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Bernard Gazier: la sécurisation des parcours professionnels peut avoir une base régionale

La sécurisation des parcours professionnels est possible. Pour accélérer l’atteinte de cet objectif, assurer à chacun un emploi stable, rémunéré, de qualité, il faut s’appuyer sur des noyaux durs d’activités, des filières ouvertes à l’international aux filières locales. Les Régions peuvent être chefs de file de ces politiques durables. Bernard Gazier, économiste a présenté des pistes sur l’avenir du travail devant le Conseil économique et social régional de Rhône-Alpes dans le cadre de ses Rencontres de la Prospective. Nous proposons une transcription partielle de cette conférence donnée il y a quelques semaines.



Une situation confuse: Nous sommes dans une situation confuse. Des entreprises qui réalisent des profits suppriment des postes. Nous assistons à une dégradation sans précédent de l’emploi en France, où nous devrions perdre 600 000 emplois ce qui ne s’est jamais vu depuis 1945 et même avant. Nous sommes dans une tempête, il n’y a plus de confiance, plus de chemin, il faut essayer de voir clair et de voir dans quelle mesure nous pouvons poursuivre une marche lente vers une sécurisation des parcours.


Cette crise présente des défis et offre des opportunités, permet de déplacer le débat dans la prospective, et de voir en particulier les capacités de réaction des communautés régionales, locales et internationales.



La crise de 1929 n’était pas comparable: Pendant la crise de 1929 et dans les années qui ont suivi, en France, le taux de chômage n’a jamais dépassé 6% ce qui peut nous paraître extraordinairement peu. C’est en dessous de ce que nous essayons d’atteindre en vain depuis 1975. Aux Etats-Unis le taux maximum avait été de 22%, en Allemagne et en Grande Bretagne, de 18%. Bien sûr les modes de calcul n’étaient pas les mêmes, les normes du Bureau International du Travail n’avaient pas été adoptées, mais les régimes d’indemnisation du chômage étaient aussi inexistants.


A l’époque, le chômeur était celui qui avait perdu son emploi. On prenait en considération sa situation antérieure. Aujourd’hui, un demandeur d’emploi est quelqu’un qui est disponible, il est pris en considération en fonction de son avenir, de son attente. Avec les modes de calcul actuel, le taux de chômage de la France pendant la crise aurait été de 10 à 12%.



Une prise en charge différente de l’organisation sociale qui tient à la différence en matière d’environnement social, à ce qu’on pourrait juger comme l’archaïsme de l’organisation sociale. Un chômeur retournait à la campagne, dans sa famille, il retournait faire les travaux des champs, aider, moissonner, faire un mur, réparer des outils en attendant des jours meilleurs. Il passait l’hiver au coin du feu, la famille était un amortisseur social.



Ce type d’amortis n’est plus possible même en Chine, où beaucoup de gens retournent à la campagne dans leur famille sont des perdants, en costume cravate et c’est très violent. La dureté du choc dépend donc en grande partie de la manière donc les collectivités amortissent le choc et se sentent solidaire.



Qu’est-ce qu’un modèle social ? : Un modèle social, se caractérise par la manière dont il met au travail la majorité des individus d’une société, d’un pays et par la manière dont il les protège et rend possibles les possibilités de transition. Divers mécanismes peuvent servir à amortir une crise. L’hypothèse de travail sur laquelle je suis le plus mobilisé ce sont les marchés transitionnels du travail.





Nous venons d’un modèle social de grandes entreprises. Le modèle social des années soixante-dix était représenté par de grandes firmes capables de proposer et d’aménager des carrières internes, de garantir l’emploi à vie, une progression. Ce schéma permettrait de donner de l’activité et de protéger entre 30 et 40% des travailleurs. Le reste des salariés dépendait davantage de mécanismes d’entrée et de sortie, bénéficiait d’emplois subis, parfois voulus. Ceux qui étaient dans les emplois instables pouvaient espérer être recrutés dans les grandes firmes.


Le modèle était très majoritairement un modèle masculin. Le travail des femmes était encore marginal et leur salaire était considéré comme un salaire d’appoint. La sécurité sociale collective, le rôle de l’Etat étaient dominants, comme était collectif le système d’acquisition des compétences, dans une société qui ignorait, il faut le rappeler, les notions d’environnement et de bénévolat.



L’emploi stable n’a pas disparu : La persistance du chômage de masse dans les années quatre vingt et quatre vingt dix est un échec collectif pour la France. D’autres pays ont su mieux faire. L’emploi stable est il devenu une mythologie ? La « flexi-sécurité » est-elle devenue la norme pour des travailleurs mobiles, qui doivent travailler en réseau ? Sommes-nous tous devenus les entrepreneurs de nous-mêmes.


L’emploi stable n’a pas disparu… Alors qu’on sent une montée généralisée de la précarité, le temps moyen de stabilité dans une entreprise tend à augmenter. Il est de sept ans aux Etat-Unis, de 12 ans en France. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas énormément de précarité, mais cela signifie qu’il y a une tendance généralisée à l’instabilité des relations dans l’emploi. Nous avons deux mondes, un monde de travailleurs stabilisés, morts d’inquiétude, d’angoisse, à l’idée de perdre leur emploi et qui la plupart restent en place, et d’autre part, une fraction de 30% de la population qui subit des variations de situations en chômage et emploi.



Les travailleurs qui ne sont pas en emploi stable sont-ils pour autant tous entrepreneurs d’eux-mêmes, seuls. Non. Il faut prendre en compte le phénomène de diffraction réticulaire, l’existence de réseau qui n’apparaît pas de prime abord mais qui est fondamentale.


Dans les entreprises, les salariés stables sont de plus en plus individualisés, ont des missions, des évaluations et on peut même organiser leur “inemployabilité” si on souhaite se séparer d’eux, en s’abstenant par exemple, de les former.


De l’autre côté on observe que les indépendants travaillent tous en réseau, articulent plusieurs contrats, restent maîtres de leur destin et s’intègrent plus ou moins dans les dispositifs collectifs. Tout n’est évidemment pas positif, et il faut surveiller des phénomènes comme le déclassement, le chômage des jeunes, et ce qu’on appelle au Japon les “freeters », ces jeunes diplômés qui refusent de s’insérer, jusqu’au moment où ils en sont incapables et se marginalisent. Il faut aussi prendre en considération les inégalités liées au genre, au handicap, et en France, le stress au travail, les effets sur la santé, dues à la forte intensité du travail qui est, si on peut le dire, une spécialité française.


Triple peine pour les femmes. Il faut aussi prendre en considération la triple peine infligée aux femmes. On leur a demandé de s’occuper des enfants, et elles ont sacrifié leur carrière. Elles ont eu un parcours professionnel en pointillé, ce qui leur pose un problème de retraite et enfin, on leur demande de s’occuper naturellement des parents très âgés dépendants. Il faut prendre en compte l’aspect inégalitaire de la répartition de l’emploi et des tâches.



Vers une sécurité de marché. Autrefois, toute la protection portait sur l’emploi de l’homme au travail, le chef de famille. C’est une base trop étroite de la sécurité de l’emploi et d’autres éléments doivent être mis en place sur une base plus large. La souplesse s’est introduite avec l’arrivée de nouveaux droits, par exemple celui d’organiser sa carrière, de bouger, d’avoir des congés, des congés parentaux, de réaliser des bilans de compétence, de suivre des formations, de valoriser les acquis de l’expérience. En Suède, le congé parental est porté à trois ans si les deux parents prennent ensemble un congé.




Des solutions locales et régionales. Ces dispositifs sont souvent des dispositifs nationaux mais des initiatives locales prouvent qu’il est possible d’engager une gestion locale de la sécurité des parcours professionnels. C’est ce qui se fait avec Aker Yard, à Saint Nazaire, avec la mise en place d’un dialogue social de site par l’actionnaire principal des chantiers navals.


A Toulouse, au Centre National d’Etudes Spatiales, on a mis en place la gestion de la transition sociale. Le consortium retenu lors de l’attribution d’un marché public, s’engage à redistribuer le travail à des entreprises qui n’ont pas été retenues. C’est une manière de maintenir l’employabilité de tout le monde. A Grenoble, Minalogic, c’est une Gestion prévisionnelle des effectifs et des compétences qui a été organisée.


C’est là que la Région a pleinement sa place car c’est là, au niveau des bassins, des filières, des clusters que peuvent se mettre en place des initiatives, en utilisant les leviers de la formation continue, de la formation initiale.


Un processus national doit se mettre en route pour éviter le creusement de disparités entre régions riches et régions pauvres. Les Régions doivent repérer les noyaux de stabilité, les noyaux représentés par les entreprises, par les branches, par la fonction publique, par les territoires.


L’objectif est donc de générer des noyaux de stabilité compétitifs au niveau mondial. Il faut par exemple articuler chômage partiel et formation comme cela se fait dans la Vallée de l’Arve et à Bourg-en-Bresse. Il manque encore un prestataire capable de gérer les périodes de transition, capable de mettre en place un emploi soutenable.


Nous devons aussi mettre en place un objectif permettant de permettre à chacun de se débrouiller isolément sur le marché du travail pendant une quinzaine d’années, en prévoyant aussi une variation de la durée hebdomadaire du travail, en voyant comment rendre compatible la vie professionnelle, la vie familiale, le bénévolat.


Modèle anglo-saxon, modèles nordiques, modèles continentaux ? Il faudra voir quel modèle proposera les solutions les plus efficaces, pour un emploi permettant un salaire convenable, sans stress, un travail de qualité. On doit aussi se préoccuper de la qualité du travail.



Propos retranscrits par Michel Deprost.




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