séismes
Un tel essaim a pris naissance en 2002 dans le village de Clansayes, près de Saint-Paul-Trois-Châteaux (Drôme). Le village avait déjà été visité , rappelle le LGIT, en 1772–1773 par un essaim dont la plus forte secousse a abattu le clocher de l’église. En 1933–1936, un autre essaim de très grande durée a touché cette région, obligeant même la population à vivre sous la tente pendant plusieurs semaines, tant les phénomènes étaient inquiétants. En décembre 2002, comme d’ailleurs lors des précédents essaims, les séismes ont été perçus sous la forme d’explosions sonores. Après avoir écarté la possibilité de phénomènes sonores aériens liés à des franchissements de mur du son ou de coups de bélier dans un pipe-line tout proche, le maire de Clansayes a contacté la Sécurité civile de la Drôme qui a alors suggéré qu’il pourrait s’agir de phénomènes sismiques. Là encore, les réseaux de surveillance sismique ont été complètement sourds à ces événements de magnitude très faible probablement inférieure à 1. Une station sismologique temporaire installée quelques jours après démontrait que les détonations perçues étaient bien des séismes.
Mais les sismologues ont été surpris par un autre constat. Les enregistrements obtenus montraient que les deux ondes classiquement observées en sismologie, l’onde P compressive qui arrive la première et l’onde S cisaillante qui arrive en second, étaient observées avec un écart de temps de 45 millisecondes seulement. Or cet écart est directement utilisable en sismologie pour déterminer la distance entre la station d’enregistrement et le foyer sismique. Un coefficient de proportionnalité permet de déduire de l’ l’écart en secondes à la distance en kilomètres.
Avec une proportion de 7 dans le cas présent, l’enregistrement signifiait que les séismes observés n’étaient situés qu’à 300 mètres de distance, soit une profondeur focale au grand maximum égale à cette valeur si l’on supposait les foyers directement situés sous le point de mesure. La sismicité liée au volcanisme peut expliquer un tel phénomène. Ce phénomène peut aussi être provoqué par des activités humaines : creusement de galeries de mines ou surcharge locale engendrée par la masse d’eau d’un barrage . Cette dernière peut générer des séismes parfois très superficiels.
Mais des profondeurs focales de quelques centaines de mètres n’ont jamais été observées dans le cas de séismes naturels tectoniques, liés ici à la fracturation d’une dalle de calcaire très rigide, épaisse d’environ 250 mètres. Des séismes de très faible magnitude, de magnitude éventuellement négative peuvent être ressentis si le foyer se trouve à quelques centaines de mètres de profondeur. La magnitude ne doit pas être surestimée lorsqu’on procède à des recherches de sismologie historique où l’on traque dans les archives les témoignages de l’observation de tels phénomènes. Ces témoignages — même lorsqu’ils ne mentionnent qu’un bruit d’explosion en une seule localité — ne doivent pour autant pas être négligés. Leur utilisation judicieuse permet en effet de mettre en évidence une faille sismiquement active qui, dans de nombreuses zones de sismicité modérée, ne produit des séismes majeurs que tous les quelques milliers d’années. Le fait que des événements de faible magnitude puissent être ressentis par des êtres humains montre que l’Homme est finalement un instrument beaucoup plus sensible — et peut-être moins coûteux à entretenir — que les réseaux sismologiques modernes, même les plus denses et les plus performants.
michel.deprost@enviscope.com
Observatoire des sciences de l’Univers de Grenoble, FranceThouvenot et al. (2009) Terra Nova 21: 203–210.