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Pour que le 100 pour 100 voiture ne condamne pas nos montagnes, par Alain Boulogne


Pour accéder au domaine skiable international des Portes du Soleil, et notamment aux


stations de Morzine, d’Avoriaz et des Gets, il faut emprunter une route


à deux voies dans des gorges étroites. Il n’existe aucune possibilité d’élargir cette voie. Le trafic y est intense (20 000 véhicules/jour) au moment des transhumances,


en particulier les 17 samedis de l’hiver. Le flux se trouve totalement paralysé si les chutes de neige se produisent au moment des pics de fréquentation puisque le service de déneigement est bloqué trois ou quatre fois par hiver dans les files de voitures immobilisées par la neige.



La montagne est un territoire fragile où l’espace est le bien le plus précieux. Ne pas avoir de politique en matière de mobilité revient à laisser faire. C’est le choix du 100 % voiture, avec des véhicules qui se garent sauvagement, en particulier sur les trottoirs, au pied


des remontées mécaniques…, avec des 4 x 4 partout, avec des voitures des skieurs à la journée venant saturer les rares espaces disponibles…



La politique du 100 % voiture conduit à une impasse d’autant plus grave qu’elle est à l’opposé du rêve qui pousse les vacanciers à la montagne : faire une rupture avec la ville. Aujourd’hui, de nombreux Parisiens ne possèdent plus de voiture et veulent manger biologique. Nos vacanciers habitent dans des milieux très urbanisés où la culture des transports en commun est très développée. Ils s’attendent à trouver les mêmes prestations en montagne. Être en profond décalage par rapport à ces attentes revient à décevoir de plus en plus ces clients.




Quelle capacité de charge pour nos montagnes ?



La politique du 100 % voiture est poussée jusqu’à son point de rupture. Ce n’est qu’alors qu’elle sera remise en cause. Ces constats mettent en évidence une notion relativement nouvelle pour la montagne, celle de la capacité de charge d’un territoire. Comment calculer où se situe le point de développement à ne pas dépasser, qui viendrait compromettre la possibilité donnée à nos enfants de continuer à vivre du tourisme sur leur territoire ?


La commune des Gets est entrée dans une démarche d’Agenda 21, s’interrogeant pour savoir si l’apogée de la courbe de cette capacité de charge est d’ores et déjà dépassée en regard de ses ressources naturelles : atteinte du paysage, maîtrise des nouveaux permis de construire, ressource en eau, taille et débit du domaine skiable, station d’épuration, envahissement


des voitures.


Un autre constat porte sur la difficulté, pour des territoires de montagne, à mettre en place une intercommunalité qui fonctionne réellement. Le jour où nos enfants pourront aller jouer au foot ou aller jouer de la musique dans le village d’à côté sans mettre à contribution un parent chauffeur, l’intercommunalité (et l’intermodalité) se feront d’elles-mêmes.


Néanmoins, avant même de parler d’intermodalité, le premier objectif doit être d’optimiser le remplissage des transports collectifs existants. Pour atteindre ce but, il est nécessaire de faire une véritable révolution des mentalités, d’abandonner le raisonnement producteur et de placer le piéton au coeur du débat.



Aujourd’hui, des bus circulent, partent à l’heure, arrivent à l’heure, mais sont vides. Personne ne peut critiquer puisque le cahier des charges proposé par l’autorité organisatrice est respecté. Mais le plus important n’est pas de faire fonctionner des remontées mécaniques ou des bus, c’est bien de satisfaire le client.



Pour atteindre l’objectif de l’intermodalité, il est fondamental d’établir, dès l’abord, un diagnostic unique sur tous les modes de transport alternatifs à la voiture, à toutes les échelles de déplacement, et pour tous les types d’usagers.




Le département commanditaire de la réflexion




La deuxième étape est de faire le comparatif chiffré entre la solution alternative et la voiture. Ainsi, dans l’exemple des Portes du Soleil, il apparaît clairement qu’il n’y a aucune coordination entre les différents maillons de la chaîne. Seule existe une adaptation en temps réel à l’arrivée des trains. L’objectif avoué de ce diagnostic est de faire prendre conscience à toutes les parties prenantes (SNCF, autorité organisatrice, transporteurs, usagers, collectivités locales…) que des solutions sont possibles, à condition que soient réunies les pièces du puzzle.


Le département, autorité organisatrice des transports par autocar, a seul le pouvoir de provoquer ces rencontres afin de construire le futur cahier des charges avec l’ensemble des acteurs concernés, même s’ils ne sont pas tous signataires. Il doit être le commanditaire officiel de la réflexion collective



Il faut aussi un “régulateur” de dialogue entre les différentes parties. Ce n’est pas un enjeu de pouvoir plutôt un enjeu économique et écologique. Le législateur, qui a conçu l’organisation des transports publics pour les zones urbaines, doit


aujourd’hui s’occuper des zones rurales et de montagne qui n’ entrent pas dans les critères des périmètres de transport urbain seul outil réglementaire permettant de faire circuler des autobus dans un mode urbain.



La région Rhône-Alpes, pour sa part, continue de sous-estimer l’intérêt d’une telle organisation territoriale. Elle doit apprendre à accompagner les projets locaux émergeants. Son rôle n’est pas exclusivement de lancer


des procédures dont elle serait l’épicentre, mais aussi d’encourager


les initiatives expérimentales et de les stimuler par une présence


active.


Des solutions pour les Portes du Soleil


Alors, quelles seraient les solutions en matière d’intermodalité


pour les Portes du Soleil ?


Une première recherche passe par la mise à plat du planning de tous les engins qui circulent sur l’axe Thonon-Cluses et au départ (et à l’arrivée) de l’aéroport de Genève-Cointrin.


Une première idée pourrait être d’abandonner les bus dédiés à certaines clientèles (scolaires…) et de mettre à la disposition de tous les transports collectifs sur ces axes. Une fois tous les bus ouverts à tous les clients potentiels, il s’agirait de rendre lisibles et simples les horaires. Seul le cadencement régulier permet au client de s’y retrouver.


Dans ce contexte, les clientèles captives (sans voiture) doivent faire l’objet de toutes les attentions. Ce sont : les scolaires ; les jeunes sans permis de conduire ; les seniors ne conduisant plus sur la neige ; les actifs sur le trajet biquotidien domicile-travail ; les touristes venant des gares de Thonon, Cluses et Lyon – Saint- Exupéry et des aéroports de Lyon – Saint-Exupéry et Genève- Cointrin ; les skieurs ayant manqué la dernière benne du soir ; les


skieurs à la journée porteurs d’un forfait combiné transport-remontées mécaniques ; les touristes désireux de découvrir un itinéraire bénéficiant d’une vue panoramique ; les randonneurs qui élargissent ainsi leur périmètre de jeu… Ce potentiel est important . En Allemagne et en Autriche, cette proportion atteint aujourd’hui 20 % pour les sites qui ont commencé à s’organiser différemment il y a vingt ans.


Une autre idée consiste à promouvoir l’axe desservi (exemple “Thonon-Cluses”), plutôt que, comme c’est le cas actuellement, le nom de l’entreprise gérant la ligne d’autocar.


Le souci majeur doit rester le client, qui a besoin d’être rassuré et informé bien avant la date de son séjour : clarté du service rendu et de la destination, précision de l’itinéraire et des temps de transport.


Une centrale de mobilité


Aujourd’hui, dans bien des cas, les transports en commun existent, les correspondances entre train et autocar sont assurées, mais ne sont pas lisibles. Un autre axe de recherche serait donc la mise en place d’une “centrale de mobilité” (site internet) vers


laquelle le client pourrait se tourner . Cette solution s’inspire directement du réseau Satobus qui dessert l’aéroport de Lyon – Saint-Exupéry.


Toutes ces idées font aujourd’hui l’objet d’un programme européen Interreg, Mobilalp, dont le chef de file est le département de la Haute-Savoie. Les premiers tours de table sont très longs à construire et sont encore incomplets.



Et aux Gets



Et dans le village des Gets, que peut-on faire ? Depuis 2001, la municipalité s’investit dans un mode de développement qui prend en compte tout à la fois l’équilibre social et la sécurité, le respect de l’environnement et la rentabilité à long terme. Cet objectif a été clairement posé dans le “projet village” 2003- 2013.



Avec la commune voisine de Morzine, nous devenons ainsi une sorte de laboratoire de la mobilité.


Les premières mesures ont été prises dès 2002, en été comme en hiver. Ce sont notamment :


– le maintien de la circulation dans le centre du village, avec limitation de la vitesse à 30 km/h ;


– le rétrécissement de la chaussée par des bacs à fleurs, sans possibilité de stationnement, sauf pour des places


arrêt minute, des places handicapées et des espaces de livraison ;


– l’incitation à une meilleure utilisation du parking souterrain du centre ;


– la possibilité de fermeture à la circulation lors d’animations, avec la mise en place de personnel de


contrôle et de renseignement. L’espace ainsi reconquis sur la chaussée est rendu aux piétons ;


– le renforcement de la police municipale ;


– le stationnement interdit la nuit, pour faciliter le


déneigement.




Les mesures 2003-2004 ont concerné :


– l’acquisition d’un terrain à l’entrée du village (350 places de stationnement) desservi par un nouveau télésiège 6 places pour inciter les clients à la journée à ne pas envahir le coeur du village. L’acquisition de ce terrain avait d’autant plus d’importance qu’il était promis, dans la plus pure logique immobilière, à 27 000 mètres carrés de plancher ;


– l’acquisition d’un terrain dans le centre pour 100 places de parking en aérien


;


– la réalisation de 1 500 mètres de trottoir pour permettre un déneigement efficace et encourager le cheminement piétonnier ;


le doublement du réseau de navettes gratuites qui propose maintenant un système cadencé, sans horaires fixes.


Les mesures 2005 sont :


– l’incitation des travailleurs saisonniers à ne pas voyager depuis leur domicile principal avec leur propre voiture qui reste inutilisée tout l’hiver, en véhicule ventouse au coeur du village (la société de remontées mécaniques leur offre désormais le billet de train) ;


– un horaire élargi des navettes pour le personnel ;


– la validation des appels d’offres pour l’aménagement piétonnier du centre (début des travaux, 2006) ;


– la validation des appels d’offres pour la création d’un deuxième parking souterrain de 350 places


(début des travaux, 2007) ;


– la réalisation d’une “voie blanche”, cheminement à ski pour relier les deux domaines skiables et entretenir une ambiance neige dans le coeur du village.



Perles des Alpes



Ainsi, avec la démarche Mobilalp, les Gets et Morzine sont entrés dans un projet de développement durable au sein du réseau européen Perles des Alpes (25 destinations


en Allemagne, Autriche, Suisse, Italie, France). Il s’agit de proposer à nos clients une offre de mobilité à caractère durable, combinée à une forte attractivité touristique. Les destinations du réseau Perles des Alpes s’engagent, en effet, à mettre en place les mesures suivantes :


– renforcement du caractère durable de l’offre touristique ;


– dispositifs de mobilité pour l’accès au village et l’accès aux ressources touristiques situées dans les environs de la station ;


– mise en place de systèmes d’information qui permettront de promouvoir l’offre de mobilité, et renforcer le positionnement de la station.


Nous engager dans un tel challenge, auprès de noms prestigieux


tels que Cortina d’Ampezzo, Saint- Moritz ou les Dolomites (autres station


du réseau Perles des Alpes) représente une occasion unique de rattraper le retard accumulé dans l’organisation de notre offre.




A L A I N B O U L O G N E


Chargé de mission montagne à la Mission d’ingénierie de Rhône-Alpes Tourisme (Mitra)


Maire des Gets (Haute-Savoie)




Cette tribune est une version légèrement modifiée d’un article publié par Alain Boulogne dans la revue Espace


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