Il fait gris sur Pierre Aiguille, un sommet qui domine la vallée du Rhône, au dessus des vignobles de Tain l’Hermitage. De l’autre côté du fleuve, l’agglomération de Tournon et les lointains enneigés d’Ardèche. Vers l’Est, le Vercors se découpe vaguement dans les nuages. Derrière un autre sommet, vers le sud, Tain et plus loin encore les courbes du fleuve qui miroite dans le bassin de Valence.
C’est du sud justement, qu’en ce moment les oiseaux remontent. Ils viennent de Camargue, d’Espagne, d’Afrique proche ou lointaine et ont recommencé il y a quelques temps leur retour pour venir nidifier en Europe, ici, ou parfois, selon les espèces, jusqu’en Scandinavie.
Et pour les observer, depuis le 15 février et jusqu’au 18 avril, deux observateurs en mission pour le CORA ( Centre Ornithologique Rhône-Alpes) de la Drôme, se relaient sept jours sur sept. Jumelles en main, longues vues sur trépied calées au milieu des rochers , carnet de note en poche, Simon Cavailles et Charles Henri Traversier, abrités par des bonnets, d’épais cirés, veillent du lever du soleil à son coucher sur le peuple migrateur qui avance en ordre dispersé.
Un entonnoir
« Le sud de la Vallée du Rhône est un entonnoir, et ici aussi l’itinéraire des oiseaux se resserre, même si nous nous sommes pas sur un col, comme celui de l’Escrinet, en Ardèche, mais simplement sur un point élevé» explique Charles Henri Traversier, originaire de la Drôme, revenu de Bretagne pour cette mission financée à 60% environ par la Région Rhône-Alpes. Ici, les observations permettent de dénombrer entre 100 et 140 espèces de migrateurs, de toutes les tailles, adoptant tous les itinéraires. Il y a des passereaux: chardonnerets, mésange, pinsons. Il y a des oiseaux qui préfèrent la proximité de l’eau, grand Cormoran, Goéland brun ou Goéland leucophée, ailes blanches et extrémités noires, Mouette rieuse. Passent aussi la Cigogne blanche et la Cigogne noire, et des rapaces, Milan noir, Buse variable, Busard des Roseaux, Busard Saint Martin, Faucon épervier, Balbuzard.En trois mois, entre 5000 et 6000 milans remontent ainsi du sud, 1600 buses, entre 20 000 et 40 000 mouettes.
Jusqu’à dix kilomètres pour repérer un vol
Ciel bas, contre-jour, pluie, neige : les conditions météo arrêtent moins les oiseaux qu’elles n’entravent l’observation. Par beau temps, avec la longue vue, la masse d’un vol groupé se repère aux mieux à dix kilomètres, mais parfois, à l’œil nu, la détermination est plus difficile. Le travail d’observation prend en compte les conditions naturelles. “Nous effectuons un relevé météo toutes les heures, notons la hauteur du plafond nuageux, l’état du ciel découpé en huit secteurs, les précipitations” explique Charles Henri Traversier. Toutes les observations sont notées, avec une précision plus ou moins grande. Les plus sûres sont les plus faciles, comme le passage de cet oiseau en contrebas qui montre parfaitement ses ailes. Mais il faut parfois connaitre le code couleurs qui permet de repérer au loin un oiseau qui a été capturé et équipé pour une identification individuelle.
L’observation est donc affaire d’expérience, pour connaître la silhouette, l’envergure, le comportement, le choix des itinéraires, le vol. L’observation doit permette de déterminer l’espèce, mais aussi l’âge, le sexe. Chaque observation est consignée dans un carnet, et le soir, les données sont transcrites sur ordinateur pour être intégrées dans un logiciel qui aidera à réaliser les bilans de la migration.
Ce vendredi 7 mars, il est trop tôt pour tirer un bilan de la migration en cours. Pour le moment, l’heure est au travail patient pour les ornithologues. Pour les simples amateurs de nature, c’est le moment de rencontrer des spécialistes qui les accueillent.
Pendant la migration, Pierre Aiguille est un lieu de balade où chaque jour viennent des amoureux de la nature, attirés par le mystère du retour des oiseaux. « Les gens savent que nous pouvons leur expliquer , les accueillir, plusieurs dizaines viennent chaque fin de semaine » explique Charles Henri Traversier. Au moment de la fin de la migration, le CORA proposera des journées d’observation « Tête en l’air », au cours desquels des bénévoles plus nombreux pourront accueillir encore davantage de public.
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ou 04 75 14 79