Après la remise du rapport Borloo, David Kimelfeld , Président de la Métropole de Lyon plaide pour une clarification des compétences entre l’État et les collectivités territoriales. Dans une tribune publiée par Le Point.fr, le président de la métropole de Lyon, veut un big bang des relations entre l’Etat et les collectivités territoriales.
La politique de la ville a besoin d’un sursaut. C’est le message que veut faire passer Jean-Louis Borloo dans son rapport « explosif » remis au Premier ministre jeudi 26 avril. Avant lui, c’était aussi le message, reçu comme « un cri d’alarme », que voulait faire passer Stéphane Gatignon, le maire démissionnaire de Sevran. C’est enfin le sens du pacte de Dijon porté par l’association France urbaine et l’AdCF (Assemblée des communautés de France) et que j’ai signé récemment avec d’autres élus d’intercommunalités. Ce sursaut ne pourra se faire sans les collectivités territoriales, et en particulier les métropoles et les intercommunalités qui constituent aujourd’hui l’échelle la plus pertinente d’action pour résorber les fractures urbaines et sociales.
La politique de rénovation urbaine conjuguée avec les politiques locales a permis d’améliorer de façon spectaculaire et en profondeur la situation de certains quartiers en difficulté, et ce fut notamment le cas dans la métropole lyonnaise. Le développement massif des transports en commun a permis de désenclaver bon nombre de nos quartiers, effaçant les barrières spatiales et la logique de ségrégation.
L’action volontariste du Grand Lyon – devenu métropole – et de ses partenaires s’est traduite parallèlement par la construction et la rénovation de logements, par la création d’équipements et d’espaces publics, faisant enfin entrer la notion de « qualité de vie » dans des quartiers ayant bien souvent été conçus de façon trop « utilitaire ». Ce travail doit aujourd’hui se poursuivre avec l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU). L’État doit confirmer son engagement financier en matière de renouvellement urbain alors même que les signaux adressés ces derniers mois ne sont guère rassurants ! Car, sans politique de rénovation urbaine effective, aucune autre action dans nos quartiers ne portera véritablement ses fruits à long terme.
La cohésion sociale est mise à rude épreuve
Cette rénovation urbaine nécessaire mérite cependant un second souffle face à de nouveaux défis. Car la cohésion sociale est toujours mise à rude épreuve dans ces quartiers classés en « politique de la ville » qui réunissent une surreprésentation des ménages à bas revenus, notamment des familles monoparentales, des chômeurs et des bénéficiaires du RSA, sans oublier les tendances à l’entre-soi et les affirmations identitaires. C’est pourquoi nous avons entendu l’appel à la mobilisation nationale de Jean-Louis Borloo et partageons avec lui le constat qu’il est urgent d’agir. Il nous faut effectivement « un changement radical dans la conduite de l’action publique » et « une mobilisation nationale qui engage tout le monde et sollicite tous les acteurs avec clarté ».
Les pistes évoquées dans son rapport trouvent un écho certain avec ce que nous vivons dans nos territoires urbains. Ses propositions ambitieuses ont aussi et surtout le mérite de rappeler combien le sujet des banlieues est aujourd’hui une véritable cause « nationale », qui concerne chacun de nous, élus, citoyens… avec des enjeux de cohésion républicaine qui dépassent effectivement l’échelle de ces quartiers.
Décloisonner les politiques publiques
La Métropole de Lyon est déjà en ordre de bataille pour relever le défi de cette cohésion urbaine. Avec la création de la Métropole de Lyon s’est ouvert un nouvel espace pour repenser les solidarités. Cette collectivité unique, créée il y a maintenant trois ans, est en effet le fruit de la fusion des compétences de la Communauté urbaine de Lyon et de celles du Conseil général du Rhône. En plus des compétences économiques et de développement urbain, elle dispose désormais des compétences sociales issues du Département : gestion du RSA, accompagnement des personnes âgées et handicapées, protection maternelle et infantile, gestion des collèges…
Cela nous permet de renforcer les solidarités territoriales : d’une part, en resserrant les liens avec les communes et, d’autre part, en croisant nos politiques sociales, urbaines et économiques, pour plus d’efficacité. La création de la Métropole nous confère une meilleure capacité à innover, à décloisonner les politiques publiques, à renouveler nos pratiques au profit d’une plus grande solidarité. La métropole a d’ores et déjà engagé ce rapprochement entre ses politiques thématiques et la politique de la ville, à travers plusieurs de ses programmes et expérimentations.
Mais il nous faut pouvoir aller encore plus loin.
Nous partageons avec Jean-Louis Borloo cette idée que nous ne réussirons cette politique qu’en nous appuyant sur de nouvelles méthodes, sur des choix innovants et adaptés à chaque territoire.
Et l’enjeu est de taille !
Qu’il s’agisse de ses propositions en matière d’emploi, de création de cités éducatives, de déploiement de campus numériques, ou encore en matière de développement de la mobilité, de promotion de la mixité ou d’insertion par le sport… toutes ces propositions entrent d’ores et déjà de près ou de loin dans notre champ de compétences. Ainsi, qu’elles soient retenues ou non par le président de la République, une chose est sûre : la Métropole de Lyon prendra toutes ses responsabilités en faveur des quartiers « politique de la ville », que ce soit dans le domaine économique, urbain, social ou éducatif. La Métropole de Lyon a toute légitimité pour agir d’autant plus que ses liens avec les communes se sont renforcés dans le cadre du pacte de cohérence métropolitain. Nous sommes plus que jamais le moteur de la solidarité territoriale.
L’enjeu est bien de clarifier « qui fait quoi »
La cohésion sociale ne se fera pas sans des engagements fermes en termes de financements. L’État doit continuer à investir massivement dans la rénovation urbaine, mais aussi dans les services publics fondamentaux que sont l’éducation, la sécurité, la santé, la justice. Pour que le développement économique profite à tous les territoires, il faut une action forte et volontariste de l’État.
Cependant, rien ne se fera sans une clarification des responsabilités, exclusives et partagées, entre les collectivités locales et l’État. L’enjeu est bien de clarifier « qui fait quoi, qui prend les engagements, qui est financeur, qui est opérateur », comme l’explique Jean-Louis Borloo dans son rapport. C’est cette clarté qui nous permettra d’avoir une capacité d’action renforcée, et de faire de la métropole de Lyon le chef de file de la cohésion sociale sur son territoire, comme nous l’avons été en tant que communauté urbaine en matière de rénovation urbaine.
(David Kimelfeld est président de la métropole de Lyon.